[3,5,1] Περὶ ἔρωτος, πότερα θεός τις ἢ δαίμων ἢ πάθος τι τῆς ψυχῆς, ἢ ὁ μὲν θεός τις ἢ δαίμων, τὸ δέ τι καὶ πάθος, καὶ ποῖόν τι ἕκαστον, ἐπισκέψασθαι ἄξιον τάς τε τῶν ἄλλων ἀνθρώπων ἐπινοίας ἐπιόντας, καὶ ὅσαι ἐν φιλοσοφίᾳ ἐγένοντο περὶ τούτων, καὶ μάλιστα ὅσα ὑπολαμβάνει ὁ θεῖος Πλάτων, ὃς δὴ καὶ πολλὰ πολλαχῇ τῶν ἑαυτοῦ περὶ ἔρωτος ἔγραψεν· ὃς δὴ οὐ μόνον ἐν ταῖς ψυχαῖς ἐγγιγνόμενόν τι πάθος εἴρηκεν εἶναι, ἀλλὰ καὶ δαίμονά φησιν αὐτὸν καὶ περὶ γενέσεως αὐτοῦ διεξῆλθεν, ὅπως καὶ ὅθεν ἐστὶ γεγενημένος. Περὶ μὲν οὖν τοῦ πάθους οὗ τὸν ἔρωτα αἰτιώμεθα, ὅτι ἐγγίνεται ἐν ψυχαῖς ἐφιεμέναις καλῷ τινι συμπλακῆναι, καὶ ὡς ἡ ἔφεσις αὕτη ἡ μέν ἐστι παρὰ σωφρόνων αὐτῷ τῷ κάλλει οἰκειωθέντων, ἡ δὲ καὶ τελευτᾶν ἐθέλει εἰς αἰσχροῦ τινος πρᾶξιν, οὐδεὶς ἀγνοεῖ δήπου· ὅθεν δὲ τὴν ἀρχὴν ἔχει ἑκάτερος, τὸ ἐντεῦθεν ἐπισκοπεῖν διὰ φιλοσοφίας προσήκει.
Ἀρχὴν δὲ εἴ τις θεῖτο τὴν αὐτοῦ κάλλους πρότερον ἐν ταῖς ψυχαῖς ὄρεξιν καὶ ἐπίγνωσιν καὶ συγγένειαν καὶ οἰκειότητος ἄλογον σύνεσιν, τυγχάνοι ἄν, οἶμαι, τοῦ ἀληθοῦς τῆς αἰτίας. Τὸ μὲν γὰρ αἰσχρὸν ἐναντίον καὶ τῇ φύσει καὶ τῷ θεῷ. Καὶ γὰρ ἡ φύσις πρὸς τὸ καλὸν βλέπουσα ποιεῖ καὶ πρὸς τὸ ὡρισμένον βλέπει, ὅ ἐστιν ἐν τῇ τοῦ ἀγαθοῦ συστοιχίᾳ· τὸ δὲ ἀόριστον αἰσχρὸν καὶ τῆς ἑτέρας συστοιχίας. Τῇ δὲ φύσει γένεσις ἐκεῖθεν ἐκ τοῦ ἀγαθοῦ καὶ δηλονότι τοῦ καλοῦ. Ὅτῳ δέ τις ἄγαται καί ἐστι συγγενής, τούτου ᾠκείωται καὶ πρὸς τὰς εἰκόνας. Εἰ δέ τις ταύτην τὴν αἰτίαν ἀνέλοι, ὅπῃ τὸ πάθος γίνεται καὶ δι´ ἃς αἰτίας οὐχ ἕξει λέγειν οὐδ´ ἐπ´ αὐτῶν τῶν διὰ μίξιν ἐρώντων. Καὶ γὰρ οὗτοι τίκτειν βούλονται ἐν καλῷ· ἐπείπερ ἄτοπον βουλομένην τὴν φύσιν καλὰ ποιεῖν ἐν αἰσχρῷ γεννᾶν βούλεσθαι. Ἀλλὰ γὰρ τοῖς μὲν τῇδε γεννᾶν κινουμένοις ἀρκεῖ τὸ τῇδε καλὸν ἔχειν, ὅπερ πάρεστιν ἐν εἰκόσι καὶ σώμασιν, ἐπεὶ μὴ τὸ ἀρχέτυπον αὐτοῖς πάρεστιν, ὅ ἐστιν αἴτιον αὐτοῖς τοῦ καὶ τοῦδε ἐρᾶν. Καὶ εἰς ἀνάμνησιν μὲν ἐκείνου ἀπὸ τοῦδε ἐλθοῦσιν ἀγαπᾶται τοῦτο ὡς εἰκών, μὴ ἀναμνησθεῖσι δὲ ὑπ´ ἀγνοίας τοῦ πάθους ἀληθὲς τοῦτο φαντάζεται. Καὶ σώφροσι μὲν οὖσιν ἀναμάρτητος ἡ πρὸς τὸ τῇδε καλὸν οἰκείωσις, ἡ δὲ πρὸς μίξιν ἔκπτωσις ἁμαρτία. Καὶ ὅτῳ μὲν καθαρὸς ὁ τοῦ καλοῦ ἔρως, ἀγαπητὸν