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[33] οἱ δὲ Λακεδαιμόνιοι γινώσκοντες ὡς ἐκείνου καταλυθέντος εἰς
πάντα μαλακωτέροις χρήσονται τοῖς Ἀθηναίοις, ἐκέλευον αὐτοὺς τὸ ἄγος
ἐλαύνειν τὸ Κυλώνειον, ᾧ τὸ μητρόθεν γένος τοῦ Περικλέους ἔνοχον ἦν,
ὡς Θουκυδίδης ἱστόρηκεν. ἡ δὲ πεῖρα περιέστη τοῖς πέμψασιν εἰς
τοὐναντίον· ἀντὶ γὰρ ὑποψίας καὶ διαβολῆς ὁ Περικλῆς ἔτι μείζονα πίστιν
ἔσχε καὶ τιμὴν παρὰ τοῖς πολίταις, ὡς μάλιστα μισούντων καὶ
φοβουμένων ἐκεῖνον τῶν πολεμίων. (2) διὸ καὶ πρὶν ἐμβαλεῖν εἰς τὴν
Ἀττικὴν τὸν Ἀρχίδαμον ἔχοντα τοὺς Πελοποννησίους προεῖπε τοῖς
Ἀθηναίοις, ἂν ἄρα τἆλλα δῃῶν ὁ Ἀρχίδαμος ἀπέχηται τῶν ἐκείνου διὰ τὴν
ξενίαν τὴν οὖσαν αὐτοῖς, ἢ διαβολῆς τοῖς ἐχθροῖς ἐνδιδοὺς ἀφορμάς, ὅτι
τῇ πόλει καὶ τὴν χώραν καὶ τὰς ἐπαύλεις ἐπιδίδωσιν.
(3) ἐμβάλλουσιν οὖν εἰς τὴν Ἀττικὴν στρατῷ μεγάλῳ Λακεδαιμόνιοι
μετὰ τῶν συμμάχων, Ἀρχιδάμου τοῦ βασιλέως ἡγουμένου. καὶ δῃοῦντες
τὴν χώραν προῆλθον εἰς Ἀχαρνὰς καὶ κατεστρατοπέδευσαν, ὡς τῶν
Ἀθηναίων οὐκ ἀνεξομένων, ἀλλ' ὑπ' ὀργῆς καὶ φρονήματος
διαμαχουμένων πρὸς αὐτούς. (4) τῷ δὲ Περικλεῖ δεινὸν ἐφαίνετο πρὸς
τοὺς ἑξακισμυρίους Πελοποννησίων καὶ Βοιωτῶν ὁπλίτας - τοσοῦτοι γὰρ
ἦσαν οἱ τὸ πρῶτον ἐμβαλόντες - ὑπὲρ αὐτῆς τῆς πόλεως μάχην συνάψαι·
τοὺς δὲ βουλομένους μάχεσθαι καὶ δυσπαθοῦντας πρὸς τὰ γινόμενα
κατεπράϋνε, λέγων ὡς δένδρα μὲν τμηθέντα καὶ κοπέντα φύεται ταχέως,
ἀνδρῶν δὲ διαφθαρέντων αὖθις τυχεῖν οὐ ῥᾴδιόν ἐστι. (5) τὸν δὲ δῆμον εἰς
ἐκκλησίαν οὐ συνῆγε δεδιὼς βιασθῆναι παρὰ γνώμην, ἀλλ' ὥσπερ νεὼς
κυβερνήτης ἀνέμου κατιόντος ἐν πελάγει θέμενος εὖ πάντα καὶ
κατατείνας τὰ ὅπλα χρῆται τῇ τέχνῃ, δάκρυα καὶ δεήσεις ἐπιβατῶν
ναυτιώντων καὶ φοβουμένων ἐάσας, οὕτως ἐκεῖνος, τό τε ἄστυ
συγκλείσας καὶ καταλαβὼν πάντα φυλακαῖς πρὸς ἀσφάλειαν, ἐχρῆτο
τοῖς αὑτοῦ λογισμοῖς, βραχέα φροντίζων τῶν καταβοώντων καὶ
δυσχεραινόντων. (6) καίτοι πολλοὶ μὲν αὐτοῦ τῶν φίλων δεόμενοι
προσέκειντο, πολλοὶ δὲ τῶν ἐχθρῶν ἀπειλοῦντες καὶ κατηγοροῦντες,
χοροὶ δ' ᾖδον ᾄσματα καὶ σκώμματα πρὸς αἰσχύνην, ἐφυβρίζοντες αὐτοῦ
τὴν στρατηγίαν ὡς ἄνανδρον καὶ προϊεμένην τὰ πράγματα τοῖς
πολεμίοις. ἐπεφύετο δὲ καὶ Κλέων ἤδη, διὰ τῆς πρὸς ἐκεῖνον ὀργῇς τῶν
