Texte grec :
[1,3] III.
(Ἀθηναῖος)
καλῶς γε, ὦ ξένε, φαίνῃ μοι γεγυμνάσθαι πρὸς τὸ διειδέναι τὰ Κρητῶν νόμιμα.
τόδε δέ μοι φράζε ἔτι σαφέστερον· ὃν γὰρ ὅρον ἔθου τῆς εὖ πολιτευομένης
πόλεως, (626c) δοκεῖς μοι λέγειν οὕτω κεκοσμημένην οἰκεῖν δεῖν, ὥστε πολέμῳ
νικᾶν τὰς ἄλλας πόλεις. ἦ γάρ;
(Κλεινίας)
πάνυ μὲν οὖν· οἶμαι δὲ καὶ τῷδε οὕτω συνδοκεῖν.
(Μέγιλλος)
πῶς γὰρ ἂν ἄλλως ἀποκρίναιτο, ὦ θεῖε, Λακεδαιμονίων γε ὁστισοῦν;
(Ἀθηναῖος)
πότερ' οὖν δὴ πόλεσι μὲν πρὸς πόλεις ὀρθὸν τοῦτ' ἐστί, κώμῃ δὲ πρὸς κώμην
ἕτερον;
(Κλεινίας) οὐδαμῶς.
(Ἀθηναῖος) ἀλλὰ ταὐτόν;
(Κλεινίας) ναί.
(Ἀθηναῖος)
τί δέ; πρὸς οἰκίαν οἰκίᾳ τῶν ἐν τῇ κώμῃ, καὶ πρὸς ἄνδρα ἀνδρὶ ἑνὶ πρὸς ἕνα,
ταὐτὸν ἔτι;
(Κλεινίας) ταὐτόν.
(626d) (Ἀθηναῖος)
αὐτῷ δὲ πρὸς αὑτὸν πότερον ὡς πολεμίῳ πρὸς πολέμιον διανοητέον; ἢ πῶς ἔτι
λέγομεν;
(Κλεινίας)
ὦ ξένε Ἀθηναῖε--οὐ γάρ σε Ἀττικὸν ἐθέλοιμ' ἂν προσαγορεύειν· δοκεῖς γάρ μοι
τῆς θεοῦ ἐπωνυμίας ἄξιος εἶναι μᾶλλον ἐπονομάζεσθαι· τὸν γὰρ λόγον ἐπ'
ἀρχὴν ὀρθῶς ἀναγαγὼν σαφέστερον ἐποίησας, ὥστε ῥᾷον ἀνευρήσεις ὅτι νυνδὴ
ὑφ' ἡμῶν ὀρθῶς ἐρρήθη τὸ πολεμίους εἶναι πάντας πᾶσιν δημοσίᾳ τε, καὶ ἰδίᾳ
ἑκάστους αὐτοὺς σφίσιν αὐτοῖς.
(626e) (Ἀθηναῖος) πῶς εἴρηκας, ὦ θαυμάσιε;
(Κλεινίας)
κἀνταῦθα, ὦ ξένε, τὸ νικᾶν αὐτὸν αὑτὸν πασῶν νικῶν πρώτη τε καὶ ἀρίστη, τὸ δὲ
ἡττᾶσθαι αὐτὸν ὑφ' ἑαυτοῦ πάντων αἴσχιστόν τε ἅμα καὶ κάκιστον. ταῦτα γὰρ
ὡς πολέμου ἐν ἑκάστοις ἡμῶν ὄντος πρὸς ἡμᾶς αὐτοὺς σημαίνει.
(Ἀθηναῖος)
πάλιν τοίνυν τὸν λόγον ἀναστρέψωμεν. ἐπειδὴ γὰρ εἷς ἕκαστος ἡμῶν ὁ μὲν
κρείττων αὑτοῦ, ὁ δὲ ἥττων (627a) ἐστί, πότερα φῶμεν οἰκίαν τε καὶ κώμην καὶ
πόλιν ἔχειν ταὐτὸν τοῦτο ἐν αὑταῖς ἢ μὴ φῶμεν;
(Κλεινίας)
τὸ κρείττω τε ἑαυτῆς εἶναι λέγεις τινά, τὴν δ' ἥττω;
(Ἀθηναῖος) ναί.
(Κλεινίας)
καὶ τοῦτο ὀρθῶς ἤρου· πάνυ γὰρ ἔστι καὶ σφόδρα τὸ τοιοῦτον, οὐχ ἥκιστα ἐν ταῖς
πόλεσιν. ἐν ὁπόσαις μὲν γὰρ οἱ ἀμείνονες νικῶσιν τὸ πλῆθος καὶ τοὺς χείρους,
ὀρθῶς ἂν αὕτη κρείττων τε ἑαυτῆς λέγοιθ' ἡ πόλις, ἐπαινοῖτό τε ἂν δικαιότατα τῇ
τοιαύτῃ νίκῃ· τοὐναντίον δέ, ὅπου τἀναντία.
