[86] (Σωκράτης)
εἰ δὲ μὴ ἐν τῷ νῦν βίῳ λαβών, οὐκ ἤδη τοῦτο (86a) δῆλον, ὅτι ἐν ἄλλῳ τινὶ χρόνῳ
εἶχε καὶ ἐμεμαθήκει;
(Μένων) φαίνεται.
(Σωκράτης) οὐκοῦν οὗτός γέ ἐστιν ὁ χρόνος ὅτ' οὐκ ἦν ἄνθρωπος;
(Μένων) ναί.
(Σωκράτης)
εἰ οὖν ὅν τ' ἂν ᾖ χρόνον καὶ ὃν ἂν μὴ ᾖ ἄνθρωπος, ἐνέσονται αὐτῷ ἀληθεῖς δόξαι,
αἳ ἐρωτήσει ἐπεγερθεῖσαι ἐπιστῆμαι γίγνονται, ἆρ' οὖν τὸν ἀεὶ χρόνον
μεμαθηκυῖα ἔσται ἡ ψυχὴ αὐτοῦ; δῆλον γὰρ ὅτι τὸν πάντα χρόνον ἔστιν ἢ οὐκ
ἔστιν ἄνθρωπος.
(Μένων) φαίνεται.
(86b) (Σωκράτης)
οὐκοῦν εἰ ἀεὶ ἡ ἀλήθεια ἡμῖν τῶν ὄντων ἐστὶν ἐν τῇ ψυχῇ, ἀθάνατος ἂν ἡ ψυχὴ
εἴη, ὥστε θαρροῦντα χρὴ ὃ μὴ τυγχάνεις ἐπιστάμενος νῦν - τοῦτο δ' ἐστὶν ὃ μὴ
μεμνημένος - ἐπιχειρεῖν ζητεῖν καὶ ἀναμιμνῄσκεσθαι;
(Μένων) εὖ μοι δοκεῖς λέγειν, ὦ Σώκρατες, οὐκ οἶδ' ὅπως.
(Σωκράτης)
καὶ γὰρ ἐγὼ ἐμοί, ὦ Μένων. καὶ τὰ μέν γε ἄλλα οὐκ ἂν πάνυ ὑπὲρ τοῦ λόγου
διισχυρισαίμην: ὅτι δ' οἰόμενοι δεῖν ζητεῖν ἃ μή τις οἶδεν βελτίους ἂν εἶμεν καὶ
ἀνδρικώτεροι καὶ ἧττον ἀργοὶ ἢ εἰ οἰοίμεθα ἃ μὴ ἐπιστάμεθα μηδὲ (86c) δυνατὸν
εἶναι εὑρεῖν μηδὲ δεῖν ζητεῖν, περὶ τούτου πάνυ ἂν διαμαχοίμην, εἰ οἷός τε εἴην,
καὶ λόγῳ καὶ ἔργῳ.
(Μένων) καὶ τοῦτο μέν γε δοκεῖς μοι εὖ λέγειν, ὦ Σώκρατες.
(Σωκράτης)
βούλει οὖν, ἐπειδὴ ὁμονοοῦμεν ὅτι ζητητέον περὶ οὗ μή τις οἶδεν, ἐπιχειρήσωμεν
κοινῇ ζητεῖν τί ποτ' ἐστὶν ἀρετή;
(Μένων)
πάνυ μὲν οὖν. οὐ μέντοι, ὦ Σώκρατες, ἀλλ' ἔγωγε ἐκεῖνο ἂν ἥδιστα, ὅπερ ἠρόμην
τὸ πρῶτον, καὶ σκεψαίμην καὶ ἀκούσαιμι, πότερον ὡς διδακτῷ ὄντι αὐτῷ δεῖ
ἐπιχειρεῖν, (86d) ἢ ὡς φύσει ἢ ὡς τίνι ποτὲ τρόπῳ παραγιγνομένης τοῖς
ἀνθρώποις τῆς ἀρετῆς.
