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[2,9,0] ENNÉADE II, LIVRE IX.
| [2,9,0] DEUXIÈME ENNÉADE.
LIVRE NEUVIÈME. CONTRE LES GNOSTIQUES.
| [2,9,1] Ἐπειδὴ τοίνυν ἐφάνη ἡμῖν ἡ τοῦ ἀγαθοῦ ἁπλῆ φύσις καὶ πρώτη - πᾶν γὰρ
τὸ οὐ πρῶτον οὐχ ἁπλοῦν - καὶ οὐδὲν ἔχον ἐν ἑαυτῷ, ἀλλὰ ἕν τι, καὶ τοῦ
ἑνὸς λεγομένου ἡ φύσις ἡ αὐτή - καὶ γὰρ αὕτη οὐκ ἄλλο, εἶτα ἕν, οὐδὲ τοῦτο
ἄλλο, εἶτα ἀγαθόν - ὅταν λέγωμεν τὸ ἕν, καὶ ὅταν λέγωμεν τἀγαθόν, τὴν
αὐτὴν δεῖ νομίζειν τὴν φύσιν καὶ μίαν λέγειν οὐ κατηγοροῦντας ἐκείνης
οὐδέν, δηλοῦντας δὲ ἡμῖν αὐτοῖς ὡς οἷόν τε. Καὶ τὸ πρῶτον δὲ οὕτως, ὅτι
ἁπλούστατον, καὶ τὸ αὔταρκες, ὅτι οὐκ ἐκ πλειόνων· οὕτω γὰρ ἀναρτηθήσεται
εἰς τὰ ἐξ ὧν· καὶ οὐκ ἐν ἄλλῳ, ὅτι πᾶν τὸ ἐν ἄλλῳ καὶ παρ´ ἄλλου. Εἰ οὖν
μηδὲ παρ´ ἄλλου μηδὲ ἐν ἄλλῳ μηδὲ σύνθεσις μηδεμία, ἀνάγκη μηδὲν ὑπὲρ αὐτὸ
εἶναι. Οὐ τοίνυν δεῖ ἐφ´ ἑτέρας ἀρχὰς ἰέναι, ἀλλὰ τοῦτο προστησαμένους,
εἶτα νοῦν μετ´ αὐτὸ καὶ τὸ νοοῦν πρώτως, εἶτα ψυχὴν μετὰ νοῦν -αὕτη γὰρ
τάξις κατὰ φύσιν - μήτε πλείω τούτων τίθεσθαι ἐν τῷ νοητῷ μήτε ἐλάττω.
Εἴτε γὰρ ἐλάττω, ἢ ψυχὴν καὶ νοῦν ταὐτὸν φήσουσιν, ἢ νοῦν καὶ τὸ πρῶτον·
ἀλλ´ ὅτι ἕτερα ἀλλήλων, ἐδείχθη πολλαχῇ. Λοιπὸν δὲ ἐπισκέψασθαι ἐν τῷ
παρόντι, εἰ πλείω τῶν τριῶν τούτων, τίνες ἂν οὖν εἶεν φύσεις παρ´ αὐτάς.
Τῆς τε γὰρ λεχθείσης οὕτως ἔχειν ἀρχῆς τῆς πάντων οὐδεὶς ἂν εὕροι
ἁπλουστέραν οὐδ´ ἐπαναβεβηκυῖαν ἡντινοῦν. Οὐ γὰρ δὴ τὴν μὲν δυνάμει, τὴν
δὲ ἐνεργείᾳ φήσουσι· γελοῖον γὰρ ἐν τοῖς ἐνεργείᾳ οὖσι καὶ ἀύλοις τὸ
δυνάμει καὶ ἐνεργείᾳ διαιρουμένους φύσεις ποιεῖσθαι πλείους. Ἀλλ´ οὐδὲ ἐν
τοῖς μετὰ ταῦτα· οὐδ´ ἐπινοεῖν τὸν μέν τινα νοῦν ἐν ἡσυχίᾳ τινί, τὸν δὲ
οἷον κινούμενον. Τίς γὰρ ἂν ἡσυχία νοῦ καὶ τίς κίνησις καὶ προφορὰ ἂν εἴη
ἢ τίς ἀργία καὶ τοῦ ἑτέρου τί ἔργον; Ἔστι γὰρ ὡς ἔστι νοῦς ἀεὶ ὡσαύτως
ἐνεργείᾳ κείμενος ἑστώσῃ· κίνησις δὲ πρὸς αὐτὸν καὶ περὶ αὐτὸν ψυχῆς ἤδη
ἔργον καὶ λόγος ἀπ´ αὐτοῦ εἰς ψυχὴν ψυχὴν νοερὰν ποιῶν, οὐκ ἄλλην τινὰ
μεταξὺ νοῦ καὶ ψυχῆς φύσιν. Οὐ μὴν οὐδὲ διὰ τοῦτο πλείους νοῦς ποιεῖν, εἰ
ὁ μὲν νοεῖ, ὁ δὲ νοεῖ ὅτι νοεῖ. Καὶ γὰρ εἰ ἄλλο τὸ ἐν τούτοις νοεῖν, ἄλλο
δὲ τὸ νοεῖν ὅτι νοεῖ, ἀλλ´ οὖν μία προσβολὴ οὐκ ἀναίσθητος τῶν ἐνεργημάτων
ἑαυτῆς· γελοῖον γὰρ ἐπὶ τοῦ ἀληθινοῦ νοῦ τοῦτο ὑπολαμβάνειν, ἀλλὰ πάντως
γε ὁ αὐτὸς ἔσται ὅσπερ ἐνόει ὁ νοῶν ὅτι νοεῖ. Εἰ δὲ μή, ὁ μὲν ἔσται νοῶν
μόνον, ὁ δὲ ὅτι νοεῖ νοῶν ἄλλου ὄντος, ἀλλ´ οὐκ αὐτοῦ τοῦ νενοηκότος. Ἀλλ´
εἰ ἐπινοίᾳ φήσουσι, πρῶτον μὲν τῶν πλειόνων ὑποστάσεων ἀποστήσονται·
