[23] Οὐ μὴν ἀλλὰ τοῦτό γε τῶν κακῶν ἐλάχιστόν ἐστι,
καὶ δεῖ παρατρέπειν εἰς ταῦτα τὴν ἀδολεσχίαν· ἧττον γὰρ
ἀηδὲς ἔσται τὸ λάλον ἐν τῷ φιλολόγῳ πλεονάζον. ἐθιστέον
δὲ καὶ γράφειν τι τοὺς τοιούτους καὶ διαλέγεσθαι κατ´ ἰδίαν.
ὁ μὲν γὰρ Στωικὸς Ἀντίπατρος, ὡς ἔοικε, μὴ
δυνάμενος μηδὲ βουλόμενος ὁμόσε χωρεῖν τῷ Καρνεάδῃ
μετὰ πολλοῦ ῥεύματος εἰς τὴν Στοὰν φερομένῳ, γράφων
δὲ καὶ πληρῶν τὰ βιβλία τῶν πρὸς αὐτὸν ἀντιλογιῶν ‘κα–
λαμοβόας’ ἐπεκλήθη· τὸν δ´ ἀδολέσχην ἴσως ἂν ἡ πρὸς τὸ
γραφεῖον σκιαμαχία καὶ βοὴ τοῦ πλήθους ἀπερύκουσα
καθ´ ἡμέραν ἐλαφρότερον παρασκευάσειε τοῖς συνοῦσιν,
ὥσπερ οἱ κύνες εἰς λίθους καὶ ξύλα τὸν θυμὸν ἀφέντες
ἧττόν εἰσι χαλεποὶ τοῖς ἀνθρώποις. ἁρμόσει δ´ αὐτοῖς
σφόδρα καὶ τὸ μετὰ κρειττόνων ἀεὶ καὶ πρεσβυτέρων
ὁμιλεῖν· αἰσχυνόμενοι γὰρ αὐτῶν τὴν δόξαν ἐν ἔθει γενήσονται
τοῦ σιωπᾶν.
Τούτοις δ´ ἀεὶ δεῖ καταμεμῖχθαι καὶ συμπεπλέχθαι
τοῖς ἐθισμοῖς τὴν προσοχὴν ἐκείνην καὶ τὸν ἐπιλογισμόν,
ὅταν τι μέλλωμεν λαλεῖν καὶ τὰ ῥήματα τῷ στόματι
προστρέχῃ, ‘τίς οὗτος ὁ λόγος ὁ ἐφεστὼς καὶ καταβιαζόμενος;
ἐπὶ τί δ´ ἡ γλῶσς´ ἀσπαίρει; τί δ´ εἰπόντι
περιγίγνεται καλὸν ἢ τί σιωπήσαντι δυσχερές;’ οὐ γὰρ ὡς
βάρος τι δεῖ πιέζον ἀποθέσθαι τὸν λόγον (ἐπεὶ παραμένει
γε καὶ ῥηθεὶς ὁμοίως), ἀλλ´ ἢ δι´ αὑτοὺς ἅνθρωποι
δεόμενοί τινος λαλοῦσιν ἢ τοὺς ἀκούοντας ὠφελοῦντες ἢ
χάριν τινὰ παρασκευάζοντες ἀλλήλοις ὥσπερ ἁλσὶ τοῖς
λόγοις ἐφηδύνουσι τὴν διατριβὴν καὶ τὴν πρᾶξιν, ἐν ᾗ
τυγχάνουσιν ὄντες. εἰ δὲ μήτε τῷ λέγοντι χρήσιμον μήτ´
ἀναγκαῖον τοῖς ἀκούουσι τὸ λεγόμενον ἡδονὴ δὲ καὶ χάρις
οὐ πρόσεστι, διὰ τί λέγεται; τὸ γὰρ μάτην καὶ διακενῆς
οὐχ ἧττον ἐν τοῖς λόγοις ἢ τοῖς ἔργοις ἐστίν. ἐπὶ πᾶσι δὲ
καὶ παρὰ ταῦτα πάντα δεῖ πρόχειρον ἔχειν καὶ μνημονεύειν
τὸ Σιμωνίδειον, ὅτι λαλήσας μὲν πολλάκις μετενόησε
σιωπήσας δ´ οὐδέποτε, καὶ τὴν ἄσκησιν, ὅτι πάντων
ἐπικρατεῖ καὶ ἰσχυρότερόν ἐστιν· ὅπου καὶ λυγμὸν
καὶ βῆχ´ ἄνθρωποι τῷ προσέχειν ἀποβιαζόμενοι μετὰ
πόνου καὶ ἀλγηδόνος ἐξεκρούσαντο. σιγὴ δ´ οὐ μόνον
ἄδιψον, ὥς φησιν Ἱπποκράτης, ἀλλὰ καὶ ἄλυπον καὶ ἀνώδυνον.
