Texte grec :
[78] (Μένων) (78a) ἀνάγκη.
(Σωκράτης)
ἀλλὰ τοὺς βλαπτομένους οὗτοι οὐκ οἴονται ἀθλίους εἶναι καθ' ὅσον βλάπτονται;
(Μένων) καὶ τοῦτο ἀνάγκη.
(Σωκράτης) τοὺς δὲ ἀθλίους οὐ κακοδαίμονας;
(Μένων) οἶμαι ἔγωγε.
(Σωκράτης) ἔστιν οὖν ὅστις βούλεται ἄθλιος καὶ κακοδαίμων εἶναι;
(Μένων) οὔ μοι δοκεῖ, ὦ Σώκρατες.
(Σωκράτης)
οὐκ ἄρα βούλεται, ὦ Μένων, τὰ κακὰ οὐδείς, εἴπερ μὴ βούλεται τοιοῦτος εἶναι. τί
γὰρ ἄλλο ἐστὶν ἄθλιον εἶναι ἢ ἐπιθυμεῖν τε τῶν κακῶν καὶ κτᾶσθαι;
(Μένων)
κινδυνεύεις (78b) ἀληθῆ λέγειν, ὦ Σώκρατες: καὶ οὐδεὶς βούλεσθαι τὰ κακά.
(Σωκράτης)
οὐκοῦν νυνδὴ ἔλεγες ὅτι ἔστιν ἡ ἀρετὴ βούλεσθαί τε τἀγαθὰ καὶ δύνασθαι;
(Μένων) εἶπον γάρ.
(Σωκράτης)
οὐκοῦν τοῦ λεχθέντος τὸ μὲν βούλεσθαι πᾶσιν ὑπάρχει, καὶ ταύτῃ γε οὐδὲν ὁ
ἕτερος τοῦ ἑτέρου βελτίων;
(Μένων) φαίνεται.
(Σωκράτης)
ἀλλὰ δῆλον ὅτι εἴπερ ἐστὶ βελτίων ἄλλος ἄλλου, κατὰ τὸ δύνασθαι ἂν εἴη
ἀμείνων.
(Μένων) πάνυ γε.
(Σωκράτης)
τοῦτ' ἔστιν ἄρα, ὡς ἔοικε, κατὰ τὸν σὸν λόγον ἀρετή, (78c) δύναμις τοῦ
πορίζεσθαι τἀγαθά.
(Μένων)
παντάπασί μοι δοκεῖ, ὦ Σώκρατες, οὕτως ἔχειν ὡς σὺ νῦν ὑπολαμβάνεις.
(Σωκράτης)
ἴδωμεν δὴ καὶ τοῦτο εἰ ἀληθὲς λέγεις: ἴσως γὰρ ἂν εὖ λέγοις. τἀγαθὰ φῂς οἷόν τ'
εἶναι πορίζεσθαι ἀρετὴν εἶναι;
(Μένων) ἔγωγε.
(Σωκράτης) ἀγαθὰ δὲ καλεῖς οὐχὶ οἷον ὑγίειάν τε καὶ πλοῦτον;
(Μένων)
καὶ χρυσίον λέγω καὶ ἀργύριον κτᾶσθαι καὶ τιμὰς ἐν πόλει καὶ ἀρχάς.
(Σωκράτης) μὴ ἄλλ' ἄττα λέγεις τἀγαθὰ ἢ τὰ τοιαῦτα;
(Μένων) οὔκ, ἀλλὰ (78d) πάντα λέγω τὰ τοιαῦτα.
(Σωκράτης)
εἶεν: χρυσίον δὲ δὴ καὶ ἀργύριον πορίζεσθαι ἀρετή ἐστιν, ὥς φησι Μένων ὁ τοῦ
μεγάλου βασιλέως πατρικὸς ξένος. πότερον προστιθεῖς τούτῳ τῷ πόρῳ, ὦ
Μένων, τὸ δικαίως καὶ ὁσίως, ἢ οὐδέν σοι διαφέρει, ἀλλὰ κἂν ἀδίκως τις αὐτὰ
πορίζηται, ὁμοίως σὺ αὐτὰ ἀρετὴν καλεῖς;
(Μένων) οὐ δήπου, ὦ Σώκρατες.
(Σωκράτης) ἀλλὰ κακίαν.
(Μένων) πάντως δήπου.
(Σωκράτης)
δεῖ ἄρα, ὡς ἔοικε, τούτῳ τῷ πόρῳ δικαιοσύνην ἢ σωφροσύνην ἢ (78e) ὁσιότητα
προσεῖναι, ἢ ἄλλο τι μόριον ἀρετῆς: εἰ δὲ μή, οὐκ ἔσται ἀρετή, καίπερ
ἐκπορίζουσα τἀγαθά.
(Μένων) πῶς γὰρ ἄνευ τούτων ἀρετὴ γένοιτ' ἄν;
(Σωκράτης)
τὸ δὲ μὴ ἐκπορίζειν χρυσίον καὶ ἀργύριον, ὅταν μὴ δίκαιον ᾖ, μήτε αὑτῷ μήτε
ἄλλῳ, οὐκ ἀρετὴ καὶ αὕτη ἐστὶν ἡ ἀπορία;
(Μένων) φαίνεται.