(Σωκράτης)
ἀλλ' εἰ μὲν ἐγὼ ἦρχον, ὦ Μένων, μὴ μόνον ἐμαυτοῦ ἀλλὰ καὶ σοῦ, οὐκ ἂν
ἐσκεψάμεθα πρότερον εἴτε διδακτὸν εἴτε οὐ διδακτὸν ἡ ἀρετή, πρὶν ὅτι ἐστὶν
πρῶτον ἐζητήσαμεν αὐτό: ἐπειδὴ δὲ σὺ σαυτοῦ μὲν οὐδ' ἐπιχειρεῖς ἄρχειν, ἵνα δὴ
ἐλεύθερος ᾖς, ἐμοῦ δὲ ἐπιχειρεῖς τε ἄρχειν καὶ ἄρχεις, συγχωρήσομαί σοι - τί γὰρ
χρὴ ποιεῖν; - ἔοικεν οὖν σκεπτέον (86e) εἶναι ποῖόν τί ἐστιν ὃ μήπω ἴσμεν ὅτι
ἐστίν. εἰ μή τι οὖν ἀλλὰ σμικρόν γέ μοι τῆς ἀρχῆς χάλασον, καὶ συγχώρησον ἐξ
ὑποθέσεως αὐτὸ σκοπεῖσθαι, εἴτε διδακτόν ἐστιν εἴτε ὁπωσοῦν. λέγω δὲ τὸ ἐξ
ὑποθέσεως ὧδε, ὥσπερ οἱ γεωμέτραι πολλάκις σκοποῦνται, ἐπειδάν τις ἔρηται
αὐτούς, οἷον περὶ χωρίου, εἰ οἷόν τε ἐς τόνδε τὸν κύκλον τόδε τὸ χωρίον
| [86] (SOCRATE): Mais, si ce n'est pas pour les
avoir acquises dans sa vie présente, (86a) ceci n'est-il pas
clair dès lors, qu'il les a possédées dans un autre temps
et qu'il les avait apprises? — (MÉNON): Évidemment. —
(SOCRATE): Or, en vérité, ce temps n'est-il pas celui où il
n'était pas un être humain? — (MÉNON) : Oui. — (SOCRATE):
Donc, s'il doit y avoir en lui des pensées vraies, aussi
bien dans le temps où il sera un être humain que dans
celui où il ne l'aura pas été, pensées qui, une fois réveillées
par l'interrogation, deviennent des connaissances,
son âme ne doit-elle donc pas avoir appris dans le temps
de toujours? Car, la chose est claire, c'est dans la totalité
du temps qu'on est ou qu'on n'est pas un être humain. —
(MÉNON) : Evidemment. (b) (SOCRATE): Donc, si toujours
la vérité de l'être existe dans notre âme, cette âme ne
doit-elle pas être immortelle? Et, par conséquent, à
l'égard de ce que tu te trouves présentement ne pas
savoir, et c'est quelque chose dont tu ne te souviens pas,
ne te faut-il pas avec confiance entreprendre de le chercher
et de te ressouvenir? (MÉNON): Je ne sais comment
cela se fait, Socrate : tu me donnes l'impression que tu
as raison! — (SOCRATE) : C'est la mienne aussi, Ménon. Sans
doute y a-t-il des choses dans cette thèse, pour la défense
desquelles je ne m'acharnerais pas trop. Mais que cette
conviction, qu'on doit chercher ce qu'on ne sait pas,
puisse ne pas nous rendre meilleurs, plus virils et moins
paresseux en comparaison de ce qui aurait lieu si, à
l'égard de ce que nous ne savons pas, nous étions
convaincus (c) qu'il n'est pas plus possible de le trouver
que ce n'est un devoir de le chercher, voilà une affirmation
que, si j'en avais la possibilité, je défendrais avec
la dernière énergie, en paroles comme en actions! —
(MÉNON) : Sur ce point encore, Socrate, oui, tu me donnes
l'impression que tu as raison! —
(SOCRATE): Puis donc que nous voilà en communauté de pensée sur
l'obligation de se mettre en quête de ce qu'on ne sait pas, veux-tu
qu'ensemble nous nous mettions en quête de ce que peut bien être
la vertu? — (MÉNON) : Hé oui! absolument. Ce n'est pas cela
pourtant, Socrate, qui me ferait le plus de
plaisir, mais bien (c'était justement ma question du
début, (d) d'examiner et d'apprendre de ta bouche si
c'est comme à une chose qui s'enseigne que doit s'attaquer
notre entreprise, ou bien comme à une chose qui,
la vertu, serait, chez les hommes soit un don naturel,
soit un bien qui s'acquiert de quelque autre manière. —
(SOCRATE): Eh bien, Ménon, si j'avais de l'autorité, non pas
sur moi-même seulement, mais aussi sur toi, nous ne
commencerions pas d'examiner si la vertu est une chose
qui s'enseigne ou si elle est une chose qui ne s'enseigne
pas, avant d'avoir tout d'abord cherché ce qu'elle est
en elle-même! Mais puisque, sans doute, afin d'être libre,
tu ne travailles même pas à prendre sur toi-même de
l'autorité, tandis que tu travailles à en prendre sur moi
et que tu en prends en effet, je te céderai : qu'y a-t-il
d'autre à faire en effet? Ainsi nous avons, semble-t-il
bien, à caractériser une chose dont nous ne savons pas
encore ce que c'est! Faute de mieux, fais-moi du moins
la grâce cependant de détendre la rigueur de ton autorité
et de me concéder le droit d'envisager, en partant d'une
hypothèse, la question de savoir si c'est une chose qui
s'enseigne, ou qui s'acquière de toute autre façon. Or,
voici ce que j'entends par « en partant d'une hypothèse » :
c'est un procédé analogue à celui qu'emploient maintes
fois les géomètres pour envisager une question comme
celle-ci, quand, à propos d'un espace, on leur demande
par exemple si, dans le cercle que voici, il est possible
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