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[5,5,0] ENNÉADE V, LIVRE V.
| [5,5,0] ENNÉADE V, LIVRE V.
| [5,5,1] {Τὸν νοῦν, τὸν ἀληθῆ νοῦν καὶ ὄντως, ἆρ´ ἄν τις φαίη ψεύσεσθαί ποτε καὶ μὴ τὰ ὄντα δοξάσειν; Οὐδαμῶς. Πῶς γὰρ ἂν ἔτι νοῦς ἀνοηταίνων εἴη; Δεῖ ἄρα αὐτὸν ἀεὶ εἰδέναι καὶ μηδὲν ἐπιλαθέσθαι ποτέ, τὴν δὲ εἴδησιν αὐτῷ μήτε εἰκάζοντι εἶναι μήτε ἀμφίβολον μηδ´ αὖ παρ´ ἄλλου οἷον ἀκούσαντι. Οὐ τοίνυν οὐδὲ δι´ ἀποδείξεως. Καὶ γὰρ εἴ τινά τις φαίη δι´ ἀποδείξεως, ἀλλ´ οὖν αὐτόθεν αὐτῷ .ἐναργῆ τιν´ εἶναι. Καίτοι ὁ λόγος φησὶ πάντα· πῶς γὰρ καὶ διοριεῖ τις τά τε αὐτόθεν τά τε μή; Ἀλλ´ οὖν, ἃ συγχωροῦσιν αὐτόθεν, πόθεν φήσουσι τούτων τὸ ἐναργὲς αὐτῷ παρεῖναι; Πόθεν δὲ αὐτῷ πίστιν, ὅτι οὕτως ἔχει, παρέξεται; Ἐπεὶ καὶ τὰ ἐπὶ τῆς αἰσθήσεως, ἃ δὴ δοκεῖ πίστιν ἔχειν ἐναργεστάτην, ἀπιστεῖται, μή ποτε οὐκ ἐν τοῖς ὑποκειμένοις, ἀλλ´ ἐν τοῖς πάθεσιν ἔχει τὴν δοκοῦσαν ὑπόστασιν καὶ νοῦ δεῖ ἢ διανοίας τῶν κρινούντων· ἐπεὶ καὶ συγκεχωρημένου ἐν τοῖς ὑποκειμένοις εἶναι αἰσθητοῖς, ὧν ἀντίληψιν ἡ αἴσθησις ποιήσεται, τό τε γινωσκόμενον δι´ αἰσθήσεως τοῦ πράγματος εἴδωλόν ἐστι καὶ οὐκ αὐτὸ τὸ πρᾶγμα ἡ αἴσθησις λαμβάνει· μένει γὰρ ἐκεῖνο ἔξω. Ὁ δὴ νοῦς γινώσκων καὶ τὰ νοητὰ γινώσκων, εἰ μὲν ἕτερα ὄντα γινώσκει, πῶς μὲν ἂν συντύχοι αὐτοῖς; Ἐνδέχεται γὰρ μή, ὥστε ἐνδέχεται μὴ γινώσκειν ἢ τότε ὅτε συνέτυχε, καὶ οὐκ ἀεὶ ἕξει τὴν γνῶσιν. Εἰ δὲ συνεζεῦχθαι φήσουσι, τί τὸ συνεζεῦχθαι τοῦτο; Ἔπειτα καὶ αἱ νοήσεις τύποι ἔσονται· εἰ δὲ τοῦτο, καὶ ἐπακτοὶ καὶ πληγαί. Πῶς δὲ καὶ τυπώσεται, ἢ τίς τῶν τοιούτων ἡ μορφή; Καὶ ἡ νόησις τοῦ ἔξω ὥσπερ ἡ αἴσθησις. Καὶ τί διοίσει ἢ τῷ σμικροτέρων ἀντιλαμβάνεσθαι; Πῶς δὲ καὶ γνώσεται, ὅτι ἀντελάβετο ὄντως; Πῶς δέ, ὅτι ἀγαθὸν τοῦτο ἢ ὅτι καλὸν ἢ δίκαιον; Ἕκαστον γὰρ τούτων ἄλλο αὐτοῦ, καὶ οὐκ ἐν αὐτῷ αἱ τῆς κρίσεως ἀρχαί, αἷς πιστεύσει, ἀλλὰ καὶ αὗται ἔξω, καὶ ἡ ἀλήθεια ἐκεῖ. Εἶτα κἀκεῖνα ἀναίσθητα καὶ ἄμοιρα ζωῆς καὶ νοῦ, ἢ νοῦν ἔχει. Καὶ εἰ νοῦν ἔχει, ἅμα ἐνταῦθα ἄμφω, καὶ τὸ ἀληθὲς ὡδί, καὶ ὁ πρῶτος νοῦς οὗτος, καὶ ἐπὶ τούτου ζητήσομεν, πῶς ἔχει ἡ ἐνταῦθα ἀλήθεια, καὶ τὸ νοητὸν καὶ ὁ νοῦς εἰ ἐν τῷ αὐτῷ μὲν καὶ ἅμα, δύο δὲ καὶ ἕτερα, ἢ πῶς; Εἰ δ´ ἀνόητα καὶ ἄνευ ζωῆς, τί ὄντα; Οὐ γὰρ δὴ <προτάσεις> οὐδὲ <ἀξιώματα> οὐδὲ <λεκτά>· ἤδη γὰρ ἂν καὶ αὐτὰ περὶ ἑτέρων λέγοι, καὶ οὐκ αὐτὰ τὰ ὄντα