Texte grec :
[81] (81a) (Μένων)
οὐκοῦν καλῶς σοι δοκεῖ λέγεσθαι ὁ λόγος οὗτος, ὦ Σώκρατες;
(Σωκράτης) οὐκ ἔμοιγε.
(Μένων) ἔχεις λέγειν ὅπῃ;
(Σωκράτης)
ἔγωγε: ἀκήκοα γὰρ ἀνδρῶν τε καὶ γυναικῶν σοφῶν περὶ τὰ θεῖα πράγματα -
(Μένων) τίνα λόγον λεγόντων;
(Σωκράτης) ἀληθῆ, ἔμοιγε δοκεῖν, καὶ καλόν.
(Μένων) τίνα τοῦτον, καὶ τίνες οἱ λέγοντες;
(Σωκράτης)
οἱ μὲν λέγοντές εἰσι τῶν ἱερέων τε καὶ τῶν ἱερειῶν ὅσοις μεμέληκε περὶ ὧν
μεταχειρίζονται λόγον οἵοις τ' εἶναι (81b) διδόναι: λέγει δὲ καὶ Πίνδαρος καὶ
ἄλλοι πολλοὶ τῶν ποιητῶν ὅσοι θεῖοί εἰσιν. ἃ δὲ λέγουσιν, ταυτί ἐστιν: ἀλλὰ
σκόπει εἴ σοι δοκοῦσιν ἀληθῆ λέγειν. φασὶ γὰρ τὴν ψυχὴν τοῦ ἀνθρώπου εἶναι
ἀθάνατον, καὶ τοτὲ μὲν τελευτᾶν - ὃ δὴ ἀποθνῄσκειν καλοῦσι - τοτὲ δὲ πάλιν
γίγνεσθαι, ἀπόλλυσθαι δ' οὐδέποτε: δεῖν δὴ διὰ ταῦτα ὡς ὁσιώτατα διαβιῶναι
τὸν βίον: οἷσιν γὰρ ἂν
Φερσεφόνα ποινὰν παλαιοῦ πένθεος
δέξεται, εἰς τὸν ὕπερθεν ἅλιον κείνων ἐνάτῳ ἔτει
ἀνδιδοῖ ψυχὰς πάλιν,
(81c) ἐκ τᾶν βασιλῆες ἀγαυοὶ
καὶ σθένει κραιπνοὶ σοφίᾳ τε μέγιστοι
ἄνδρες αὔξοντ': ἐς δὲ τὸν λοιπὸν χρόνον ἥρωες ἁγνοὶ
πρὸς ἀνθρώπων καλεῦνται.
ἅτε οὖν ἡ ψυχὴ ἀθάνατός τε οὖσα καὶ πολλάκις γεγονυῖα, καὶ ἑωρακυῖα καὶ τὰ
ἐνθάδε καὶ τὰ ἐν Ἅιδου καὶ πάντα χρήματα, οὐκ ἔστιν ὅτι οὐ μεμάθηκεν: ὥστε
οὐδὲν θαυμαστὸν καὶ περὶ ἀρετῆς καὶ περὶ ἄλλων οἷόν τ' εἶναι αὐτὴν
ἀναμνησθῆναι, ἅ γε καὶ πρότερον ἠπίστατο. ἅτε γὰρ τῆς φύσεως (81d) ἁπάσης
συγγενοῦς οὔσης, καὶ μεμαθηκυίας τῆς ψυχῆς ἅπαντα, οὐδὲν κωλύει ἓν μόνον
ἀναμνησθέντα - ὃ δὴ μάθησιν καλοῦσιν ἄνθρωποι - τἆλλα πάντα αὐτὸν
ἀνευρεῖν, ἐάν τις ἀνδρεῖος ᾖ καὶ μὴ ἀποκάμνῃ ζητῶν: τὸ γὰρ ζητεῖν ἄρα καὶ τὸ
μανθάνειν ἀνάμνησις ὅλον ἐστίν. οὔκουν δεῖ πείθεσθαι τούτῳ τῷ ἐριστικῷ λόγῳ:
οὗτος μὲν γὰρ ἂν ἡμᾶς ἀργοὺς ποιήσειεν καὶ ἔστιν τοῖς μαλακοῖς τῶν ἀνθρώπων
ἡδὺς ἀκοῦσαι, ὅδε (81e) δὲ ἐργατικούς τε καὶ ζητητικοὺς ποιεῖ: ᾧ ἐγὼ πιστεύων
ἀληθεῖ εἶναι ἐθέλω μετὰ σοῦ ζητεῖν ἀρετὴ ὅτι ἐστίν.
