[92] ἀλλὰ καὶ (92a) ἄλλοι πάμπολλοι, οἱ μὲν πρότερον γεγονότες ἐκείνου, οἱ δὲ καὶ
νῦν ἔτι ὄντες. πότερον δὴ οὖν φῶμεν κατὰ τὸν σὸν λόγον εἰδότας αὐτοὺς
ἐξαπατᾶν καὶ λωβᾶσθαι τοὺς νέους, ἢ λεληθέναι καὶ ἑαυτούς; καὶ οὕτω
μαίνεσθαι ἀξιώσομεν τούτους, οὓς ἔνιοί φασι σοφωτάτους ἀνθρώπων εἶναι;
(Ἄνυτος)
πολλοῦ γε δέουσι μαίνεσθαι, ὦ Σώκρατες, ἀλλὰ πολὺ μᾶλλον οἱ τούτοις διδόντες
ἀργύριον τῶν νέων, τούτων (92b) δ' ἔτι μᾶλλον οἱ τούτοις ἐπιτρέποντες, οἱ
προσήκοντες, πολὺ δὲ μάλιστα πάντων αἱ πόλεις, ἐῶσαι αὐτοὺς εἰσαφικνεῖσθαι
καὶ οὐκ ἐξελαύνουσαι, εἴτε τις ξένος ἐπιχειρεῖ τοιοῦτόν τι ποιεῖν εἴτε ἀστός.
(Σωκράτης)
πότερον δέ, ὦ Ἄνυτε, ἠδίκηκέ τίς σε τῶν σοφιστῶν, ἢ τί οὕτως αὐτοῖς χαλεπὸς εἶ;
(Ἄνυτος)
οὐδὲ μὰ Δία ἔγωγε συγγέγονα πώποτε αὐτῶν οὐδενί, οὐδ' ἂν ἄλλον ἐάσαιμι τῶν
ἐμῶν οὐδένα.
(Σωκράτης) ἄπειρος ἄρ' εἶ παντάπασι τῶν ἀνδρῶν;
(Ἄνυτος) καὶ εἴην γε.
(92c) (Σωκράτης)
πῶς οὖν ἄν, ὦ δαιμόνιε, εἰδείης περὶ τούτου τοῦ πράγματος, εἴτε τι ἀγαθὸν ἔχει
ἐν αὑτῷ εἴτε φλαῦρον, οὗ παντάπασιν ἄπειρος εἴης;
(Ἄνυτος) ῥᾳδίως: τούτους γοῦν οἶδα οἵ εἰσιν, εἴτ' οὖν ἄπειρος αὐτῶν εἰμι εἴτε μή.
(Σωκράτης)
μάντις εἶ ἴσως, ὦ Ἄνυτε: ἐπεὶ ὅπως γε ἄλλως οἶσθα τούτων πέρι, ἐξ ὧν αὐτὸς
λέγεις θαυμάζοιμ' ἄν. ἀλλὰ γὰρ οὐ τούτους ἐπιζητοῦμεν τίνες εἰσίν, παρ' οὓς ἂν
(92d) (Μένων)ἀφικόμενος μοχθηρὸς γένοιτο - οὗτοι μὲν γάρ, εἰ σὺ βούλει, ἔστων οἱ
σοφισταί - ἀλλὰ δὴ ἐκείνους εἰπὲ ἡμῖν, καὶ τὸν πατρικὸν τόνδε ἑταῖρον
εὐεργέτησον φράσας αὐτῷ παρὰ τίνας ἀφικόμενος ἐν τοσαύτῃ πόλει τὴν ἀρετὴν
ἣν νυνδὴ ἐγὼ διῆλθον γένοιτ' ἂν ἄξιος λόγου.
(Ἄνυτος) τί δὲ αὐτῷ οὐ σὺ ἔφρασας;
(Σωκράτης)
ἀλλ' οὓς μὲν ἐγὼ ᾤμην διδασκάλους τούτων εἶναι, εἶπον, ἀλλὰ τυγχάνω οὐδὲν
λέγων, ὡς σὺ φῄς: καὶ ἴσως τὶ (92e) λέγεις. ἀλλὰ σὺ δὴ ἐν τῷ μέρει αὐτῷ εἰπὲ
παρὰ τίνας ἔλθῃ Ἀθηναίων: εἰπὲ ὄνομα ὅτου βούλει.
(Ἄνυτος)
τί δὲ ἑνὸς ἀνθρώπου ὄνομα δεῖ ἀκοῦσαι; ὅτῳ γὰρ ἂν ἐντύχῃ Ἀθηναίων τῶν
καλῶν κἀγαθῶν, οὐδεὶς ἔστιν ὃς οὐ βελτίω αὐτὸν ποιήσει ἢ οἱ σοφισταί, ἐάνπερ
ἐθέλῃ πείθεσθαι.