| [23] Encore est-ce là le moindre mal du bavardage. Tâchons
d'appliquer à ces sortes de propos nos causeurs éternels :
car leur manie sera moins fâcheuse quand ils l'exerceront
sur des matières intéressantes par elles-mêmes.
Outre cela, ii sera bon aussi d'accoutumer de telles gens à
écrire et à déclamer seuls dans leur cabinet. Le stoïcien
Antipater ne pouvant, à ce qu'il paraît, ni ne voulant lutter
en face contre Carnéade qui attaquait avec un grand flux de
paroles les doctrines du Portique, composa plusieurs traités
qu'il remplit de réponses adressées par lui-même à Carnéade.
Il y gagna le surnom de "Calamoboas". Peut-être
cette polémique de plume , ces combats et ces cris qui
n'ont de témoin que l'ombre du cabinet, retireront-ils les
bavards du milieu de la foule, et les rendront-ils insensiblement
plus supportables à ceux qui vivent avec eux. C'est
ainsi que les chiens, après qu'ils ont assouvi leur rage sur
les bâtons ou sur les pierres qu'on leur a jetés, sont moins
redoutables pour les hommes.
Il sera également très profitable aux bavards de fréquenter
constamment des personnes meilleures et plus
âgées qu'eux. La réputation de telles gens leur inspirera du
respect : ils s'accoutumeront ainsi à garder le silence.
Enfin, à ces habitudes ils devront sans cesse joindre
et associer celle de s'observer et de se dire : « Quelles
sont ces paroles qui se pressent sur mes lèvres et veulent
sortir de force? Où prétend aller ma langue? Que gagnerai-je
à parler? Que perdrai-je à me taire? » Car il ne faut pas que
la parole soit comme un fardeau accablant dont on veuille
se débarrasser, puisque d'ailleurs elle subsiste encore,
même prononcée. Que se proposent les hommes en parlant?
Ils parlent ou pour eux-mêmes et parce qu'ils ont besoin de
quelque chose, ou bien parce qu'ils veulent être utiles à
ceux qui les entendent, ou enfin pour se procurer un agrément
réciproque et pour assaisonner par la conversation,
comme par un sel agréable, les instants qu'ils se trouvent
avoir à passer dans une demeure ou dans une occupation
commune. Mais si ce que l'on va dire doit n'être ni utile pour
celui qui parle, ni nécessaire pour celui qui écoute, s'il n'y
a ni charme ni plaisir, à quoi bon parler? La frivolité et le
vide se trouve aussi bien dans les paroles que dans les actes.
Après tous ces avis, il m'en reste à donner un, qui les vaut
tous. C'est que l'on ait toujours présente à la mémoire et
comme sous la main cette parole de Simonide : « Qu'il
s'était souvent repenti d'avoir parlé, jamais de s'être tu. »
Oui: que l'on se dise que l'exercice triomphe de tout et qu'il
exerce une action souveraine. Quand on s'observe et que
l'on se fait violence on s'empêche de sangloter ou de tousser,
mais l'effort est pénible et douloureux. Le silence a cet
avantage que, pour parler avec Hippocrate, non seulement
il est un préservatif contre la soif, mais encore il ne cause
ni peine ni souffrance.
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