(Μένων)
ναί, ὦ Σώκρατες: ἀλλὰ πῶς λέγεις τοῦτο, ὅτι οὐ μανθάνομεν, ἀλλὰ ἣν καλοῦμεν
μάθησιν ἀνάμνησίς ἐστιν; ἔχεις με τοῦτο διδάξαι ὡς οὕτως ἔχει;
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Traduction française :
[81] (81a) (MÉNON) : Mais, Socrate, n'est-ce pas, à ton avis, une
fort belle thèse, la thèse dont il s'agit? - (SOCRATE): Non, ma
foi! - (MÉNON): Tu es à même de me dire sur quel point?
(SOCRATE): Mais oui : c'est que j'ai entendu parler des
hommes, aussi bien que des femmes, qui étaient savants
dans les choses divines ! - (MÉNON) : Quel langage tenaient-ils?
- (SOCRATE): Un langage vrai, si je m'en crois, et beau
aussi. - (MÉNON): De ce langage quelle était la teneur, et
qui étaient ceux qui le tenaient? - (SOCRATE): Ceux qui le
tenaient sont tous les prêtres ou prêtresses qui ont eu
souci d'être en état de rendre raison des choses auxquelles
ils se consacrent. (b) Mais c'est aussi le langage
de Pindare, ainsi que de beaucoup d'autres poètes, de
tous ceux qui sont divins". Or, voici ce qu'ils disent.
A toi cependant d'examiner si, à ton sens, ce qu'ils
disent est vrai.
Ce qu'ils disent, sache-le, c'est que l'âme de l'homme est immortelle,
et que tantôt elle aboutit à un terme (c'est précisément ce qu'on appelle
mourir), et tantôt recommence à naître, mais que jamais
elle n'est anéantie. Voilà pourquoi il faut donc, dans
tout le cours de sa vie, vivre le plus saintement possible :
"Ceux de qui Perséphone aura relu le prix dont se paie une
antique souillure, les âmes de ceux-là, elle les fait à nouveau,
la neuvième année venue, monter vers le soleil d'en haut.
(c) Ces âmes-là sont celles qui donnent naissance à de brillants
monarques, à des hommes dont la force est impétueuse ou qui
sont très grands par le savoir : hommes qui, pour le reste du
temps, sont par l'humanité invoqués comme des héros sans
tache". Ainsi, en tant que l'âme est immortelle et qu'elle
a eu plusieurs naissances, en tant qu'elle a vu toutes
choses, aussi bien celles d'ici-bas que celles de chez
Hadès, il n'est pas possible qu'il y ait quelque réalité
quelle n'ait point apprise. Par conséquent, ce n'est pas
du tout merveille que, concernant la vertu comme le
reste, elle soit capable de se ressouvenir de ce dont
même elle avait certes, auparavant, la connaissance.
(d) De fait, en tant que la nature, tout entière, est
d'une même famille, en tant que tout sans exception a
eté appris par l'âme, rien n'empêche que, nous ressouvenant
d'une seule chose, ce que précisément nous
appelons apprendre, nous retrouvions aussi tout le reste,
à condition d'être vaillants et de ne pas nous décourager
dans la recherche : c'est que, en fin de compte, chercher
et apprendre sont, en leur entier, une remémoration. En
conséquence, il ne faut pas se laisser persuader par cet
argument captieux : il nous rendrait en effet paresseux et
ce sont les hommes mous qui le trouvent agréable à
entendre; (e) tandis que celui que je t'expose fait de
nous des travailleurs, des chercheurs. Si je consens à
chercher en commun avec toi ce qu'est la vertu, c'est
que j'ai confiance dans la vérité de cet argument.
- (MÉNON): C'est cela, Socrate! Mais qu'entends-tu par cette assertion,
que nous n'apprenons pas et que ce que nous appelons apprendre,
c'est se ressouvenir. Peux-tu m'enseigner comment cela se fait qu'il
en soit ainsi?
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