(627b) (Ἀθηναῖος)
τὸ μὲν τοίνυν εἴ ποτέ ἐστίν που τὸ χεῖρον κρεῖττον τοῦ ἀμείνονος ἐάσωμεν --
μακροτέρου γὰρ λόγου -- τὸ δὲ ὑπὸ σοῦ λεγόμενον μανθάνω νῦν, ὥς ποτε πολῖται,
συγγενεῖς καὶ τῆς αὐτῆς πόλεως γεγονότες, ἄδικοι καὶ πολλοὶ συνελθόντες,
δικαίους ἐλάττους ὄντας βιάσονται δουλούμενοι, καὶ ὅταν μὲν κρατήσωσιν,
ἥττων ἡ πόλις αὑτῆς ὀρθῶς αὕτη λέγοιτ' ἂν ἅμα καὶ κακή, ὅπου δ' ἂν ἡττῶνται,
κρείττων τε καὶ ἀγαθή.
(627c) (Κλεινίας)
καὶ μάλα ἄτοπον, ὦ ξένε, τὸ νῦν λεγόμενον· ὅμως δὲ ὁμολογεῖν οὕτως
ἀναγκαιότατον.
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Traduction française :
[1,3] III.
(L'ATHÉNIEN)
Je vois, étranger, que tu t'es bien exercé à discerner les principes de la législation crétoise. Mais
explique-moi ceci encore plus clairement. Étant donné le but que tu assignes à une bonne
constitution, il me semble que tu dis qu'une ville doit être organisée de manière à vaincre les autres
villes à la guerre. N'est-ce pas ?
(CLINIAS)
C'est exactement cela, et je m'imagine que notre camarade est de mon avis.
(MÉGILLOS)
N'importe quel Lacédémonien, divin Clinias, ne saurait répondre que oui.
(L'ATHÉNIEN)
Mais si cette vue est juste à l'égard des villes entre elles, en est-il autrement de bourgade à bourgade?
(CLINIAS) Non pas.
(L'ATHÉNIEN) Alors c'est la même chose ?
(CLINIAS) Oui.
(L'ATHÉNIEN)
Mais quoi ? pour une maison à l'égard d'une autre maison de la bourgade et pour un homme
isolément à l'égard d'un autre homme, est-ce encore la même chose ?
(CLINIAS) C'est la même.
(L'ATHÉNIEN)
Et l'homme isolé à l'égard de lui-même doit-il se regarder comme un ennemi en face d'un ennemi ?
Ou que faut-il dire ?
(CLINIAS)
O étranger Athénien, je ne dirai pas attique, car tu me parais digne d'être appelé du nom de la
déesse, tu as jeté plus de clarté dans notre discours en le ramenant à son principe, en sorte que tu
découvriras maintenant plus aisément que nous avons eu raison de dire que tous sont ennemis de
tous, tant les États que les particuliers, et que chacun d'eux est en guerre avec lui-même.
(L'ATHÉNIEN) Que dis-tu là, merveilleux ami ?
(CLINIAS)
Qu'ici aussi, étranger, de toutes les victoires la première et la plus belle est celle qu'on remporte sur
soi-même, comme aussi de toutes les défaites la plus honteuse et la plus funeste est d'être vaincu par
soi-même. Cela veut dire qu'il y a en chacun de nous un ennemi de nous-même.
(L'ATHÉNIEN)
Renversons donc l'ordre de notre discours. Puisque chacun de nous est tantôt meilleur, tantôt pire
que lui-même, dirons-nous que la même chose a lieu dans la famille, dans la bourgade et dans la cité,
ou ne le dirons-nous pas ?
(CLINIAS) Veux-tu dire que l'une est tantôt meilleure, tantôt pire qu'elle-même ?
(L'ATHÉNIEN) Oui.
(CLINIAS)
Cette question aussi, tu as bien fait de la poser ; car il en est absolument de même sans aucune
différence dans les États : dans tous ceux où les bons ont l'avantage sur la multitude et les méchants,
on peut dire justement qu'ils sont meilleurs qu'eux-mêmes et on a grandement raison de les féliciter
d'une telle victoire. C'est le contraire dans le cas contraire.
(L'ATHÉNIEN)
Laissons de côté la question de savoir si le pire est parfois supérieur au meilleur; cela exigerait une
trop longue discussion. Mais je comprends à présent ce que tu veux dire, c'est qu'il peut arriver que
des citoyens de la même race et de la même ville, méprisant la justice, se réunissent en grand
nombre et asservissent par la force les justes qui sont moins nombreux, et, lorsqu'ils ont remporté la
victoire, on peut dire avec raison que l'État est inférieur à lui même et mauvais, et que, s'ils ont le
dessous, il est supérieur à lui-même et bon.
(CLINIAS)
Ce que tu viens de dire, Athénien, est tout à fait étrange, et cependant il faut de toute nécessité
convenir que c'est juste.
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