[3,2,9] Οὐ γὰρ δὴ οὕτω τὴν πρόνοιαν εἶναι δεῖ, ὥστε μηδὲν ἡμᾶς εἶναι. Πάντα δὲ
οὔσης προνοίας καὶ μόνης αὐτῆς οὐδ´ ἂν εἴη· τίνος γὰρ ἂν ἔτι εἴη; Ἀλλὰ
μόνον ἂν εἴη τὸ θεῖον. Τοῦτο δὲ καὶ νῦν ἐστι· καὶ πρὸς ἄλλο δὲ ἐλήλυθεν,
οὐχ ἵνα ἀνέλῃ τὸ ἄλλο, ἀλλ´ ἐπιόντι οἷον ἀνθρώπῳ ἦν ἐπ´ αὐτῷ τηροῦσα τὸν
ἄνθρωπον ὄντα· τοῦτο δέ ἐστι νόμῳ προνοίας ζῶντα, ὃ δή ἐστι πράττοντα ὅσα
ὁ νόμος αὐτῆς λέγει. Λέγει δὲ τοῖς μὲν ἀγαθοῖς γενομένοις ἀγαθὸν βίον
ἔσεσθαι καὶ κεῖσθαι καὶ εἰς ὕστερον, τοῖς δὲ κακοῖς τὰ ἐναντία. Κακοὺς δὲ
γενομένους ἀξιοῦν ἄλλους αὐτῶν σωτῆρας εἶναι ἑαυτοὺς προεμένους οὐ θεμιτὸν
εὐχὴν ποιουμένων· οὐ τοίνυν οὐδὲ θεοὺς αὐτῶν ἄρχειν τὰ καθέκαστα ἀφέντας
τὸν ἑαυτῶν βίον οὐδέ γε τοὺς ἄνδρας τοὺς ἀγαθούς, ἄλλον βίον ζῶντας τὸν
ἀρχῆς ἀνθρωπίνης ἀμείνω, τούτους αὐτῶν ἄρχοντας εἶναι· ἐπεὶ οὐδ´ αὐτοὶ
ἐπεμελήθησάν ποτε, ὅπως ἄρχοντες ἀγαθοὶ γένοιντο τῶν ἄλλων, ὅπως αὐτοῖς
εὖ ᾖ ἐπιμελούμενοι, ἀλλὰ φθονοῦσιν, ἐάν τις ἀγαθὸς παρ´ αὐτοῦ φύηται·
ἐπεὶ πλείους ἂν ἐγένοντο ἀγαθοί, εἰ τούτους ἐποιοῦντο προστάτας. Γενόμενοι
τοίνυν ζῷον οὐκ ἄριστον, ἀλλὰ μέσην τάξιν ἔχον καὶ ἑλόμενον, ὅμως ἐν ᾧ
κεῖται τόπῳ ὑπὸ προνοίας οὐκ ἐώμενον ἀπολέσθαι, ἀλλὰ ἀναφερόμενον ἀεὶ πρὸς
τὰ ἄνω παντοίαις μηχαναῖς, αἷς τὸ θεῖον χρῆται ἐπικρατεστέραν ἀρετὴν
ποιοῦν, οὐκ ἀπώλεσε τὸ λογικὸν εἶναι τὸ ἀνθρώπινον γένος, ἀλλὰ μετέχον, εἰ
καὶ μὴ ἄκρως, ἐστὶ καὶ σοφίας καὶ νοῦ καὶ τέχνης καὶ δικαιοσύνης, τῆς γοῦν
πρὸς ἀλλήλους ἕκαστοι· καὶ οὓς ἀδικοῦσι δέ, οἴονται δικαίως ταῦτα ποιεῖν·
εἶναι γὰρ ἀξίους. Οὕτω καλόν ἐστιν ἄνθρωπος ποίημα, ὅσον δύναται καλὸν
εἶναι, καὶ συνυφανθὲν εἰς τὸ πᾶν μοῖραν ἔχει τῶν ἄλλων ζῴων ὅσα ἐπὶ γῆς
βελτίονα. Ἐπεὶ καὶ τοῖς ἄλλοις ὅσα ἐλάττω ζῷα αὐτοῦ κόσμον γῇ φέροντα
μέμφεται οὐδεὶς νοῦν ἔχων. Γελοῖον γάρ, εἴ τις μέμφοιτο, ὅτι τοὺς
ἀνθρώπους δάκνοι, ὡς δέον αὐτοὺς ζῆν κοιμωμένους. Ἀνάγκη δὲ καὶ ταῦτα
εἶναι· καὶ αἱ μὲν πρόδηλοι παρ´ αὐτῶν ὠφέλειαι, τὰς δὲ οὐ φανερὰς ἀνεῦρε
πολλὰς ὁ χρόνος· ὥστε μηδὲν αὐτῶν μάτην μηδὲ ἀνθρώποις εἶναι. Γελοῖον δὲ
καὶ ὅτι ἄγρια πολλὰ αὐτῶν μέμφεσθαι γινομένων καὶ ἀνθρώπων ἀγρίων· εἰ δὲ
μὴ πεπίστευκεν ἀνθρώποις, ἀλλὰ ἀπιστοῦντα ἀμύνεται, τί θαυμαστόν ἐστιν;
| [3,2,9] Il ne faut pas en effet étendre l'action de la Providence au point de
supprimer notre propre action. Car si la Providence faisait tout,
s'il n'y avait qu'elle, elle serait anéantie: A quoi s'appliquerait-elle
en effet? Il n'y aurait plus que la Divinité. Assurément, il est
incontestable que la Divinité existe et qu'elle étend son action sur les
autres êtres ; mais elle ne les supprime pas. Elle s'approche de l'homme,
par exemple, et elle conserve en lui ce qui le constitue, c'est-à-dire
