[99] (99a) (Σωκράτης)
ὀρθῶς δέ γε ἡγεῖσθαι δύο ὄντα ταῦτα μόνα, δόξαν τε ἀληθῆ καὶ ἐπιστήμην, ἃ
ἔχων ἄνθρωπος ὀρθῶς ἡγεῖται - τὰ γὰρ ἀπὸ τύχης τινὸς ὀρθῶς γιγνόμενα οὐκ
ἀνθρωπίνῃ ἡγεμονίᾳ γίγνεται - ὧν δὲ ἄνθρωπος ἡγεμών ἐστιν ἐπὶ τὸ ὀρθόν, δύο
ταῦτα, δόξα ἀληθὴς καὶ ἐπιστήμη.
(Μένων) δοκεῖ μοι οὕτω.
(Σωκράτης) οὐκοῦν ἐπειδὴ οὐ διδακτόν ἐστιν, οὐδ' ἐπιστήμη δὴ ἔτι γίγνεται ἡ ἀρετή;
(Μένων) οὐ φαίνεται.
(99b) (Σωκράτης)
δυοῖν ἄρα ὄντοιν ἀγαθοῖν καὶ ὠφελίμοιν τὸ μὲν ἕτερον ἀπολέλυται, καὶ οὐκ ἂν
εἴη ἐν πολιτικῇ πράξει ἐπιστήμη ἡγεμών.
(Μένων) οὔ μοι δοκεῖ.
(Σωκράτης)
οὐκ ἄρα σοφίᾳ τινὶ οὐδὲ σοφοὶ ὄντες οἱ τοιοῦτοι ἄνδρες ἡγοῦντο ταῖς πόλεσιν, οἱ
ἀμφὶ Θεμιστοκλέα τε καὶ οὓς ἄρτι (Ἄνυτος)ὅδε ἔλεγεν: διὸ δὴ καὶ οὐχ οἷοί τε
ἄλλους ποιεῖν τοιούτους οἷοι αὐτοί εἰσι, ἅτε οὐ δι' ἐπιστήμην ὄντες τοιοῦτοι.
(Μένων) ἔοικεν οὕτως ἔχειν, ὦ Σώκρατες, ὡς λέγεις.
(Σωκράτης)
οὐκοῦν εἰ μὴ ἐπιστήμῃ, εὐδοξίᾳ δὴ τὸ λοιπὸν (99c) γίγνεται: ᾗ οἱ πολιτικοὶ ἄνδρες
χρώμενοι τὰς πόλεις ὀρθοῦσιν, οὐδὲν διαφερόντως ἔχοντες πρὸς τὸ φρονεῖν ἢ οἱ
χρησμῳδοί τε καὶ οἱ θεομάντεις: καὶ γὰρ οὗτοι ἐνθουσιῶντες λέγουσιν μὲν
ἀληθῆ καὶ πολλά, ἴσασι δὲ οὐδὲν ὧν λέγουσιν.
(Μένων) κινδυνεύει οὕτως ἔχειν.
(Σωκράτης)
οὐκοῦν, ὦ Μένων, ἄξιον τούτους θείους καλεῖν τοὺς ἄνδρας, οἵτινες νοῦν μὴ
ἔχοντες πολλὰ καὶ μεγάλα κατορθοῦσιν ὧν πράττουσι καὶ λέγουσι;
(Μένων) πάνυ γε.
(Σωκράτης)
ὀρθῶς ἄρ' ἂν καλοῖμεν θείους τε οὓς νυνδὴ ἐλέγομεν (99d) χρησμῳδοὺς καὶ
μάντεις καὶ τοὺς ποιητικοὺς ἅπαντας: καὶ τοὺς πολιτικοὺς οὐχ ἥκιστα τούτων
φαῖμεν ἂν θείους τε εἶναι καὶ ἐνθουσιάζειν, ἐπίπνους ὄντας καὶ κατεχομένους ἐκ
τοῦ θεοῦ, ὅταν κατορθῶσι λέγοντες πολλὰ καὶ μεγάλα πράγματα, μηδὲν εἰδότες
ὧν λέγουσιν.
(Μένων) πάνυ γε.
(Σωκράτης)
καὶ αἵ γε γυναῖκες δήπου, ὦ Μένων, τοὺς ἀγαθοὺς ἄνδρας θείους καλοῦσι: καὶ οἱ
Λάκωνες ὅταν τινὰ ἐγκωμιάζωσιν ἀγαθὸν ἄνδρα, “θεῖος ἀνήρ,” φασίν, “οὗτος.”