πολιτῶν πορευόμενος ἐπὶ τὴν δημαγωγίαν, (7) ὡς τἀνάπαιστα ταῦτα
δηλοῖ ποιήσαντος Ἑρμίππου·
βασιλεῦ σατύρων, τί ποτ' οὐκ ἐθέλεις
δόρυ βαστάζειν, ἀλλὰ λόγους μὲν
περὶ τοῦ πολέμου δεινοὺς παρέχεις, ψυχὴ δὲ Τέλητος ὕπεστιν;
κἀγχειριδίου δ' ἀκόνῃ σκληρᾷ
παραθηγομένης βρύχεις κοπίδος, δηχθεὶς αἴθωνι Κλέωνι.
| [33] XXXIII. Les Lacédémoniens, persuadés qu’en abattant la puissance de Périclès, ils rendraient
les Athéniens plus souples et plus faciles, leur ordonnèrent de bannir de leur ville les restes du
crime cylonien, dont la race de Périclès était, suivant Thucycide, entachée du côté de sa
mère. Mais cette tentative eut un effet tout contraire à celui qu’ils s’en étaient promis ;
au lieu d’attirer sur Périclès les soupçons et la calomnie, elle augmenta le respect et la
confiance des citoyens, parce qu’ils virent que c’était lui que les ennemis haïssaient et
craignaient le plus. C’est pourquoi, avant qu’Archidamos entrât dans l’Attique avec les
troupes du Péloponnèse, Périclès déclara aux Athéniens que, si ce roi, dans les incursions
qu’il ferait sur le pays, épargnait ses terres, soit à cause de l’hospitalité qui les unissait, soit
pour donner à ses ennemis un prétexte de le calomnier, il donnait dès ce moment à la
république ses biens et ses maisons de campagne. Les Lacédémoniens et leurs alliés étant
donc entrés dans l’Attique avec une armée nombreuse sous les ordres du roi
Archidamos, et ayant ravagé tout le pays, s’avancèrent jusqu’au bourg d’Acharnes, et y
assirent leur camp, persuadés que les Athéniens, ne voulant pas les y souffrir, viendraient les
attaquer pour défendre leur territoire et soutenir leur ancienne réputation. Mais Périclès jugea
qu’il serait trop dangereux de risquer une bataille et de hasarder la ville même en attaquant
une armée de soixante mille hommes, tant du Péloponnèse que de la Béotie : car il n’y en eut
pas moins dans cette première expédition ; et, pour calmer l’impatience de ceux qui, ne
pouvant supporter de voir ainsi ravager leur territoire, voulaient absolument combattre, il leur
disait que des arbres coupés et abattus repoussent en peu de temps, mais que la perte des
hommes est irréparable.