ἔπειτα δεῖ σκοπεῖν, εἰ καὶ αἱ ἐπίνοιαι χώραν ἔχουσι λαβεῖν νοῦν νοοῦντα
μόνον, μὴ παρακολουθοῦντα δὲ ἑαυτῷ ὅτι νοεῖ· ὃ καὶ ἐφ´ ἡμῶν αὐτῶν εἰ
γίγνοιτο τῶν ἀεὶ ἐπιστατούντων ταῖς ὁρμαῖς καὶ ταῖς διανοήσεσιν, εἰ καὶ
μετρίως σπουδαῖοι εἶεν, αἰτίαν ἂν ἀφροσύνης ἔχοιεν. Ὅταν δὲ δὴ ὁ νοῦς ὁ
ἀληθινὸς ἐν ταῖς νοήσεσιν αὑτὸν νοῇ καὶ μὴ ἔξωθεν ᾖ τὸ νοητὸν αὐτοῦ, ἀλλ´
αὐτὸς ᾖ καὶ τὸ νοητόν, ἐξ ἀνάγκης ἐν τῷ νοεῖν ἔχει ἑαυτὸν καὶ ὁρᾷ ἑαυτόν·
ὁρῶν δ´ ἑαυτὸν οὐκ ἀνοηταίνοντα, ἀλλὰ νοοῦντα ὁρᾷ. Ὥστε ἐν τῷ πρώτως νοεῖν
ἔχοι ἂν καὶ τὸ νοεῖν ὅτι νοεῖ ὡς ἓν ὄν· καὶ οὐδὲ τῇ ἐπινοίᾳ ἐκεῖ διπλοῦν.
Εἰ δὲ καὶ ἀεὶ νοῶν εἴη, ὅπερ ἔστι, τίς χώρα τῇ ἐπινοίᾳ τῇ χωριζούσῃ τὸ
νοεῖν ἀπὸ τοῦ νοεῖν ὅτι νοεῖ; Εἰ δὲ δὴ καὶ ἑτέραν ἐπίνοιάν τις τρίτην
ἐπεισάγοι τὴν ἐπὶ τῇ δευτέρᾳ τῇ λεγούσῃ νοεῖν ὅτι νοεῖ, τὴν λέγουσαν ὅτι
νοεῖ ὅτι νοεῖ ὅτι νοεῖ, ἔτι μᾶλλον καταφανὲς τὸ ἄτοπον. Καὶ διὰ τί οὐκ εἰς
ἄπειρον οὕτω; Τὸν δὲ λόγον ὅταν τις ἀπὸ τοῦ νοῦ ποιῇ, εἶτα ἀπὸ τούτου
γίνεσθαι ἐν ψυχῇ ἄλλον ἀπ´ αὐτοῦ τοῦ λόγου, ἵνα μεταξὺ ψυχῆς καὶ νοῦ ᾖ
οὗτος, ἀποστερήσει τὴν ψυχὴν τοῦ νοεῖν, εἰ μὴ παρὰ τοῦ νοῦ κομιεῖται, ἀλλὰ
παρὰ ἄλλου τοῦ μεταξὺ τὸν λόγον· καὶ εἴδωλον λόγου, ἀλλ´ οὐ λόγον ἕξει,
καὶ ὅλως οὐκ εἰδήσει νοῦν οὐδὲ ὅλως νοήσει.
| [2,9,1] Nous avons déjà démontré ailleurs que la nature du Bien est une nature simple et première : car toute chose qui n'est pas première ne saurait être simple. Nous avons également démontré que la nature du Bien ne contient rien en soi, qu'elle est quelque chose d'un, qu'elle est la nature même de l'Un ; car l'Un n'est pas en soi une chose à laquelle vienne s'ajouter l'unité, pas plus que le Bien n'est en soi une chose à laquelle vienne s'ajouter la bonté. Par conséquent {l'Un et le Bien étant tous deux la simplicité même}, quand nous disons l'Un, et quand nous disons le Bien, ces deux mots n'expriment qu'une seule et même nature; ils n'en affirment rien, et ne servent qu'à nous la désigner à nous-mêmes autant que la chose est possible. Nous appelons cette nature le Premier, parce elle est très simple ; et l'Absolu, parce qu'elle n'est pas composée : sinon, elle dépendrait des choses dont elle serait composée. Enfin elle n'est pas non plus dans une autre chose {comme un attribut dans un sujet} : car tout ce qui est dans une autre chose provient aussi d'une autre chose. Si donc cette nature n'est pas dans une autre chose et ne provient pas d'une autre chose, s'il n'y a en elle aucune composition, elle doit n'avoir rien au-dessus d'elle.