τὸ κάλλος μόνον εἴτε ἀναμνησθέντι εἴτε καὶ μή, ὅτῳ δὲ μέμικται καὶ ἄλλη τοῦ ἀθάνατον εἶναι ὡς ἐν θνητῷ ἐπιθυμία, οὗτος ἐν τῷ ἀειγενεῖ καὶ ἀιδίῳ τὸ καλὸν ζητεῖ καὶ κατὰ φύσιν μὲν ἰὼν σπείρει καὶ γεννᾷ ἐν καλῷ, σπείρων μὲν εἰς τὸ ἀεί, ἐν καλῷ δὲ διὰ συγγένειαν τοῦ καλοῦ. Καὶ γὰρ καὶ τὸ ἀίδιον συγγενὲς τῷ καλῷ καὶ ἡ ἀίδιος φύσις τὸ πρώτως τοιοῦτον καὶ τὰ ἀπ´ αὐτῆς τοιαῦτα πάντα. Τὸ μὲν οὖν μὴ γεννᾶν ἐθέλον μᾶλλον αὐταρκέστερον τῷ καλῷ, τὸ δὲ ἐφιέμενον ποιῆσαι καλόν τε ἐθέλει ποιεῖν ὑπ´ ἐνδείας καὶ οὐκ αὔταρκες· καί, εἴπερ τοιοῦτον ποιήσει, οἴεται, εἰ ἐν καλῷ γεννήσεται. Οἳ δ´ ἂν ἐν παρανόμῳ καὶ παρὰ τὴν φύσιν ἐθέλωσι γεννᾶν, ἐκ τῆς κατὰ φύσιν πορείας ποιησάμενοι τὰς ἀρχὰς γενόμενοι παράφοροι ἐκ ταύτης οἷον ὁδοῦ ὀλισθήσαντες κεῖνται πεσόντες οὔτε ἔρωτα γνόντες ἐφ´ ὃ ἦγεν αὐτοὺς οὔτε ἔφεσιν γεννήσεως οὔτε χρῆσιν κάλλους εἰκόνος οὔτε ὅ τι ἐστὶ κάλλος αὐτό. Ἀλλ´ οὖν οἵ τε σωμάτων καλῶν καὶ 〈μὴ〉 διὰ μίξιν ἐρῶντες, ὅτι καλά ἐστιν ἐρῶσιν, οἵ τε τὸν λεγόμενον μικτὸν ἔρωτα, γυναικῶν μέν, ἵνα καὶ τὸ ἀεί, μὴ τοιούτων δέ, σφαλλόμενοι· οἱ δὲ ἀμείνους· σωφρονοῦσι μὲν ἄμφω. Ἀλλ´ οἱ μὲν καὶ τὸ τῇδε κάλλος σέβουσιν ἀρκούμενοι, οἱ δὲ κἀκεῖνο, ὅσοι ἀνεμνήσθησαν, καὶ οὐκ ἀτιμάζουσιν οὐδὲ τοῦτο ὡς ἂν καὶ ἀποτέλεσμά τι ὂν ἐκείνου καὶ παίγνιον. Οὗτοι μὲν οὖν περὶ τὸ καλὸν αἰσχροῦ ἄνευ, οἱ δὲ καὶ διὰ τὸ καλὸν εἰς αἰσχρὸν πεσόντες· καὶ γὰρ ἡ ἀγαθοῦ ἔφεσις ἔχει εἰς κακὸν τὴν ἔκπτωσιν πολλάκις. Καὶ ταῦτα μὲν τῆς ψυχῆς τὰ παθήματα.
| [3,5,1] L'Amour est-il un dieu, ou un démon, ou une passion de l'âme humaine? ou bien est-il sous un point de vue un dieu, sous un autre, un démon, sous un autre encore, une passion de l'âme humaine? Qu'est-il alors sous chacun de ces points de vue ? Voilà les questions que nous avons ici à examiner en interrogeant les opinions des hommes, principalement celles des philosophes. Le divin Platon, qui a beaucoup écrit sur l'amour, mérite ici une attention particulière : non seulement il dit que l'amour est une passion capable de naître dans les âmes, mais encore il l'appelle un démon, et il donne de grands détails sur sa naissance et sur ses parents.
