Texte grec :
[93] (Ἄνυτος)
καὶ τούτους ἔγωγε ἀξιῶ παρὰ τῶν προτέρων μαθεῖν, ὄντων καλῶν κἀγαθῶν: ἢ
οὐ δοκοῦσί σοι πολλοὶ καὶ ἀγαθοὶ γεγονέναι ἐν τῇδε τῇ πόλει ἄνδρες;
(Σωκράτης)
ἔμοιγε, ὦ Ἄνυτε, καὶ εἶναι δοκοῦσιν ἐνθάδε ἀγαθοὶ τὰ πολιτικά, καὶ γεγονέναι
ἔτι οὐχ ἧττον ἢ εἶναι: ἀλλὰ μῶν καὶ διδάσκαλοι ἀγαθοὶ γεγόνασιν τῆς αὑτῶν
ἀρετῆς; τοῦτο γάρ ἐστιν περὶ οὗ ὁ λόγος ἡμῖν τυγχάνει ὤν: οὐκ εἰ εἰσὶν ἀγαθοὶ ἢ
μὴ ἄνδρες ἐνθάδε, οὐδ' εἰ γεγόνασιν ἐν τῷ (93b) πρόσθεν, ἀλλ' εἰ διδακτόν ἐστιν
ἀρετὴ πάλαι σκοποῦμεν. τοῦτο δὲ σκοποῦντες τόδε σκοποῦμεν, ἆρα οἱ ἀγαθοὶ
ἄνδρες καὶ τῶν νῦν καὶ τῶν προτέρων ταύτην τὴν ἀρετὴν ἣν αὐτοὶ ἀγαθοὶ ἦσαν
ἠπίσταντο καὶ ἄλλῳ παραδοῦναι, ἢ οὐ παραδοτὸν τοῦτο ἀνθρώπῳ οὐδὲ
παραληπτὸν ἄλλῳ παρ' ἄλλου: τοῦτ' ἔστιν ὃ πάλαι ζητοῦμεν ἐγώ τε καὶ Μένων.
ὧδε οὖν σκόπει ἐκ τοῦ σαυτοῦ λόγου: Θεμιστοκλέα οὐκ ἀγαθὸν ἂν (93c) φαίης
ἄνδρα γεγονέναι;
(Ἄνυτος) ἔγωγε, πάντων γε μάλιστα.
(Σωκράτης)
οὐκοῦν καὶ διδάσκαλον ἀγαθόν, εἴπερ τις ἄλλος τῆς αὑτοῦ ἀρετῆς διδάσκαλος
ἦν, κἀκεῖνον εἶναι;
(Ἄνυτος) οἶμαι ἔγωγε, εἴπερ ἐβούλετό γε.
(Σωκράτης)
ἀλλ', οἴει, οὐκ ἂν ἐβουλήθη ἄλλους τέ τινας καλοὺς κἀγαθοὺς γενέσθαι, μάλιστα
δέ που τὸν ὑὸν τὸν αὑτοῦ; ἢ οἴει αὐτὸν φθονεῖν αὐτῷ καὶ ἐξεπίτηδες οὐ
παραδιδόναι (93d) τὴν ἀρετὴν ἣν αὐτὸς ἀγαθὸς ἦν; ἢ οὐκ ἀκήκοας ὅτι
Θεμιστοκλῆς Κλεόφαντον τὸν ὑὸν ἱππέα μὲν ἐδιδάξατο ἀγαθόν; ἐπέμενεν γοῦν
ἐπὶ τῶν ἵππων ὀρθὸς ἑστηκώς, καὶ ἠκόντιζεν ἀπὸ τῶν ἵππων ὀρθός, καὶ ἄλλα
πολλὰ καὶ θαυμαστὰ ἠργάζετο ἃ ἐκεῖνος αὐτὸν ἐπαιδεύσατο καὶ ἐποίησε σοφόν,
ὅσα διδασκάλων ἀγαθῶν εἴχετο: ἢ ταῦτα οὐκ ἀκήκοας τῶν πρεσβυτέρων;
(Ἄνυτος) ἀκήκοα.
(Σωκράτης) οὐκ ἂν ἄρα τήν γε φύσιν τοῦ ὑέος αὐτοῦ ᾐτιάσατ' ἄν τις εἶναι κακήν.
(93e) (Ἄνυτος) ἴσως οὐκ ἄν.
(Σωκράτης)
τί δὲ τόδε; ὡς Κλεόφαντος ὁ Θεμιστοκλέους ἀνὴρ ἀγαθὸς καὶ σοφὸς ἐγένετο
ἅπερ ὁ πατὴρ αὐτοῦ, ἤδη του ἀκήκοας ἢ νεωτέρου ἢ πρεσβυτέρου;
(Ἄνυτος) οὐ δῆτα.