Il évita d’assembler le peuple, de peur d’être entraîné hors de ses résolutions. Ainsi qu’un
sage pilote, menacé de la tempête, après avoir mis ordre à tout et disposé toutes ses
manoeuvres, fait usage des moyens que son art lui donne, sans s’arrêter aux prières et aux
larmes des passagers, sans être touché de leurs souffrances ni de leurs craintes, de même
Périclès, après avoir fermé la ville et posé partout des gardes pour la sûreté publique, ne suivit
que ses propres conseils, et s’inquiéta peu des cris et des murmures de ses concitoyens. Il fut
également inflexible soit aux vives instances de ses amis, soit aux clameurs et aux menaces de
ses ennemis, soit enfin aux chansons satiriques dont on l’accablait, et dans lesquelles on le
décriait, on blâmait sa conduite, on le traitait d’homme lâche qui abandonnait tout aux
ennemis. Cléon même se déchaînait contre lui, et commençait déjà à profiter de la colère du
peuple pour s’emparer de sa confiance, comme on le voit dans ces vers d’Hermippos :
Roi des satyres effrontés,
Pourquoi crains-tu de manier la lance ?
Ta langue est pleine de vaillance ;
Tu parles de la guerre en termes exaltés ;
Ton âme de Telès semble avoir le courage :
Vois-tu briller le fer, tu trembles, tu frémis ;
Tu vois partout des ennemis,
Et la sombre pâleur obscurcit ton visage,
Quoique Cléon par son ardeur,
S’efforce à tout moment d’aiguillonner ton coeur.
| [34] πλὴν ὑπ' οὐδενὸς ἐκινήθη τῶν τοιούτων ὁ Περικλῆς, ἀλλὰ πρᾴως
καὶ σιωπῇ τὴν ἀδοξίαν καὶ τὴν ἀπέχθειαν ὑφιστάμενος, καὶ νεῶν ἑκατὸν
ἐπὶ τὴν Πελοπόννησον στόλον ἐκπέμπῶν αὐτὸς οὐ συνεξέπλευσεν, ἀλλ'
ἔμεινεν οἰκουρῶν καὶ διὰ χειρὸς ἔχων τὴν πόλιν, ἕως ἀπηλλάγησαν οἱ
Πελοποννήσιοι. θεραπεύων δὲ τοὺς πολλοὺς ὅμως ἀσχάλλοντας ἐπὶ τῷ
πολέμῳ, διανομαῖς τε χρημάτων ἀνελάμβανε καὶ κληρουχίας ἔγραφεν·
Αἰγινήτας γὰρ ἐξελάσας ἅπαντας διένειμε τὴν νῆσον Ἀθηναίων τοῖς
λαχοῦσιν. ἦν δέ τις παρηγορία καὶ ἀφ' ὧν ἔπασχον οἱ πολέμιοι. (2) καὶ γὰρ
οἱ περιπλέοντες τὴν Πελοπόννησον χώραν τε πολλὴν κώμας τε καὶ
πόλεις μικρὰς διεπόρθησαν, καὶ κατὰ γῆν αὐτὸς ἐμβαλὼν εἰς τὴν
Μεγαρικὴν ἔφθειρε πᾶσαν. ᾗ καὶ δῆλον ἦν ὅτι πολλὰ μὲν δρῶντες κατὰ
γῆν κακὰ τοὺς Ἀθηναίους, πολλὰ δὲ πάσχοντες ὑπ' ἐκείνων ἐκ θαλάττης,
οὐκ ἂν εἰς μῆκος πολέμου τοσοῦτον προὔβησαν, ἀλλὰ ταχέως ἀπεῖπον,
ὥσπερ ἐξ ἀρχῆς ὁ Περικλῆς προηγόρευσεν, εἰ μή τι δαιμόνιον
ὑπηναντιώθη τοῖς ἀνθρωπίνοις λογισμοῖς. (3) νῦν δὲ πρῶτον μὲν ἡ
λοιμώδης ἐνέπεσε φθορὰ καὶ κατενεμήθη τὴν ἀκμάζουσαν ἡλικίαν καὶ
δύναμιν· ὑφ' ἧς καὶ τὰ σώματα κακούμενοι καὶ τὰς ψυχὰς παντάπασιν
ἠγριώθησαν πρὸς τὸν Περικλέα, καὶ καθάπερ ἰατρὸν ἢ πατέρα τῇ νόσῳ
παραφρονήσαντες ἀδικεῖν ἐπεχείρησαν, ἀναπεισθέντες ὑπὸ τῶν ἐχθρῶν
ὡς τὴν μὲν νόσον ἡ τοῦ χωριτικοῦ πλήθους εἰς τὸ ἄστυ συμφόρησις
ἀπεργάζεται, (4) θέρους ὥρᾳ πολλῶν ὁμοῦ χύδην ἐν οἰκήμασι μικροῖς καὶ