(Σωκράτης)
οὐδὲν ἄρα μᾶλλον ὁ πόρος τῶν τοιούτων ἀγαθῶν ἢ ἡ ἀπορία ἀρετὴ ἂν εἴη, ἀλλά,
ὡς ἔοικεν, ὃ μὲν ἂν μετὰ δικαιοσύνης γίγνηται, ἀρετὴ ἔσται,
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Traduction française :
[78] (78a) - (SOCRATE): Mais ceux qui éprouvent du dommage,
les gens dont nous parlons ne les croient-ils pas dans la peine pour autant
qu'ils éprouvent du dommage? - (MÉNON) : Forcément,
cette fois encore. - (SOCRATE) : Et ne croient-ils pas malheureux
ceux qui sont dans la peine? - (MÉNON) : Quant
à moi, je le crois! - (SOCRATE): Mais y a-t-il quelqu'un pour
vouloir être dans la peine et malheureux? - (MÉNON):
Ce n'est pas mon avis, Socrate! - (SOCRATE) : Donc, Ménon,
nul ne peut vouloir les choses mauvaises, s'il est vrai
qu'il ne veuille pas être dans la peine et malheureux.
Etre dans la peine, qu'est-ce d'autre en effet, sinon désirer
les choses mauvaises et les avoir à soi? (b) - (MÉNON): Il
se peut bien, Socrate, que tu dises vrai et que nul ne
veuille les mauvaises choses! -
(SOCRATE): Or, ne disais-tu pas tout à l'heure de la vertu, qu'elle
consiste à vouloir les choses bonnes, comme à être capable de se les procurer?
(MÉNON): C'est en effet ce que j'ai dit. - (SOCRATE) : Mais, dans
ta formule, n'y a-t-il pas un des termes qui appartient à
tout le monde, c'est le vouloir, et, au moins sous ce
rapport, tel d'entre nous est-il en rien supérieur à tel
autre? - (MÉNON): Évidemment! - (SOCRATE): Il est clair,
au contraire, que, s'il est vrai que l'un soit supérieur à
l'autre, ce sera sous le rapport de la capacité qu'il aura
l'avantage. - (MÉNON) : Hé! absolument. - (SOCRATE) : Voila
donc, semble-t-il bien, la vertu d'après ta formule:
(e) une capacité de se procurer les choses bonnes.
(MÉNON) : A mon avis, Socrate, il en est tout à fait comme
tu l'admets à présent! - (SOCRATE) : Voyons donc si, sur
ce point encore, tu es dans le vrai, car il se pourrait que
ton assertion fût exacte. Être en état de se procurer les
choses bonnes, voilà, n'est-ce pas, la vertu d'après toi?
(MÉNON) : D'accord! - (SOCRATE): Ce que tu appelles de
bonnes choses, n'est-ce pas par exemple la santé aussi
bien que la richesse? - (MÉNON) : Et je dis aussi la possession
d'or et d'argent, d'honneurs et de charges dans
l'État. - (SOCRATE): N'y a-t-il pas d'autres choses que celles
qui sont de ce genre, dont tu dis qu'elles sont de bonnes
choses? - (MÉNON): Non, mais je le dis de toutes celles
qui sont de ce genre. (d) - (SOCRATE): Allons bon! voilà
que se procurer de l'or et de l'argent est la vertu, à ce
qu'affirme Ménon, lui qui, du côté paternel, est l'hôte
du Grand Roi. Ajoutes-tu, Ménon, à cet acte de se
les procurer la condition que ce soit selon la justice et
la piété? ou bien est-il, à tes yeux, complètement indifférent
qu'on se les procure au contraire d'une manière
injuste, et appelles-tu cela semblablement vertu? -
(MÉNON) : Non, sans doute, Socrate! - (SOCRATE): Cela, au
contraire, tu l'appelles vice? - (MÉNON) : Sans nul doute!
- (SOCRATE): Il est donc obligatoire, semble-t-il bien, qu'à
cet acte de se les procurer s'adjoignent ou la justice, ou
la sagesse, ou la piété, ou quelque autre espèce de vertu.
(e) Sinon, ce ne sera plus de la vertu, quoique procurant
de bonnes choses. - (MÉNON): Comment en effet, faute de
ces qualités, pourrait-il y avoir vertu? - (SOCRATE) : Mais,
ne pas consentir, dans le cas où cela n'est pas juste, à
se procurer or et argent, ni pour soi-même ni pour
autrui, c'est, par rapport à l'acte de se les procurer, un
manque, qui n'est point vertu? - (MÉNON) : Évidemment.
(SOCRATE) : En sorte que l'acte de se procurer de semblables
biens ne serait pas plus de la vertu que le fait de ne
pas se les procurer. Bien plutôt, semble-t-il, c'est quand
cela se fera avec accompagnement de justice, qu'il y aura vertu,
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