(99e) (Μένων)
καὶ φαίνονταί γε, ὦ Σώκρατες, ὀρθῶς λέγειν. καίτοι ἴσως (Ἄνυτος)ὅδε σοι ἄχθεται
λέγοντι.
(Σωκράτης)
οὐδὲν μέλει ἔμοιγε. τούτῳ μέν, ὦ Μένων, καὶ αὖθις διαλεξόμεθα: εἰ δὲ νῦν ἡμεῖς
ἐν παντὶ τῷ λόγῳ τούτῳ καλῶς ἐζητήσαμέν τε καὶ ἐλέγομεν, ἀρετὴ ἂν εἴη οὔτε
φύσει οὔτε διδακτόν,
| [99] (99a) — (SOCRATE): Or, ce dont nous tombons d'accord,
c'est, en vérité, qu'il n'y a que ces deux choses à nous
guider de façon droite : l'opinion vraie et le savoir; que,
quand on les a, on guide de façon droite. Car ce qui est
un effet de la fortune n'est pas un effet guidé par une
pensée humaine, au lieu que ce par quoi un homme est
bon guide pour aller à ce qui est la rectitude, ce sont seulement
ces deux choses-là : opinion droite et savoir. —
(MÉNON): J'en juge de même. — (SOCRATE): Mais, puisque ce
n'est pas une chose qui s'enseigne, dès lors la vertu cesse
aussi d'être un savoir? — (MÉNON) : Il est évident qu'elle
n'en est plus un. (b) —
(SOCRATE) : En conséquence, sur deux biens, deux choses utiles
qui s'offraient à nous en voilà une qui est abolie, et le savoir
ne pourra pas servir de guide dans le domaine de l'activité politique.
(MÉNON): Il ne le pourra pas, c'est bien mon avis. — (SOCRATE) :
Ce n'est donc pas en vertu d'une certaine compétence,
non plus qu'en qualité de compétents, que guidaient les
cités les hommes du genre de Thémistocle et autres
personnages qu'alléguait tout à l'heures Anytos ici
présent! Voilà aussi pourquoi ils ont été hors d'état de
faire que d'autres devinssent pareils à ce qu'ils étaient
eux-mêmes, vu que ce n'était pas grâce à un savoir qu'ils
étaient ce qu'ils étaient. — (MÉNON) : Il est vraisemblable,
Socrate, qu'il en est comme tu dis. — (SOCRATE): Donc, si
ce n'est pas grâce à du savoir, il reste dès lors que ce soit
grâce à du bonheur dans l'opinion. (c) C'est ce bonheur
qui permet aux hommes politiques de maintenir droit
les états, sans que, par rapport à l'intelligence, il y ait
aucune différence de leur manière d'être avec celle des
diseurs d'oracles et des prophètes : ceux-ci en effet disent,
souvent même, la vérité, mais sur ce qu'ils disent, ils ne
savent rien de vrai savoir. — (MÉNON) : Il y a bien des
chances qu'il en soit ainsi! — (SOCRATE): Mais n'est-il pas
juste, Ménon, d'appeler divins ces hommes-là, eux qui,
sans qu'il y ait en eux de la pensée, réussissent quantité
de choses importantes parmi celles qu'ils font ou qu'ils
disent? — (MÉNON): Hé! absolument. — (SOCRATE): C'est donc
à bon droit que nous appellerions divins, aussi bien ces
diseurs d'oracles et devins dont nous parlions à l'instant,
que tous les créateurs sans exception, (d) et que,
des hommes politiques, nous ne dirions pas moins justement
qu'ils sont divins et que la Divinité est en eux, en
tant qu'ils sont inspirés par le souffle du Dieu dont ils
sont possédés, dans le moment où, par la parole, ils
réussissent quantité de choses importantes, sans posséder
de savoir sur ce dont ils parlent. — (MÉNON) : Hé! absolument.
— (SOCRATE): Et sans doute, Ménon, les femmes
ont-elles bien raison d'appeler divins les hommes de
valeur; ainsi, quand les Lacédémoniennes veulent glorifier
quelque homme de valeur : "Voilà, disent-elles, un
homme divin!" (e) — (MÉNON): En quoi évidemment elles
n'ont pas tort, Socrate! Peut-être cependant Anytos que
voici est-il fâché de t'entendre parler ainsi! — (SOCRATE):
Cela m'est tout à fait égal : avec lui, Ménon, nous causerons
une autre fois! Quant à nous, si, dans tout le cours
de cet entretien, nous avons bien conduit notre recherche,
si notre langage était juste, alors la vertu ne pourra être
ni une chose qu'on possède par nature, ni une chose
qui s'enseigne,
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