σκηνώμασι πνιγηροῖς ἠναγκασμένων διαιτᾶσθαι δίαιταν οἰκουρὸν καὶ
ἀργὴν ἀντὶ καθαρᾶς καὶ ἀναπεπταμένης τῆς πρότερον, τούτου δ' αἴτιος ὁ
τῷ πολέμῳ τὸν ἀπὸ τῆς χώρας ὄχλον εἰς τὰ τείχη καταχεάμενος καὶ πρὸς
οὐδὲν ἀνθρώποις τοσούτοις χρώμενος, ἀλλ' ἐῶν ὥσπερ βοσκήματα
καθειργμένους ἀναπίμπλασθαι φθορᾶς ἀπ' ἀλλήλων, καὶ μηδεμίαν
μεταβολὴν μηδ' ἀναψυχὴν ἐκπορίζων.
| [34] XXXIV. Mais rien ne put émouvoir Périclès ; supportant avec calme et en silence les injures
de ses ennemis, il fit partir pour le Péloponnèse une flotte de cent vaisseaux ; et, au lieu d’en
prendre le commandement, il se tint tranquille dans sa maison, afin de contenir la ville jusqu’à
ce que les Péloponnésiens se fussent retirés. En attendant, pour consoler le peuple, affligé de
cette guerre, et pour soutenir son courage, il lui fit des distributions d’argent et de terres. Il
chassa les Eginètes de leurs îles, et en distribua le territoire, par la voie du sort, à des citoyens
d’Athènes. Ils avaient encore un motif de consolation dans ce que souffraient leurs ennemis.
La flotte envoyée dans le Péloponnèse avait ravagé une grande étendue de pays, et ruiné
beaucoup de bourgs et de petites villes ; Périclès lui-même, étant entré par terre dans le pays
des Mégariens, y mit tout à feu et à sang. Les ennemis, à qui les Athéniens faisaient
autant de mal sur mer qu’ils en souffraient eux-mêmes par terre, n’auraient pas soutenu si
longtemps cette guerre ruineuse, et s’en seraient lassés beaucoup plus tôt, comme Périclès
l’avait annoncé dès le commencement, si une puissance surnaturelle n’eût rendu inutiles
tous les conseils de la prudence humaine.
D’abord une peste cruelle vint affliger la ville, et, en moissonnant la fleur de la jeunesse, elle
affaiblit sensiblement les forces des citoyens. La maladie affecta tout à la fois les corps
et les esprits : les Athéniens s’aigrirent tellement contre Périclès, que, semblables à des
frénétiques qui s’emportent contre leur médecin ou contre leur père, ils le traitèrent avec la
dernière injustice. Une telle conduite leur était inspirée par ses ennemis, qui attribuaient cette
contagion à la multitude des habitants des bourgs qui s’étaient retirés dans la ville, et qui,
accoutumés à respirer un air libre et pur, se trouvaient, au fort de l’été, entassés pêle-mêle
dans de petites maisons et sous des tentes étouffées, où ils passaient des journées entières. Ils
en rejetaient la faute sur celui qui, pendant la guerre, avait, disaient-ils, attiré dans leurs murs
ce déluge de gens de campagne qu’il n’employait à rien, qu’il tenait renfermés comme des
troupeaux, et qu’il laissait s’infecter les uns les autres sans leur procurer aucun changement de
situation, sans leur donner aucun rafraîchissement.
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