[5,9,5] Δεῖ δὲ νοῦν λαμβάνειν, εἴπερ ἐπαληθεύσομεν τῷ ὀνόματι, μὴ τὸν δυνάμει μηδὲ τὸν ἐξ ἀφροσύνης εἰς νοῦν ἐλθόντα — εἰ δὲ μή, ἄλλον πάλιν αὖ πρὸ αὐτοῦ ζητήσομεν — ἀλλὰ τὸν ἐνεργείᾳ καὶ ἀεὶ νοῦν ὄντα. Εἰ δὲ μὴ ἐπακτὸν τὸ φρονεῖν ἔχει, εἴ τι νοεῖ, παρ´ αὑτοῦ νοεῖ, καὶ εἴ τι ἔχει, παρ´ αὑτοῦ ἔχει. Εἰ δὲ παρ´ αὑτοῦ καὶ ἐξ αὑτοῦ νοεῖ, αὐτός ἐστιν ἃ νοεῖ. Εἰ γὰρ ἡ μὲν οὐσία αὐτοῦ ἄλλη, ἃ δὲ νοεῖ ἕτερα αὐτοῦ, αὐτὴ ἡ οὐσία αὐτοῦ ἀνόητος ἔσται· καὶ δυνάμει, οὐκ ἐνεργείᾳ αὖ. Οὐ χωριστέον οὖν οὐδέτερον ἀπὸ θατέρου. Ἔθος δὲ ἡμῖν ἀπὸ τῶν παρ´ ἡμῖν κἀκεῖνα ταῖς ἐπινοίαις χωρίζειν.
Τί οὖν ἐνεργεῖ καὶ τί νοεῖ, ἵνα ἐκεῖνα αὐτὸν ἃ νοεῖ θώμεθα; Ἢ δῆλον ὅτι νοῦς ὢν ὄντως νοεῖ τὰ ὄντα καὶ ὑφίστησιν. Ἔστιν ἄρα τὰ ὄντα. Ἢ γὰρ ἑτέρωθι ὄντα αὐτὰ νοήσει, ἢ ἐν αὑτῷ ὡς αὐτὸν ὄντα. Ἑτέρωθι μὲν οὖν ἀδύνατον· ποῦ γάρ; Αὑτὸν ἄρα καὶ ἐν αὑτῷ. Οὐ γὰρ δὴ ἐν τοῖς αἰσθητοῖς, ὥσπερ οἴονται. Τὸ γὰρ πρῶτον ἕκαστον οὐ τὸ αἰσθητόν· τὸ γὰρ ἐν αὐτοῖς εἶδος ἐπὶ ὕλῃ εἴδωλον ὄντος, πᾶν τε εἶδος ἐν ἄλλῳ παρ´ ἄλλου εἰς ἐκεῖνο ἔρχεται καί ἐστιν εἰκὼν ἐκείνου. Εἰ δὲ καὶ ποιητὴν δεῖ εἶναι τοῦδε τοῦ παντός, οὐ τὰ ἐν τῷ μήπω ὄντι οὗτος νοήσει, ἵνα αὐτὸ ποιῇ. Πρὸ τοῦ κόσμου ἄρα δεῖ εἶναι ἐκεῖνα, οὐ τύπους ἀφ´ ἑτέρων, ἀλλὰ καὶ ἀρχέτυπα καὶ πρῶτα καὶ νοῦ οὐσίαν. Εἰ δὲ λόγους φήσουσιν ἀρκεῖν, ἀιδίους δῆλον· εἰ δὲ ἀιδίους καὶ ἀπαθεῖς, ἐν νῷ δεῖ εἶναι καὶ τοιούτῳ καὶ προτέρῳ ἕξεως καὶ φύσεως καὶ ψυχῆς· δυνάμει γὰρ ταῦτα.
Ὁ νοῦς ἄρα τὰ ὄντα ὄντως, οὐχ οἷά ἐστιν ἄλλοθι νοῶν· οὐ γάρ ἐστιν οὔτε πρὸ αὐτοῦ οὔτε μετ´ αὐτόν· ἀλλὰ οἷον νομοθέτης πρῶτος, μᾶλλον δὲ νόμος αὐτὸς τοῦ εἶναι. Ὀρθῶς ἄρα τὸ γὰρ αὐτὸ νοεῖν ἐστί τε καὶ εἶναι καὶ ἡ τῶν ἄνευ ὕλης ἐπιστήμη ταὐτὸν τῷ πράγματι καὶ τὸ ἐμαυτὸν ἐδιζησάμην ὡς ἓν τῶν ὄντων· καὶ αἱ ἀναμνήσεις δέ· οὐδὲν γὰρ ἔξω τῶν ὄντων οὐδ´ ἐν τόπῳ, μένει δὲ ἀεὶ ἐν αὐτοῖς μεταβολὴν οὐδὲ φθορὰν δεχόμενα· διὸ καὶ ὄντως ὄντα. Ἢ γιγνόμενα καὶ ἀπολλύμενα ἐπακτῷ χρήσεται τῷ ὄντι, καὶ οὐκέτ´ ἐκεῖνα ἀλλ´ ἐκεῖνο τὸ ὂν ἔσται. Τὰ μὲν δὴ αἰσθητὰ μεθέξει ἐστὶν ἃ λέγεται τῆς ὑποκειμένης φύσεως μορφὴν ἰσχούσης ἄλλοθεν· οἷον χαλκὸς παρὰ ἀνδριαντοποιικῆς καὶ ξύλον παρὰ τεκτονικῆς διὰ εἰδώλου τῆς τέχνης εἰς αὐτὰ ἰούσης, τῆς δὲ τέχνης αὐτῆς ἔξω ὕλης ἐν ταυτότητι μενούσης καὶ τὸν ἀληθῆ ἀνδριάντα καὶ κλίνην ἐχούσης. Οὕτω δὴ καὶ ἐπὶ τῶν σωμάτων· καὶ τόδε πᾶν ἰνδαλμάτων μετέχον ἕτερα αὐτῶν δείκνυσι τὰ ὄντα, ἄτρεπτα μὲν ὄντα ἐκεῖνα, αὐτὰ δὲ τρεπόμενα, ἱδρυμένα τε ἐφ´ ἑαυτῶν, οὐ τόπου δεόμενα· οὐ γὰρ μεγέθη· νοερὰν δὲ καὶ αὐτάρκη ἑαυτοῖς ὑπόστασιν ἔχοντα. Σωμάτων γὰρ φύσις σῴζεσθαι παρ´ ἄλλου θέλει, νοῦς δὲ ἀνέχων θαυμαστῇ φύσει τὰ παρ´ αὑτῶν πίπτοντα, ὅπου ἱδρυθῇ αὐτὸς οὐ ζητεῖ.