Pour commencer par la passion, personne n'ignore que la passion que nous rapportons à l'Amour naît dans les âmes qui désirent s'unir à un bel objet. Personne n'ignore non plus que ce désir tantôt se trouve chez des hommes tempérants, familiarisés avec le beau, tantôt a pour but une jouissance charnelle. Quel est son principe dans ces deux cas, voilà ce qu'il faut examiner d'une manière philosophique. Si l'on veut assigner à l'amour sa véritable cause, il faut la chercher dans le désir et dans la notion que notre âme a primitivement du Beau, ainsi que dans son affinité avec lui et dans le sentiment instinctif qu'elle a de cette affinité. Le laid est contraire à la nature et à la divinité. En effet, pour créer, la Nature contemple ce qui est beau, ce qui est déterminé et se trouve compris dans l'ordre du Bien. Au contraire, l'indéterminé est laid et appartient ainsi à l'ordre qui est opposé à celui du Bien. D'ailleurs, la Nature elle-même doit son origine au Beau et au Bien. Or, dès qu'on est séduit par un objet parce qu'on y est uni par une parenté secrète, on éprouve pour les images de cet objet un sentiment de sympathie. Qu'on détruise cette cause de l'amour, et il sera impossible d'expliquer l'origine de cette passion, d'en assigner la cause, se bornât-on même à considérer l'amour physique. Celui-ci en effet nous inspire le désir d'engendrer dans le Beau : car il est absurde de prétendre que la Nature, qui aspire à produire de belles choses, aspire à engendrer dans le laid. Au reste, à ceux qui désirent engendrer ici-bas, il suffit d'atteindre ce qui est beau ici-bas, c'est-à-dire la beauté qui se trouve dans les images, dans les corps : car ils ne possèdent pas cette beauté intelligible qui pourtant leur inspire cet amour même qu'ils ont pour la beauté visible. Aussi ceux qui s'élèvent à la réminiscence de la beauté intelligible n'aiment-ils celle qu'ils voient ici-bas que parce qu'elle est une image de l'autre. Quant à ceux qui ne s'élèvent pas à la réminiscence de la beauté intelligible parce qu'ils ignorent la cause de leur passion, ils prennent la beauté visible pour la beauté véritable, et, s'ils sont tempérants, ils l'aiment chastement. Aller jusqu'à une union charnelle est une faute. Ainsi, celui qui est épris d'un amour pur pour le beau, n'aime que le beau seul, qu'il ait ou non la réminiscence de la beauté intelligible. Quant à celui qui à cette passion joint le désir de l'immortalité que comporte notre nature mortelle, il cherche la beauté dans la perpétuité de la génération qui rend l'homme impérissable ; il se propose d'engendrer et de produire dans le beau selon la nature : d'engendrer, parce qu'il a pour but la perpétuité; d'engendrer dans la beauté, parce qu'il a de l'affinité avec elle. En effet, la perpétuité a de l'affinité avec la beauté : l'essence perpétuelle est la Beauté même, et toutes les choses qui en découlent sont belles. Ainsi, celui qui ne désire pas engendrer semble aspirer davantage à la possession du beau. Celui qui désire engendrer veut sans doute engendrer le beau, mais son désir indique qu'il y a en lui indigence et que la possession du beau seul ne lui suffit pas : il pense qu'il engendrera le beau s'il engendre dans la beauté. Quant à ceux qui veulent satisfaire l'amour physique contre les lois humaines et contre la nature, ils ont sans doute pour principe de leur passion un penchant naturel; mais, s'écartant de la droite voie, ils s'égarent et se perdent faute de connaître le but où l'amour les poussait, de savoir à quoi aspire le désir de la génération et quel usage il faut faire de l'image de la beauté : c'est qu'ils ignorent ce qu'est la Beauté même. Ceux qui aiment les beaux corps sans désirer s'y unir les aiment seulement pour leur beauté. Ceux qui aiment la beauté des femmes et désirent s'y unir aiment tout à la fois la beauté et la perpétuité, pourvu qu'ils ne s'écartent jamais de ce but. Les uns et les autres sont tempérants, mais ceux qui n'aiment les corps que pour leur beauté sont plus vertueux. Les uns admirent la beauté sensible et s'en contentent ; les autres se rappellent la beauté intelligible, sans mépriser toutefois la beauté visible, parce qu'ils la regardent comme un effet et une image de la première. Les uns et les autres aiment donc le beau sans avoir jamais à rougir. Quant à ceux dont nous avons parlé en dernier lieu {qui violent la loi de la nature}, l'amour de la beauté les égare en les faisant tomber dans le laid. Souvent en effet le désir du bien conduit à tomber dans le mal. Tel est l'amour considéré comme passion de l'âme.
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