εἴη, οἷον τὸ δίκαιον καλόν, ἄλλου τοῦ δικαίου καὶ τοῦ καλοῦ ὄντος. Εἰ δ´ ἁπλᾶ φήσουσι, δίκαιον χωρὶς καὶ καλόν, πρῶτον μὲν οὐχ ἕν τι οὐδ´ ἐν ἑνὶ τὸ νοητὸν ἔσται, ἀλλὰ διεσπασμένον ἕκαστον. Καὶ ποῦ καὶ κατὰ τίνας διέσπασται τόπους; Πῶς δὲ αὐτοῖς συντεύξεται ὁ νοῦς περιθέων; Πῶς δὲ μενεῖ; Ἢ ἐν τῷ αὐτῷ πῶς μενεῖ; Τίνα δ´ ὅλως μορφὴν ἢ τύπον ἕξει; Εἰ μὴ ὥσπερ ἀγάλματα ἐκκείμενα χρυσᾶ ἢ ἄλλης τινὸς ὕλης ὑπό τινος πλάστου ἢ γραφέως πεποιημένα; Ἀλλ´ εἰ τοῦτο, ὁ θεωρῶν νοῦς αἴσθησις ἔσται. Διὰ τί δὲ τὸ μέν ἐστι τῶν τοιούτων δικαιοσύνη, τὸ δ´ ἄλλο τι; Μέγιστον δὲ πάντων ἐκεῖνο· εἰ γὰρ καὶ ὅτι μάλιστα δοίη τις ταῦτα ἔξω εἶναι καὶ τὸν νοῦν αὐτὰ οὕτως ἔχοντα θεωρεῖν, ἀναγκαῖον αὐτῷ μήτε τὸ ἀληθὲς αὐτῶν ἔχειν διεψεῦσθαί τε ἐν ἅπασιν οἷς θεωρεῖ. Τὰ μὲν γὰρ ἀληθινὰ ἂν εἴη ἐκεῖνα· θεωρήσει τοίνυν αὐτὰ οὐκ ἔχων αὐτά, εἴδωλα δὲ αὐτῶν ἐν τῇ γνώσει τῇ τοιαύτῃ λαβών. Τὸ τοίνυν ἀληθινὸν οὐκ ἔχων, εἴδωλα δὲ τοῦ ἀληθοῦς παρ´ αὐτῷ λαβὼν τὰ ψευδῆ ἕξει καὶ οὐδὲν ἀληθές. Εἰ μὲν οὖν εἰδήσει, ὅτι τὰ ψευδῆ ἔχει, ὁμολογήσει ἄμοιρος ἀληθείας εἶναι· εἰ δὲ καὶ τοῦτο ἀγνοήσει καὶ οἰήσεται τὸ ἀληθὲς ἔχειν οὐκ ἔχων, διπλάσιον ἐν αὐτῷ τὸ ψεῦδος γενόμενον πολὺ τῆς ἀληθείας αὐτὸν ἀποστήσει. Διὰ τοῦτο γὰρ καὶ ἐν ταῖς αἰσθήσεσιν, οἶμαι, οὐκ ἔνεστιν ἀλήθεια, ἀλλὰ δόξα, ὅτι παραδεχομένη καὶ διὰ τοῦτο δόξα οὖσα ἄλλο παραδέχεται ἄλλου ὄντος ἐκείνου, ἐξ οὗ τοῦτο ὃ παραδέχεται ἔχει. Εἰ οὖν μὴ ἀλήθεια ἐν τῷ νῷ, οὗτος μὲν ὁ τοιοῦτος νοῦς οὔτε ἀλήθεια ἔσται οὔτε ἀληθείᾳ νοῦς οὔτε ὅλως νοῦς ἔσται. Ἀλλ´ οὐδὲ ἄλλοθί που ἡ ἀλήθεια ἔσται.
| [5,5,1] Y a-t-il quelqu'un qui puisse croire que l'intelligence véritable et réelle soit capable de se tromper et d'admettre l'existence de choses qui n'existeraient pas? Personne, assurément. Comment l'intelligence mériterait-elle encore le nom d'intelligence si elle n'était pas intelligente? Il faut donc qu'elle possède toujours la science sans être sujette à l'oubli, et que la science qu'elle possède ne soit ni conjecturale, ni douteuse, ni empruntée à autrui, ni par conséquent acquise au moyen de la démonstration : car, supposât-on qu'elle dût quelque chose à la démonstration, on ne refuserait pas sans doute d'admettre qu'elle possède par elle-même des connaissances certaines ; mais disons plutôt, comme l'exige la