(Σωκράτης)
πότερον δὲ οὗτοι οἱ καλοὶ κἀγαθοὶ ἀπὸ τοῦ αὐτομάτου ἐγένοντο τοιοῦτοι, παρ'
οὐδενὸς μαθόντες ὅμως μέντοι ἄλλους διδάσκειν οἷοί τε ὄντες ταῦτα ἃ αὐτοὶ οὐκ
(93a) ἔμαθον;
| [92] (a) mais aussi celui d'une foule d'autres, dont les uns ont
vécu avant lui, tandis que certains existent même encore aujourd'hui.
Cela étant, nous faut-il dire, conformément à ta thèse, que c'est en
connaissance de cause qu'ils abusent la jeunesse et qu'ils la souillent?
ou bien est-ce à leur propre insu? Et, dans ces conditions,
estimerons-nous que ces gens-là sont fous,
eux qui sont, à entendre quelques-uns, les plus savants
des hommes? — (ANYTOS) : Il s'en faut même de beaucoup
qu'ils soient fous, Socrate! Ceux qui sont fous, ce sont
bien plutôt les jeunes gens qui donnent de l'argent à ces
hommes-là, et bien davantage encore, ceux qui les leur
confient, les parents ! (b) Cependant la folie sans égale est
celle des Cités, qui leur permettent de se rendre chez elles,
au lieu d'expulser quiconque, étranger ou, aussi bien,
citoyene7 entreprend de faire une pareille besogne! —
(SOCRATE): Mais, Anytos, y a-t-il donc un des Sophistes qui
t'ait fait tort? Autrement, quel motif as-tu d'être hargneux
de la sorte à leur égard? — (ANYTOS) : Je n'ai même
par Zeus! jamais été en relations, pour ma part, avec
aucun d'eux, et pas davantage ne le permettrais-je à
aucun des miens! — (SOCRATE): Alors, de ces hommes, tu
n'as donc aucune expérience? — (ANYTOS) : Plaise au Ciel que
je n'en aie jamais! (c) — (SOCRATE): Eh bien donc, mon
divin Anytos ! concernant une activité dont tu n'aurais
absolument aucune expérience, pourrais-tu savoir si en
elle il y a quelque chose de bon, ou bien des balivernes?
— (ANYTOS) : Point de difficulté en tout cas pour ces gens-là!
Je sais fort bien quelles gens ils sont, soit que, en fait,
je n'en aie point ou que j'en aie l'expérience! — (SOCRATE) :
Sans doute es-tu devin, Anytos; car, en me fondant sur
ce que tu dis toi-même, je serais bien surpris qu'à leur
sujet tu pusses le savoir autrement! Mais n'insistons
pas, car les gens dont nous sommes en quête ne sont
pas (d) ceux qui rendraient Ménon mauvais s'il allait
les trouver (admettons, si tu y tiens, que ce soient effectivement
les Sophistes!), mais nomme-nous-les, ceux
dont nous sommes en quête; montre-toi bienfaisant
envers l'ami que voici, à toi légué par ton père, en lui
faisant connaître auprès de quels hommes, dans une ville
aussi grande que celle-ci, il devrait se rendre pour devenir,
sous le rapport de la vertu que je détaillais tout à
l'heure, un homme digne d'être considéré! — (ANYTOS) :
Pourquoi cependant ne les lui as-tu pas fait connaître
toi-même? — (SOCRATE) : Mais je les lui ai nommés, ceux
que je me figurais être des maîtres enseignant ces choses-là;
or, il se trouve qu'en cela, à ce que tu prétends, je
parle pour ne rien dire, et, en le prétendant, peut-être
est-ce toi qui dis quelque chose qui compte! (e) C'est
donc à toi, plutôt, de lui nommer à ton tour quels sont
ceux des Athéniens qu'il doit aller trouver : nomme
celui que tu voudras. — (ANYTOS): Mais pourquoi as-tu
besoin d'entendre un nom individuel? Quel que soit
en effet celui des Athéniens qu'il rencontrera, parmi ceux
qui sont des hommes comme il faut, il n'y en a pas
un seul qui ne doive le rendre meilleur que ne feraient
les Sophistes, à la condition, bien entendu, qu'il consente
à lui obéir. — (SOCRATE): Or, ces gens comme il faut, est-ce
spontanément qu'ils sont devenus ce qu'ils sont? sans
avoir rien appris de personne, réellement capables néanmoins
d'enseigner à d'autres les choses qu'eux-mêmes
ils n'ont point apprises?
|