Texte grec :
[358] (358a) Ταῦτα μὲν τοῖς πολλοῖς ἀποκεκριμένοι ἂν ἦμεν· ὑμᾶς δὲ
δὴ μετὰ Πρωταγόρου ἐρωτῶ, ὦ Ἱππία τε καὶ Πρόδικε
(κοινὸς γὰρ δὴ ἔστω ὑμῖν ὁ λόγος) πότερον δοκῶ ὑμῖν ἀληθῆ
λέγειν ἢ ψεύδεσθαι. — Ὑπερφυῶς ἐδόκει ἅπασιν ἀληθῆ εἶναι
τὰ εἰρημένα. — Ὁμολογεῖτε ἄρα, ἦν δ´ ἐγώ, τὸ μὲν ἡδὺ ἀγαθὸν
εἶναι, τὸ δὲ ἀνιαρὸν κακόν. τὴν δὲ Προδίκου τοῦδε διαίρεσιν
τῶν ὀνομάτων παραιτοῦμαι· εἴτε γὰρ ἡδὺ εἴτε τερπνὸν
λέγεις εἴτε χαρτόν, εἴτε ὁπόθεν καὶ ὅπως χαίρεις τὰ τοιαῦτα
(358b) ὀνομάζων, ὦ βέλτιστε Πρόδικε, τοῦτό μοι πρὸς ὃ βούλομαι
ἀπόκριναι. — Γελάσας οὖν ὁ Πρόδικος συνωμολόγησε, καὶ οἱ
ἄλλοι. — Τί δὲ δή, ὦ ἄνδρες, ἔφην ἐγώ, τὸ τοιόνδε; αἱ ἐπὶ
τούτου πράξεις ἅπασαι, ἐπὶ τοῦ ἀλύπως ζῆν καὶ ἡδέως, ἆρ´
οὐ καλαί {καὶ ὠφέλιμοι}; καὶ τὸ καλὸν ἔργον ἀγαθόν τε καὶ
ὠφέλιμον; — Συνεδόκει. — Εἰ ἄρα, ἔφην ἐγώ, τὸ ἡδὺ ἀγαθόν
ἐστιν, οὐδεὶς οὔτε εἰδὼς οὔτε οἰόμενος ἄλλα βελτίω εἶναι ἢ
(358c) ἃ ποιεῖ, καὶ δυνατά, ἔπειτα ποιεῖ ταῦτα, ἐξὸν τὰ βελτίω· οὐδὲ
τὸ ἥττω εἶναι αὑτοῦ ἄλλο τι τοῦτ´ ἐστὶν ἢ ἀμαθία, οὐδὲ
κρείττω ἑαυτοῦ ἄλλο τι ἢ σοφία. — Συνεδόκει πᾶσιν. — Τί δὲ
δή; ἀμαθίαν ἆρα τὸ τοιόνδε λέγετε, τὸ ψευδῆ ἔχειν δόξαν
καὶ ἐψεῦσθαι περὶ τῶν πραγμάτων τῶν πολλοῦ ἀξίων; — Καὶ
τοῦτο πᾶσι συνεδόκει. — Ἄλλο τι οὖν, ἔφην ἐγώ, ἐπί γε τὰ
κακὰ οὐδεὶς ἑκὼν ἔρχεται οὐδὲ ἐπὶ ἃ οἴεται κακὰ εἶναι, οὐδ´
(358d) ἔστι τοῦτο, ὡς ἔοικεν, ἐν ἀνθρώπου φύσει, ἐπὶ ἃ οἴεται κακὰ
εἶναι ἐθέλειν ἰέναι ἀντὶ τῶν ἀγαθῶν· ὅταν τε ἀναγκασθῇ
δυοῖν κακοῖν τὸ ἕτερον αἱρεῖσθαι, οὐδεὶς τὸ μεῖζον αἱρήσεται
ἐξὸν τὸ ἔλαττον; — Ἅπαντα ταῦτα συνεδόκει ἅπασιν ἡμῖν. —
Τί οὖν; ἔφην ἐγώ, καλεῖτέ τι δέος καὶ φόβον; καὶ ἆρα
ὅπερ ἐγώ; (πρὸς σὲ λέγω, ὦ Πρόδικε). προσδοκίαν τινὰ
λέγω κακοῦ τοῦτο, εἴτε φόβον εἴτε δέος καλεῖτε. — Ἐδόκει
Πρωταγόρᾳ μὲν καὶ Ἱππίᾳ δέος τε καὶ φόβος εἶναι τοῦτο,
(358e) Προδίκῳ δὲ δέος, φόβος δ´ οὔ. — Ἀλλ´ οὐδέν, ἔφην ἐγώ,
Πρόδικε, διαφέρει· ἀλλὰ τόδε. εἰ ἀληθῆ τὰ ἔμπροσθέν ἐστιν,
ἆρά τις ἀνθρώπων ἐθελήσει ἐπὶ ταῦτα ἰέναι ἃ δέδοικεν, ἐξὸν
ἐπὶ ἃ μή; ἢ ἀδύνατον ἐκ τῶν ὡμολογημένων; ἃ γὰρ δέδοικεν,
ὡμολόγηται ἡγεῖσθαι κακὰ εἶναι· ἃ δὲ ἡγεῖται κακά,
οὐδένα οὔτε ἰέναι ἐπὶ ταῦτα οὔτε λαμβάνειν ἑκόντα.
