Texte grec :
[241] εἰς ὃν πολλὰ καὶ μετὰ πολλῶν ὅρκων τε καὶ δεήσεων ὑπισχνούμενος μόγις (241a)
κατεῖχε τήν γ᾽ ἐν τῷ τότε συνουσίαν ἐπίπονον οὖσαν φέρειν δι᾽ ἐλπίδα ἀγαθῶν.
τότε δὴ δέον ἐκτίνειν, μεταβαλὼν ἄλλον ἄρχοντα ἐν αὑτῷ καὶ προστάτην,
νοῦν καὶ σωφροσύνην ἀντ᾽ ἔρωτος καὶ μανίας, ἄλλος γεγονὼς
λέληθεν τὰ παιδικά. καὶ ὁ μὲν αὐτὸν χάριν ἀπαιτεῖ τῶν τότε, ὑπομιμνῄσκων τὰ
πραχθέντα καὶ λεχθέντα, ὡς τῷ αὐτῷ διαλεγόμενος· ὁ δὲ ὑπ᾽ αἰσχύνης οὔτε
εἰπεῖν τολμᾷ ὅτι ἄλλος γέγονεν, οὔθ᾽ ὅπως τὰ τῆς προτέρας ἀνοήτου ἀρχῆς
ὁρκωμόσιά τε καὶ ὑποσχέσεις (241b) ἐμπεδώσῃ ἔχει, νοῦν ἤδη ἐσχηκὼς καὶ
σεσωφρονηκώς, ἵνα μὴ πράττων ταὐτὰ τῷ πρόσθεν ὅμοιός τε ἐκείνῳ καὶ ὁ αὐτὸς
πάλιν γένηται. φυγὰς δὴ γίγνεται ἐκ τούτων, καὶ ἀπεστερηκὼς ὑπ᾽ ἀνάγκης ὁ
πρὶν ἐραστής, ὀστράκου μεταπεσόντος, ἵεται φυγῇ μεταβαλών· ὁ δὲ ἀναγκάζεται
διώκειν ἀγανακτῶν καὶ ἐπιθεάζων, ἠγνοηκὼς τὸ ἅπαν ἐξ ἀρχῆς, ὅτι οὐκ ἄρα ἔδει
ποτὲ ἐρῶντι καὶ ὑπ᾽ ἀνάγκης ἀνοήτῳ χαρίζεσθαι, (241c) ἀλλὰ πολὺ μᾶλλον μὴ
ἐρῶντι καὶ νοῦν ἔχοντι· εἰ δὲ μή, ἀναγκαῖον εἴη ἐνδοῦναι αὑτὸν ἀπίστῳ,
δυσκόλῳ, φθονερῷ, ἀηδεῖ, βλαβερῷ μὲν πρὸς οὐσίαν, βλαβερῷ δὲ πρὸς τὴν τοῦ
σώματος ἕξιν, πολὺ δὲ βλαβερωτάτῳ πρὸς τὴν τῆς ψυχῆς παίδευσιν, ἧς οὔτε
ἀνθρώποις οὔτε θεοῖς τῇ ἀληθείᾳ τιμιώτερον οὔτε ἔστιν οὔτε ποτὲ ἔσται. ταῦτά
τε οὖν χρή, ὦ παῖ, συννοεῖν, καὶ εἰδέναι τὴν ἐραστοῦ φιλίαν ὅτι οὐ μετ᾽ εὐνοίας
γίγνεται, ἀλλὰ σιτίου τρόπον, χάριν πλησμονῆς, (241d) ὡς λύκοι ἄρνας
ἀγαπῶσιν, ὣς παῖδα φιλοῦσιν ἐρασταί.
τοῦτ᾽ ἐκεῖνο, ὦ Φαῖδρε. οὐκέτ᾽ ἂν τὸ πέρα ἀκούσαις ἐμοῦ λέγοντος, ἀλλ᾽ ἤδη σοι
τέλος ἐχέτω ὁ λόγος.