qu'elle le fait vivre conformément à la loi de la Providence, elle lui fait
accomplir ce que cette loi ordonne. Or cette loi ordonne que la vie des
hommes qui sont devenus vertueux soit bonne ici-bas et après leur mort,
que les méchants aient un sort contraire. Il n'est pas permis de
demander qu'il y ait des hommes qui s'oublient eux mêmes pour venir sauver
les méchants, lors même que tes derniers adresseraient des voeux à la
Divinité. Il ne faut pas admettre non plus que les dieux renoncent à leur
existence bienheureuse pour venir administrer nos affaires, ni que les
hommes vertueux, dont la vie est sainte et supérieure à la condition
humaine, veuillent gouverner les méchants : car ceux–ci ne se sont jamais
occupés de faire parvenir les bons au gouvernement des autres hommes et
d'être bons eux-mêmes : ils sont même jaloux de l'homme qui est bon
par lui-même ; il y aurait en effet plus de gens de bien, si l'on prenait
pour chefs les hommes vertueux.
L'homme n'est donc pas l'être le meilleur de l'univers : il occupe,
conformément à son choix, un rang intermédiaire. Cependant, dans la place
qu'il occupe, il n'est pas abandonné de la Providence ; elle le ramène
toujours aux choses divines par les mille moyens dont elle dispose pour
faire prévaloir la vertu. Aussi les hommes n'ont-ils jamais perdu la
qualité d'êtres raisonnables et participent-ils toujours en quelque degré
à la sagesse, à l'intelligence, à l'art, à la
justice qui règle leurs rapports mutuels. Même quand on fait tort à un
autre, on croit encore qu'on agit justement à son égard et qu'on le traite
selon son mérite. L'homme est du reste une belle créature, aussi
belle qu'il pouvait l'être, et, par le rôle qu'il joue dans l'univers, il
est supérieur à tous les animaux qui vivent ici-bas.
Nul esprit sensé ne saurait se plaindre de l'existence des animaux
inférieurs à l'homme, s'ils contribuent d'ailleurs à embellir l'univers.
Ne serait-il pas ridicule de se plaindre de ce que quelqu'un d'entre eux
mord les hommes, comme si ceux-ci devaient vivre dans une complète
sécurité ? L'existence de ces animaux est nécessaire : elle nous
procure des avantages, soit évidents, soit inconnus encore, mais que le
temps fait découvrir. Ainsi, il n'y a rien d'inutile dans les animaux,
soit par rapport à eux, soit par rapport à l'homme. Il est encore
ridicule de se plaindre que beaucoup d'animaux soient sauvages, quand il y
a des hommes même qui le sont ; si beaucoup d'animaux ne sont. pas soumis
à l'homme, s'ils se défendent contre lui, qu'y a-t-il là d'étonnant ?
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