raison, qu'elle tire tout de son propre fond. Autrement, comment distinguerait-on ce qu'elle aurait par elle-même de ce qu'elle tiendrait d'autrui? D'où viendrait la certitude des connaissances qu'elle ne devrait qu'à elle-même? Comment aurait-elle le droit de croire que les choses sont telles qu'elle les conçoit? En effet, quoique les choses qui tombent sous les sens semblent capables de produire en nous le plus haut degré d'évidence, on se demande si leur nature apparente ne dépend pas plus de nos modifications que des objets eux-mêmes ; on exige pour y croire l'assentiment de l'intelligence, ou du moins de la raison discursive : car, tout en admettant que les choses perçues par les sens existent dans les objets sensibles, on n'en reconnaît pas moins que ce qui est perçu par la sensation n'est qu'une représentation de l'objet extérieur et que la sensation n'atteint pas cet objet même, puisqu'il reste en dehors d'elle. Mais, quand l'intelligence connaît, et qu'elle connaît les intelligibles, comment les rencontre-t-elle, si elle les connaît comme existant hors d'elle-même? Ne peut-il arriver qu'elle ne les rencontre pas, par conséquent, qu'elle ne les connaisse pas? Si c'est par hasard qu'elle les rencontre, la connaissance qu'elle en aura sera accidentelle et passagère. Dira-t-on que la connaissance s'opère par l'union de l'intelligible avec l'intelligence? Alors quel sera le lien qui les unit? Dans cette hypothèse, les connaissances que l'intelligence aura de l'intelligible seront des empreintes de la réalité, et, par conséquent, ce seront des impressions accidentelles. Comment de pareilles empreintes pourront-elles exister dans l'intelligence? Quelle forme auront-elles? Enfin, comme elles resteront extérieures à l'intelligence, leur connaissance ne ressemblera-t-elle pas à la sensation ? En quoi en différera-t-elle ? Sera-ce en ce que l'intelligence percevra des objets plus ténus? Comment saura-t-elle qu'elle les perçoit réellement ? Comment saura-t-elle qu'une chose est bonne, juste, belle? Le juste, le bien, le beau lui seront extérieurs et étrangers : elle n'aura pas en elle-même les principes qui pourraient régler ses jugements et mériter sa confiance ; ils seront hors d'elle ainsi que la vérité.
