Texte grec :
[456] (456a) (Γοργίας)
καὶ ὅταν γέ τις αἵρεσις ᾖ ὧν νυνδὴ σὺ ἔλεγες, ὦ Σώκρατες, ὁρᾷς ὅτι οἱ ῥήτορές
εἰσιν οἱ συμβουλεύοντες καὶ οἱ νικῶντες τὰς γνώμας περὶ τούτων.
(Σωκράτης)
ταῦτα καὶ θαυμάζων, ὦ Γοργία, πάλαι ἐρωτῶ τίς ποτε ἡ δύναμίς ἐστιν τῆς
ῥητορικῆς. δαιμονία γάρ τις ἔμοιγε καταφαίνεται τὸ μέγεθος οὕτω σκοποῦντι.
(Γοργίας)
εἰ πάντα γε εἰδείης, ὦ Σώκρατες, ὅτι ὡς ἔπος εἰπεῖν ἁπάσας τὰς δυνάμεις
συλλαβοῦσα ὑφ' αὑτῇ ἔχει. (456b) μέγα δέ σοι τεκμήριον ἐρῶ· πολλάκις γὰρ ἤδη
ἔγωγε μετὰ τοῦ ἀδελφοῦ καὶ μετὰ τῶν ἄλλων ἰατρῶν εἰσελθὼν παρά τινα τῶν
καμνόντων οὐχὶ ἐθέλοντα ἢ φάρμακον πιεῖν ἢ τεμεῖν ἢ καῦσαι παρασχεῖν τῷ
ἰατρῷ, οὐ δυναμένου τοῦ ἰατροῦ πεῖσαι, ἐγὼ ἔπεισα, οὐκ ἄλλῃ τέχνῃ ἢ τῇ
ῥητορικῇ. φημὶ δὲ καὶ εἰς πόλιν ὅπῃ βούλει ἐλθόντα ῥητορικὸν ἄνδρα καὶ ἰατρόν,
εἰ δέοι λόγῳ διαγωνίζεσθαι ἐν ἐκκλησίᾳ ἢ ἐν ἄλλῳ τινὶ συλλόγῳ ὁπότερον δεῖ
αἱρεθῆναι ἰατρόν, οὐδαμοῦ (456c) ἂν φανῆναι τὸν ἰατρόν, ἀλλ' αἱρεθῆναι ἂν τὸν
εἰπεῖν δυνατόν, εἰ βούλοιτο. καὶ εἰ πρὸς ἄλλον γε δημιουργὸν ὁντιναοῦν
ἀγωνίζοιτο, πείσειεν ἂν αὑτὸν ἑλέσθαι ὁ ῥητορικὸς μᾶλλον ἢ ἄλλος ὁστισοῦν· οὐ
γὰρ ἔστιν περὶ ὅτου οὐκ ἂν πιθανώτερον εἴποι ὁ ῥητορικὸς ἢ ἄλλος ὁστισοῦν τῶν
δημιουργῶν ἐν πλήθει. ἡ μὲν οὖν δύναμις τοσαύτη ἐστὶν καὶ τοιαύτη τῆς τέχνης·
δεῖ μέντοι, ὦ Σώκρατες, τῇ ῥητορικῇ χρῆσθαι ὥσπερ τῇ ἄλλῃ πάσῃ ἀγωνίᾳ. καὶ
γὰρ (456d) τῇ ἄλλῃ ἀγωνίᾳ οὐ τούτου ἕνεκα δεῖ πρὸς ἅπαντας χρῆσθαι
ἀνθρώπους, ὅτι ἔμαθεν πυκτεύειν τε καὶ παγκρατιάζειν καὶ ἐν ὅπλοις μάχεσθαι,
ὥστε κρείττων εἶναι καὶ φίλων καὶ ἐχθρῶν, οὐ τούτου ἕνεκα τοὺς φίλους δεῖ
τύπτειν οὐδὲ κεντεῖν τε καὶ ἀποκτεινύναι. οὐδέ γε μὰ Δία ἐάν τις εἰς παλαίστραν
φοιτήσας εὖ ἔχων τὸ σῶμα καὶ πυκτικὸς γενόμενος, ἔπειτα τὸν πατέρα τύπτῃ καὶ
τὴν μητέρα ἢ ἄλλον τινὰ τῶν οἰκείων ἢ τῶν φίλων, οὐ τούτου ἕνεκα δεῖ τοὺς
(456e) παιδοτρίβας καὶ τοὺς ἐν τοῖς ὅπλοις διδάσκοντας μάχεσθαι μισεῖν τε καὶ
ἐκβάλλειν ἐκ τῶν πόλεων. ἐκεῖνοι μὲν γὰρ παρέδοσαν ἐπὶ τῷ δικαίως χρῆσθαι
τούτοις πρὸς τοὺς πολεμίους καὶ τοὺς ἀδικοῦντας, ἀμυνομένους, μὴ ὑπάρχοντας·
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Traduction française :
[456] GORGIAS. Ainsi tu vois, Socrate, que quand il s'agit de prendre un
parti sur les choses dont tu parlais, ce sont les orateurs
qui conseillent et qui font prévaloir leur avis. -
SOCRATE. C'est aussi ce qui m'étonne, Gorgias, et ce
qui est cause que je t'interroge depuis si longtemps