(Σωκράτης)
ἆρ' οὖν ταῦτα μὲν οἰόμεθα βούλεσθαι αὐτὸν τὸν αὑτοῦ ὑὸν παιδεῦσαι, ἣν δὲ
αὐτὸς σοφίαν ἦν σοφός, οὐδὲν τῶν γειτόνων βελτίω ποιῆσαι, εἴπερ ἦν γε
διδακτὸν ἡ ἀρετή;
(Ἄνυτος) ἴσως μὰ Δί' οὔ.
(Σωκράτης)
οὗτος μὲν δή σοι τοιοῦτος διδάσκαλος ἀρετῆς, ὃν καὶ σὺ ὁμολογεῖς ἐν τοῖς
ἄριστον τῶν προτέρων εἶναι:
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Traduction française :
[93] (93a) - (ANYTOS) : Ceux-là, je prétends, moi, que ce sont
leurs devanciers qui les ont instruits, lesquels étaient des gens
comme il faut; ou bien est-ce qu'à ton avis il n'y a pas eu dans cette Cité,
la nôtre, nombre d'hommes de valeur? -
(SOCRATE) : Eh bien! mon avis à moi, Anytos, c'est aussi qu'il existe
chez nous des hommes de valeur en matière politique, et encore, qu'il
n'en a pas existé moins qu'il n'en existe : ont-ils cependant réussi à être
des maîtres de valeur en ce qui concerne leur propre vertu? Car c'est là
le point sur lequel porte précisément notre débat: il ne s'agit pas de
savoir si, oui ou non, il y a chez nous des hommes de valeur, pas
davantage s'il y en a eu dans le passé, (b) mais de savoir,
ce que depuis longtemps nous examinons, si la vertu
est une chose qui s'enseigne. Or, en examinant cela,
voici quel est l'objet de notre examen : est-ce que ces
hommes de valeur, aussi bien parmi les contemporains
que parmi ceux qui nous ont précédés, est-ce que cette
vertu qui faisait d'eux des hommes de valeur, ils ont su
aussi la communiquer à autrui? Ou bien est-ce quelque
chose qui, d'individu à individu, n'est ni communicable
ni réceptible? C'est de cela que, il y a déjà longtemps,
nous étions en quête, Ménon et moi; mais, en partant de
ce que tu viens de dire toi-même, examine la chose de
la façon que voici : nierais-tu que Thémistocle a été un
homme de valeur? (c) (ANYTOS) : Non, bien sûr! et même
je serais là-dessus tout ce qu'il y a de plus affirmatif.
(SOCRATE): Par conséquent, s'il y eut jamais quelqu'un
pour enseigner sa personnelle vertu, celui-là a dû être,
à cet égard aussi, un maître de haute valeur? - (ANYTOS) :
Je le crois pour ma part, à condition du moins qu'il le
voulût. - (SOCRATE): Alors, tu le crois, il aurait pu ne pas
vouloir que d'autres devinssent des hommes comme il
faut, et, tout particulièrement, je suppose, son propre
fils? Peut-être crois-tu que, par jalousie à son égard,
(d) à dessein il ne lui a pas communiqué la vertu qui
faisait sa propre valeur? Ou bien, est-ce que tu n'as
pas entendu dire que Thémistocle a enseigné à son fils
Cleophantos un talent de bon cavalier : ainsi par exemple
celui-ci restait en place tout debout sur les chevaux; du
haut des chevaux, tout debout, il lançait le javelot,
accomplissant encore quantité d'autres exploits auxquels
l'avait dressé son père, dont il lui avait donné le talent;
bref tout ce qui tenait à la valeur même de l'enseignement
donné? Cela, ne l'as-tu pas entendu dire par les vieux?
- (ANYTOS) : Je l'ai entendu dire. - (SOCRATE): Personne ne
mettrait donc en cause, chez le fils de Thémistocle, la
mauvaise qualité même de son naturel? (e) - (ANYTOS) :
Sans doute personne ne le ferait! - (SOCRATE): Que dire
alors de ce que voici? Cléophantos, fils de Thémistocle,
s'est-il élevé à la valeur, aux talents que précisément eut
son père? cela, l'as-tu déjà entendu dire à qui que ce soit,
jeune ou vieux? - (ANYTOS) : Non certes! - (SOCRATE): Mais
est-il croyable qu'en cela il ait tenu à former lui-même
son propre fils, tandis que, pour ce talent, qui était son
talent personnel, il n'ait pas souhaité que ce fils valût
en rien plus que ses voisins? est-ce croyable, s'il est vrai
au moins que la vertu soit quelque chose qui s'enseigne?
- (ANYTOS) : Sans doute ne l'est-ce pas, par Zeus! -
(SOCRATE): Voilà donc quelle est à tes yeux la qualité de
ce maître de vertu, duquel tu conviens que, parmi
les anciens, il fut tout ce qu'il y a de plus parfait!
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