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Traduction française :
[358] XXXVIII. - Voilà ce que nous aurions répondu au peuple ; et à
présent, avec Protagoras, je vous le demande à vous, Hippias et
Prodicos, afin que vous preniez part au débat, trouvez-vous que ce
que j'ai dit est vrai ou faux ?
Ils furent tous d'avis que ce que j'avais dit était d'une merveilleuse vérité.
- Alors, vous reconnaissez, dis-je, que l'agréable est bon, le
désagréable mauvais. Quant aux distinctions que Prodicos établit
entre les mots, je le prie de s'en abstenir ; que tu appelles ce bien
agréable, charmant, réjouissant, ou de tout autre nom qu'il te plaira,
excellent Prodicos, réponds au sens de ma question.
Prodicos me donna son assentiment en riant, et les autres aussi.
- Et maintenant, mes amis, dis-je, que pensez-vous de ceci ? Est-ce
que toutes les actions qui ont pour fin une vie agréable et sans
chagrin ne sont pas belles, et toute oeuvre belle n'est-elle pas bonne
et utile ?
Ils furent de cet avis.
- Si donc, repris-je, l'agréable est le bon, il n'est personne qui,
sachant ou croyant qu'il y a des choses meilleures à faire que celles
qu'il fait, et qu'il est en son pouvoir de les faire, fasse cependant les
moins bonnes, alors qu'il dépend de lui de faire les meilleures ; et être
inférieur à soi-même n'est autre chose qu'ignorance, comme être
supérieur à soi-même est sagesse.
Ils approuvèrent tous.
- Mais quoi ? qu'appelez-vous être ignorant ? n'est-ce pas avoir une
opinion fausse et se tromper sur les choses de grande importance ?
Ils l'avouèrent également tous.
- N'est-il pas vrai, repris-je, que personne ne se porte
volontairement au mal ou à ce qu'il prend pour le mal, qu'il ne paraît
pas être dans la nature de l'homme de se résoudre à chercher ce qu'il
croit mal plutôt que ce qui est bien, et que, quand on est forcé de
choisir entre deux maux, il n'est personne qui choisisse le plus grand,
s'il peut prendre le moindre ?
Sur tous ces points nous tombâmes d'accord.
- Mais voyons, dis-je, y a-t-il quelque chose que vous appelez crainte
ou frayeur ? Entendez-vous par là la même chose que moi ? C'est à toi
que je m'adresse, Prodicos. J'y vois l'attente d'un mal, qu'on appelle
frayeur ou crainte.
Protagoras et Hippias convinrent que la crainte et la frayeur étaient
bien cela ; Prodicos l'admit pour la crainte, mais le nia pour la frayeur.
- Il n'importe, Prodicos, dis-je, mais voici ce que je demande : si ce
qui a été dit précédemment est vrai, se trouvera-t-il un homme qui
veuille courir à ce qu'il craint, quand il peut aller au-devant de ce qu'il
ne craint pas ? n'est-ce pas impossible d'après les principes que nous
avons reconnus ? nous avons en effet reconnu que, si l'on craint une
chose, c'est qu'on la croit mauvaise, et que, lorsqu'on croit une chose
mauvaise, on ne s'y porte pas et on ne la choisit pas volontairement.
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