sur la puissance de la rhétorique. Elle me parait merveilleusement
grande, à l'envisager sous ce point de vue.
XI. - GORGIAS. Et si tu savais tout, Socrate, tu
verrais que la rhétorique embrasse, pour ainsi dire, la
puissance de tous les autres arts. Je vais t'en donner
une preuve bien frappante. Je suis souvent entré avec
mon frère et d'autres médecins chez des malades, qui
ne voulaient point, ou prendre une potion, ou souffrir
qu'on leur appliquât le fer ou le feu. Le médecin ne
pouvant rien gagner sur leur esprit, j'en suis venu à
bout, moi, sans le secours d'aucun autre art que de la
rhétorique. J'ajoute que, si un orateur et un médecin
se présentent dans la ville que tu voudras, et qu'il
soit question de disputer de vive voix devant le peuple
assemblé, ou devant quelque autre compagnie, sur la
préférence à donnerà l'orateur ou au médecin, on ne fera
nulle attention à celui-ci, et l'homme qui a le talent de
la parole sera choisi, s'il veut l'être. Pareillement, dans
la concurrence avec un homme de toute autre profession,
l'orateur se fera choisir préférablement à qui que
ce soit, parce qu'il n'est aucune matière sur laquelle
il ne parle en présence de la multitude, d'une manière
plus persuasive que tout autre artiste, quel qu'il soit:
tant cet art a de puissance et de grandeur. Toutefois
Socrate, on ne doit se servir de la rhétorique que
comme on se sert de tous les autres exercies. Et, en
effet, dans les autres exercies il ne faut pas se prévaloir,
contre tout le monde indifféremment, de ce qu'on
a appris la lutte, le pancrace et le maniement des
armes de manière à pouvoir vaincre également ses
amis et ses ennemis, pour frapper ses ennemis, les
blesser et les tuer. Certes, si un homme, après avoir
fréquenté la palestre, se trouve avoir acquis une grande
vigueur de corps et une adresse merveilleuse au pugilat,
et qu'ensuite il vienne à frapper son père ou sa
mère, ou quelque autre de ses parents et de ses amis,
ce n'est pas à dire pour cela qu'on doive prendre en
haine et bannir des villes les maîtres de gymnastique
et d'escrime. Ils n'ont dressé leurs élèves à ces exercices
qu'afin que ceux-ci s'en servissent légitimement
contre leurs ennemis et en général contre ceux qui
violent la justice, pour la défense et non pour l'attaque.
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