(Φαῖδρος)
καίτοι ᾤμην γε μεσοῦν αὐτόν, καὶ ἐρεῖν τὰ ἴσα περὶ τοῦ μὴ ἐρῶντος, ὡς δεῖ
ἐκείνῳ χαρίζεσθαι μᾶλλον, λέγων ὅσα αὖ ἔχει ἀγαθά· νῦν δὲ δή, ὦ Σώκρατες, τί
ἀποπαύῃ;
(241e) (Σωκράτης)
οὐκ ᾔσθου, ὦ μακάριε, ὅτι ἤδη ἔπη φθέγγομαι ἀλλ᾽ οὐκέτι διθυράμβους, καὶ
ταῦτα ψέγων; ἐὰν δ᾽ ἐπαινεῖν τὸν ἕτερον ἄρξωμαι, τί με οἴει ποιήσειν; ἆρ᾽ οἶσθ᾽
ὅτι ὑπὸ τῶν Νυμφῶν, αἷς με σὺ προύβαλες ἐκ προνοίας, σαφῶς ἐνθουσιάσω;
λέγω οὖν ἑνὶ λόγῳ ὅτι ὅσα τὸν ἕτερον λελοιδορήκαμεν, τῷ ἑτέρῳ τἀναντία
τούτων ἀγαθὰ πρόσεστιν. καὶ τί δεῖ μακροῦ λόγου; περὶ γὰρ ἀμφοῖν ἱκανῶς
εἴρηται. καὶ οὕτω δὴ ὁ μῦθος ὅτι πάσχειν προσήκει αὐτῷ,
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Traduction française :
[241] en vue duquel, à force de promesses, accompagnées de
serments et de prières, (241a) il maintenait à grand'-peine, par
l'espérance de biens futurs, des relations qui avaient
été, dans le temps d'alors, pénibles à supporter. Voici donc
qu'à présent, venu le temps où il doit s'acquitter, il a changé
au-dedans de lui-même le principe qui commande et dirige,
la réflexion et la modération ont remplacé l'amour et la démence ;
à l'insu de ses amours il est devenu un autre homme. L'aimé
réclame sa récompense pour le passé, il rappelle à l'amoureux
tout ce qui s'est fait, tout ce qui s'est dit, avec l'illusion que
c'est au même homme qu'il s'adresse! Quant à l'amoureux,
la honte l'empêche, et d'oser dire qu'il est devenu un autre
homme, et de trouver un moyen de réaliser les serments, les
promesses du pouvoir antérieur, celui de la déraison ; (b)
maintenant qu'il est devenu raisonnable et qu'il a de la modération,
il veut éviter, en faisant les mêmes choses qu'il faisait auparavant,
de ressembler à l'homme d'autrefois et de redevenir le
même qu'il était. A l'égard de ces choses, l'amant de jadis
est maintenant du camp des fuyards et par force il a fait
défaut ; en tombant la coquille s'est retournée et, un changement
s'étant fait en lui, il se lance dans la fuite"! Mais
l'autre se trouve forcé de poursuivre ; si, ce faisant, il s'indigne
et prend les Dieux à témoin, c'est que, dès le principe, il a
complètement méconnu son devoir, qui était, il le voit bien,
de ne jamais céder aux voeux d'un homme qui aime et forcément
n'a point sa tête, (c) mais bien plutôt, au contraire, à
ceux d'un homme qui n'aime pas et qui a toute sa tête. Faute
de quoi, il était fatal qu'il se livrât lui-même à un être sans
foi, d'humeur difficile, jaloux, déplaisant, qui lui fera du tort
pour sa fortune, qui lui en fera aussi pour son état physique,
mais qui lui fera le tort de beauäoup le plus grand pour la
formation morale de son âme, un bien en comparaison duquel,
ni au regard des Dieux, ni à celui des hommes, il n'y a, il
n'y aura jamais rien qui ait, selon la vérité, plus de valeur!
Voilà donc, mon jeune ami, ce à quoi il faut bien penser,
voilà ce qu'il faut savoir de l'amitié d'un amant : de bonnes
intentions n'en accompagnant point la naissance ; (d) c'est
plutôt comme de manger en vue de se rassasier et telle la
tendresse des loups à l'égard des agneaux, telle aussi
l'amitié des amants pour un jeune garçon... »
Eh mais! Phèdre, qu'est-ce qui m'arrive? Impossible que
désormais de ma bouche tu entendes un mot de plus! Tiens plutôt,
maintenant, mon discours pour terminé!
- (PHÈDRE) : Je te croyais pourtant à la moitié seulement
et que tu allais équilibrer ton discours en parlant de l'obligation
de céder de préférence aux voeux de qui n'aime pas et dire
tous les biens qu'inversement cela comporte! Alors, Socrate,
pourquoi en rester là? (e) - (SOCRATE) : Ne t'es-tu pas rendu
compte, bienheureux ami, que déjà je suis au diapason de
l'épopée, que je ne suis même plus au ton du dithyrambe,
et cela tandis que j'en suis encore à blâmer? Or, si
je me mets à faire l'éloge de l'autre, as-tu idée de ce qui
va m'arriver? Ne comprends-tu pas que ces Nymphes,
au pouvoir desquelles, avec préméditation, tu m'as livré,
vont faire de moi un authentique possédé? Ainsi donc,
je le dis en une seule phrase : à tous les outrages dont
nous avons chargé le premier répondent, chez l'autre,
les biens contraires, qui lui sont inhérents. Quel besoin
d'un long discours? Sur tous les deux on a dit en effet
tout ce qu'il fallait. Donc, quel que soit le sort qui
convienne à mon discours,
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