D'un autre côté, ou les intelligibles sont privés de sentiment, de vie et d'intelligence, ou ils sont intelligents. S'ils sont intelligente, ils ne font, ainsi que la vérité, qu'une seule chose avec l'intelligence, et cette chose est l'intelligence première. Dans ce cas, nous aurons à chercher dans quel rapport sont l'intelligence, l'intelligible et la vérité. N'y a-t-il là qu'une seule chose ? Y a-t-il deux choses ? Si les intelligibles sont sans vie, sans intelligence, que sont-ils? Car ils ne sont ni des propositions, ni des axiomes, ni des mots, parce que, dans ce cas, ils énonceraient des choses différentes d'eux, ils ne seraient pas des choses mêmes ; ainsi, quand on dit que le bien est beau, ces deux choses seraient étrangères l'une à l'autre. Avancera-t-on que les intelligibles, que la beauté et la justice, par exemple, sont des choses simples, mais complètement séparées l'une de l'autre? D'abord, l'intelligible ne sera plus un, ne résidera plus en un sujet un ; il sera dispersé en une foule de choses particulières : alors, en quels lieux seront ainsi éparpillés les -éléments divers de l'intelligible? Ensuite, comment l'intelligence pourra-t-elle embrasser ces éléments et les suivre dans leurs pérégrinations? Comment restera-t-elle permanente, et se fixera-t-elle sur des objets identiques ? Quelle forme d'ailleurs, quelle figure auront les intelligibles? Seront-ils comme des statues d'or ou des effigies et des images faites avec quelque autre matière? Dans ce cas, l'intelligence qui les contemplera ne différera pas de la sensation. Pourquoi l'un d'eux sera-t-il la justice, un autre une autre chose? Enfin, ce qui est le plus important, si l'on admet que les intelligibles soient extérieurs à l'intelligence, il en résultera nécessairement que, contemplant des objets ainsi placés hors d'elle, l'intelligence n'en possédera pas une véritable connaissance, qu'elle n'en aura qu'une fausse intuition. Puisque, dans cette hypothèse, les vraies réalités demeureront extérieures à l'intelligence, celle-ci, en les contemplant, ne les possédera pas ; en les connaissant, elle ne saisira que leurs images. Réduite ainsi à ne percevoir que des images de la vérité, au lieu de posséder la vérité même, elle ne saisira que des choses mensongères et n'atteindra point les réalités. Dans ce cas, ou elle reconnaîtra qu'elle ne saisit que des choses mensongères, et elle sera obligée d'avouer qu'elle n'a point la vérité en partage ; ou elle l'ignorera, elle croira posséder la vérité quand elle en est privée, et, se trompant ainsi doublement, elle sera par là même encore plus éloignée de la vérité. C'est pour cette raison, je crois, que la sensation ne peut atteindre la vérité : elle est réduite à l'opinion, parce qu'elle est une puissance réceptive, comme l'exprime le mot g-doxa {dérivé de g-dechesthai, recevoir}, et parce qu'elle reçoit une chose étrangère : car l'objet dont elle reçoit ce qu'elle possède reste hors d'elle. Donc, chercher la vérité hors de l'intelligence, c'est réduire celle-ci à n'être ni la vérité, ni l'intelligence véritable; c'est anéantir l'intelligence; et la vérité qui doit l'habiter ne subsistera plus nulle part.
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