[1,4,15] Ἀλλ´ εἰ δύο εἶεν σοφοί, τῷ δὲ ἑτέρῳ παρείη ὅσα κατὰ φύσιν λέγεται, τῷ
δὲ τὰ ἐναντία, ἴσον φήσομεν τὸ εὐδαιμονεῖν αὐτοῖς παρεῖναι; Φήσομεν, εἴπερ
ἐπίσης σοφοί. Εἰ δὲ καλὸς τὸ σῶμα ὁ ἕτερος καὶ πάντα τὰ ἄλλα ὅσα μὴ πρὸς
σοφίαν μηδὲ ὅλως πρὸς ἀρετὴν καὶ τοῦ ἀρίστου θέαν καὶ τὸ ἄριστον εἶναι, τί
τοῦτο ἂν εἴη; Ἐπεὶ οὐδὲ αὐτὸς ὁ ταῦτα ἔχων σεμνυνεῖται ὡς μᾶλλον εὐδαίμων
τοῦ μὴ ἔχοντος· οὐδὲ γὰρ ἂν πρὸς αὐλητικὸν τέλος ἡ τούτων πλεονεξία
συμβάλλοιτο. Ἀλλὰ γὰρ θεωροῦμεν τὸν εὐδαίμονα μετὰ τῆς ἡμετέρας ἀσθενείας
φρικτὰ καὶ δεινὰ νομίζοντες, ἃ μὴ ἂν ὁ εὐδαίμων νομίσειεν· ἢ οὔπω οὔτε
σοφὸς οὔτε εὐδαίμων εἴη μὴ τὰς περὶ τούτων φαντασίας ἁπάσας ἀλλαξάμενος
καὶ οἷον ἄλλος παντάπασι γενόμενος πιστεύσας ἑαυτῷ, ὅτι μηδέν ποτε κακὸν
ἕξει· οὕτω γὰρ καὶ ἀδεὴς ἔσται περὶ πάντα. Ἢ δειλαίνων περί τινα οὐ τέλεος
πρὸς ἀρετήν, ἀλλὰ ἥμισύς τις ἔσται. Ἐπεὶ καὶ τὸ ἀπροαίρετον αὐτῷ καὶ τὸ
γινόμενον πρὸ κρίσεως δέος κἄν ποτε πρὸς ἄλλοις ἔχοντι γένηται, προσελθὼν
ὁ σοφὸς ἀπώσεται καὶ τὸν ἐν αὐτῷ κινηθέντα οἷον πρὸς λύπας παῖδα
καταπαύσει ἢ ἀπειλῇ ἢ λόγῳ· ἀπειλῇ δὲ ἀπαθεῖ, οἷον εἰ ἐμβλέψαντος σεμνὸν
μόνον παῖς ἐκπλαγείη. Οὐ μὴν διὰ ταῦτα ἄφιλος οὐδὲ ἀγνώμων ὁ τοιοῦτος·
τοιοῦτος γὰρ καὶ περὶ αὑτὸν καὶ ἐν τοῖς ἑαυτοῦ. Ἀποδιδοὺς οὖν ὅσα αὐτῷ καὶ
τοῖς φίλοις φίλος ἂν εἴη μάλιστα μετὰ τοῦ νοῦν ἔχειν.
| [1,4,15] Mais supposons deux sages dont l'un ait tout ce qui est conforme au
voeu de la nature, et dont l'autre soit dans la position contraire,
devrons-nous dire qu'ils sont également heureux? Oui, s'ils sont également
sages. Car lors même que l'un posséderait la beauté corporelle et tous les
autres avantages qui ne se rapportent ni à la sagesse, ni à la vertu, ni à
la contemplation du bien, ni à la vie parfaite, à quoi tout cela lui
servirait-il, puisque celui, qui possède tous ces avantages n'est pas
considéré comme étant plus réellement heureux que celui qui en est privé?
Leur affluence ne saurait même suffire au joueur de flûte pour lui faire
atteindre sa fin. Mais nous n'envisageons l'homme heureux qu'avec la
faiblesse de notre esprit, regardant comme grave et horrible ce que
l'homme vraiment heureux juge indifférent. Car l'homme ne saurait être
sage, ni par conséquent heureux, tant qu'il n'a pas réussi a se
débarrasser de toutes ces vaines idées, tant qu'il ne s'est pas
entièrement transformé, tant qu'il n'a pas en lui-même la confiance d'être
à l'abri de tout mal. Ce n'est qu'alors qu'il vivra sans être agité
d'aucune crainte. Si quelque chose l'effraie encore, c'est qu'il n'est pas
un sage accompli, qu'il est seulement à moitié sage. Quant aux craintes
qui surviendraient à l'improviste et qui pourraient s'emparer de lui avant
qu'il ait eu le temps de réfléchir, au moment où il serait attentif à
autre chose, le sage s'empressera de les écarter; traitant ce qui s'agite
en lui-même comme un enfant égaré par la douleur, il l'apaisera, soit par
la raison, soit par la menace, mais toutefois sans passion: c'est ainsi
que la seule vue d'une personne respectable suffit pour calmer un enfant.
Du reste, le sage ne sera pas étranger à l'amitié ni à la reconnaissance;
il traitera les siens comme il se traite lui-même; donnant autant à ses
amis qu'à sa propre personne, il se livrera à l'amitié, mais sans cesser
d'être avec l'intelligence.
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