| [5,9,5] L'Intelligence, pour prendre ce mot dans son vrai sens, n'est pas seulement en puissance, n'arrive pas à être intelligente après avoir été inintelligente (sinon, nous serions obligés de chercher encore un autre principe supérieur à elle); elle est en acte, elle est éternelle. Si elle est intelligente par elle-même, elle pense par elle-même ce qu'elle pense, elle possède par elle-même ce qu'elle possède. Or, puisqu'elle pense d'elle-même et par elle-même, elle est elle-même ce qu'elle pense. Si autre chose était son essence, autre chose ce qu'elle pense, son essence serait inintelligente; elle serait en puissance, non en acte. Il ne faut donc pas séparer la pensée de son objet, quoique les choses sensibles nous aient fait prendre l'habitude de concevoir même les choses intelligibles séparées les unes des autres.
Quel est donc le principe qui agit, qui pense, et quel est donc l'acte, quelle est la pensée de l'Intelligence, pour que nous admettions qu'elle est ce qu'elle pense? Evidemment l'Intelligence, par cela même qu'elle est réellement, pense les êtres, et les fait exister; elle est donc les êtres. En effet, il faut que les êtres existent ou hors d'elle, ou en elle, et, dans le second cas, qu'ils lui soient identiques. Qu'ils existent hors d'elle, c'est impossible : où seraient-ils? Il faut donc qu'ils existent en elle, qu'ils lui soient identiques. Ils ne sauraient être dans les objets sensibles, comme le croit le vulgaire, parce que les objets sensibles ne sauraient être les premiers dans aucun genre. La forme qui est dans leur matière n'est que le simulacre de l'être; or, toute forme qui est dans une chose autre qu'elle-même y est mise par un principe supérieur et en est l'image. Enfin, s'il est nécessaire que l'Intelligence soit la puissance créatrice de l'univers, elle ne saurait, en le créant, penser les êtres comme existant dans ce qui n'existe pas encore. Les intelligibles doivent donc exister antérieurement au monde, n'être pas des images des choses sensibles, être au contraire leurs archétypes et constituer l'essence de l'Intelligence. Dira-t-on qu'il suffit des raisons {séminales}? Ces raisons seront sans doute éternelles; or, si elles sont éternelles et impassibles, elles doivent exister dans l'Intelligence dont nous avons décrit les caractères, Intelligence qui est antérieure à l'habitude, à la nature et à l'âme, parce que ces choses sont en puissance.
L'Intelligence est donc essentiellement les êtres, et, quand elle les pense, ils ne sont pas hors d'elle; ils ne lui sont ni antérieurs, ni postérieurs. L'Intelligence est le premier législateur, ou plutôt elle est la loi même de l'existence. On a donc eu raison de dire: « La pensée est la même chose que l'être. » La science des choses immatérielles est identique à ces choses mêmes. C'est pourquoi je me reconnais moi-même pour un être et j'ai des réminiscences des choses intelligibles. En effet, aucun des êtres n'est hors de l'Intelligence, n'est renfermé dans un lieu : tous subsistent toujours en eux-mêmes immuables et indestructibles; c'est pour cela qu'ils sont réellement êtres; s'ils naissaient et périssaient, ils ne posséderaient l'existence que d'une manière adventice, ils ne seraient plus êtres; ce serait l'existence qu'ils posséderaient qui serait l'être. C'est seulement par participation que les choses sensibles sont ce qu'on dit qu'elles sont; la nature qui constitue leur substance reçoit sa forme d'ailleurs, comme l'airain reçoit la sienne du statuaire, le bois, de l'artisan : tandis que l'image de l'art pénètre dans la matière, l'art lui-même reste dans son identité et possède en lui-même la véritable essence de la statue et du lit. Ainsi, cette nécessité générale où sont les corps de participer à des images montre qu'ils sont autres que les êtres: car ils changent, tandis que les êtres sont immuables, ont en eux-mêmes leur propre fondement, et n'ont pas besoin d'exister dans un lieu, puisqu'ils n'ont pas d'étendue, qu'ils subsistent d'une existence intellectuelle et absolue. Enfin, l'existence des corps a besoin d'être conservée par un autre principe, tandis que l'Intelligence, qui fait subsister des objets périssables par eux-mêmes, n'a besoin de rien qui la fasse elle-même subsister.
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