Il en résulte qu'il ne faut pas recourir à d'autres principes {que les trois hypostases divines}, mais assigner le premier rang à l'Un, le deuxième à l'Intelligence, qui est le premier principe pensant, puis le troisième à l'Âme. Tel est en effet l'ordre naturel, ordre qui ne permet d'admettre ni plus ni moins de principes dans le monde intelligible. Si l'on en admet moins, c'est que l'on confond l'Âme avec l'Intelligence, ou l'Intelligence avec le Premier; or nous avons souvent démontré que ce sont autant de principes différents. Il nous reste maintenant à examiner si l'on peut en admettre plus, et, dans le cas où l'on supposerait qu'il y eût d'autres principes que ces trois hypostases, quelle serait leur nature.
Le Principe de toutes choses, tel que nous l'avons décrit, est le plus simple, le plus élevé qu'on puisse trouver. On ne saurait dire qu'en lui autre chose est la puissance, autre chose est l'acte: car il serait ridicule de vouloir appliquer à des principes, qui sont immatériels et qui sont en acte, la distinction de l'acte et de la puissance, et d'augmenter ainsi le nombre {des hypostases divines, en distinguant dans chacune d'elles la puissance et l'acte}.
On ne saurait non plus imaginer au-dessous du Premier deux Intelligences, l'une en repos, et l'autre en mouvement ? Que serait en effet le repos de la première, que seraient le mouvement et la parole de la seconde? En quoi consisteraient l'inaction de l'une et l'action de l'autre? Par son essence, l'Intelligence est éternellement et identiquement un acte permanent. S'élever à l'Intelligence et se mouvoir autour d'elle est la fonction propre de l'Âme. Quant à la Raison, qui descend de l'Intelligence dans l'Âme et la rend intellectuelle, elle ne constitue pas une nature distincte de l'Âme et de l'Intelligence et intermédiaire entre elles.
Il ne convient pas non plus d'admettre qu'il y ait plusieurs Intelligences en disant que l'une pense, et que l'autre pense que la première pense : car si penser et penser que l'on pense sont {pour l'esprit} deux choses différentes, cependant il n'y a là qu'une seule intuition qui a conscience de ses actes.
Il est ridicule de supposer que l'Intelligence véritable n'ait pas une telle conscience. C'est donc la même Intelligence qui pense et qui pense qu'elle pense; sinon, il y aurait deux principes, dont l'un aurait la pensée, et l'autre, la conscience de la pensée; le second différerait du premier sans doute, mais ne serait pas le véritable principe pensant. Si l'on objecte que la pensée et la conscience de la pensée sont deux choses logiquement distinctes, nous répondrons qu'on n'établit pas ainsi que ce soient deux hypostases différentes. Ensuite, nous examinerons s'il est possible de concevoir une Intelligence qui penserait seulement sans avoir conscience de sa pensée. Si nous nous trouvions nous-mêmes dans un tel état, nous qui sommes tout entiers à l'activité pratique et à la raison discursive, nous serions regardés comme insensés, fussions-nous d'ailleurs passablement raisonnables. Mais, comme l'Intelligence véritable se pense elle-même dans ses pensées, et que l'Intelligible, loin d'être hors de l'Intelligence, est l'Intelligence même, l'Intelligence, en pensant, se possède et se voit elle-même nécessairement. Or, en se voyant elle-même, elle ne se voit pas inintelligente, mais intelligente. Ainsi dans le premier acte de la pensée, l'Intelligence a la pensée et la conscience de la pensée, deux choses qui n'en font qu'une; il n'y a là aucune dualité, même logiquement. Si l'Intelligence pense toujours ce qu'elle est, y a-t-il lieu de séparer, même par une simple distinction logique, la pensée et la conscience de la pensée? L'absurdité de la doctrine que nous combattons sera plus évidente encore si l'on suppose qu'une troisième Intelligence ait conscience que la deuxième Intelligence a conscience de la pensée de la première : car il n'y a pas de raison pour qu'on n'aille ainsi à l'infini.
Enfin, si l'on suppose que de la Raison, qui découle de l'Intelligence, naît dans l'Âme universelle une autre Raison, de sorte que la première Raison constitue un principe intermédiaire entre l'Intelligence et l'Âme, on enlève à l'Âme le pouvoir de penser : car, au lieu de recevoir de l'Intelligence la Raison, elle la recevra d'un principe intermédiaire; elle n'aura ainsi qu'une ombre de la Raison au lieu de posséder la Raison même ; elle ne connaîtra pas l'Intelligence et elle ne pourra pas penser.
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