Texte grec :
[286] (286a) Ὡς ἔστιν.
Εἰ γὰρ μέμνησαι, ἔφη, ὦ Κτήσιππε, καὶ ἄρτι ἐπεδείξαμεν μηδένα λέγοντα ὡς
οὐκ ἔστι· τὸ γὰρ μὴ ὂν οὐδεὶς ἐφάνη λέγων.
Τί οὖν δὴ τοῦτο; ἦ δ' ὃς ὁ Κτήσιππος· ἧττόν τι ἀντιλέγομεν ἐγώ τε καὶ σύ;
Πότερον οὖν, ἦ δ' ὅς, ἀντιλέγοιμεν ἂν τοῦ αὐτοῦ πράγματος λόγον ἀμφότεροι
λέγοντες, ἢ οὕτω μὲν ἂν δήπου ταὐτὰ λέγοιμεν;
Συνεχώρει.
Ἀλλ' ὅταν μηδέτερος, ἔφη, τὸν τοῦ πράγματος (286b) λόγον λέγῃ, τότε
ἀντιλέγοιμεν ἄν; ἢ οὕτω γε τὸ παράπαν οὐδ' ἂν μεμνημένος εἴη τοῦ πράγματος
οὐδέτερος ἡμῶν;
Καὶ τοῦτο συνωμολόγει.
Ἀλλ' ἄρα, ὅταν ἐγὼ μὲν τὸν τοῦ πράγματος λόγον λέγω, σὺ δὲ ἄλλου τινὸς
ἄλλον, τότε ἀντιλέγομεν; Ἢ ἐγὼ λέγω μὲν τὸ πρᾶγμα, σὺ δὲ οὐδὲ λέγεις τὸ
παράπαν; Ὁ δὲ μὴ λέγων τῷ λέγοντι πῶς ἀντιλέγοι;
Καὶ ὁ μὲν Κτήσιππος ἐσίγησεν· ἐγὼ δὲ θαυμάσας τὸν λόγον, πῶς, ἔφην, ὦ
Διονυσόδωρε, λέγεις; Οὐ γάρ τοι (286c) ἀλλὰ τοῦτόν γε τὸν λόγον πολλῶν δὴ
καὶ πολλάκις ἀκηκοὼς ἀεὶ θαυμάζω - καὶ γὰρ οἱ ἀμφὶ Πρωταγόραν σφόδρα
ἐχρῶντο αὐτῷ καὶ οἱ ἔτι παλαιότεροι· ἐμοὶ δὲ ἀεὶ θαυμαστός τις δοκεῖ εἶναι
καὶ τούς τε ἄλλους ἀνατρέπων καὶ αὐτὸς αὑτόν - οἶμαι δὲ αὐτοῦ τὴν
ἀλήθειαν παρὰ σοῦ κάλλιστα πεύσεσθαι. Ἄλλο τι ψευδῆ λέγειν οὐκ ἔστιν; -
τοῦτο γὰρ δύναται ὁ λόγος· ἦ γάρ; - Ἀλ' ἢ λέγοντ' ἀληθῆ λέγειν ἢ μὴ
λέγειν;
Συνεχώρει.
(286d) Πότερον οὖν ψευδῆ μὲν λέγειν οὐκ ἔστι, δοξάζειν μέντοι ἔστιν;
Οὐδὲ δοξάζειν, ἔφη.
Οὐδ' ἄρα ψευδής, ἦν δ' ἐγώ, δόξα ἔστι τὸ παράπαν.
Οὐκ ἔφη.
Οὐδ' ἄρα ἀμαθία οὐδ' ἀμαθεῖς ἄνθρωποι· ἢ οὐ τοῦτ' ἂν εἴη ἀμαθία, εἴπερ
εἴη, τὸ ψεύδεσθαι τῶν πραγμάτων;
Πάνυ γε, ἔφη.
Ἀλλὰ τοῦτο οὐκ ἔστιν, ἦν δ' ἐγώ.
Οὐκ ἔφη.
Λόγου ἕνεκα, ὦ Διονυσόδωρε, λέγεις τὸν λόγον, ἵνα δὴ ἄτοπον λέγῃς, ἢ ὡς
ἀληθῶς δοκεῖ σοι οὐδεὶς εἶναι ἀμαθὴς ἀνθρώπων;
(286e) Ἀλλὰ σύ, ἔφη, ἔλεγξον.
Ἦ καὶ ἔστι τοῦτο κατὰ τὸν σὸν λόγον, ἐξελέγξαι, μηδενὸς ψευδομένου;
Οὐκ ἔστιν, ἔφη ὁ Εὐθύδημος.
Οὐδ' ἄρα ἐκέλευεν, ἔφην ἐγώ, νυνδὴ Διονυσόδωρος ἐξελέγξαι;
Τὸ γὰρ μὴ ὂν πῶς ἄν τις κελεύσαι; σὺ δὲ κελεύεις;
Ὅτι, ἦν δ' ἐγώ, ὦ Εὐθύδημε, τὰ σοφὰ ταῦτα καὶ τὰ εὖ ἔχοντα οὐ πάνυ τι
μανθάνω, ἀλλὰ παχέως πως ἐννοῶ. Ἵσως μὲν οὖν φορτικώτερόν τι ἐρήσομαι,
ἀλλὰ συγγίγνωσκε.
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Traduction française :
[286] (286a) Comme elles sont.
Car, s'il t'en souvient, Ctésippe, nous avons prouvé tout a l'heure
que personne ne dit ce qui n'est pas; on n'a pas encore entendu dire un
rien. Eh bien, reprit Ctésippe, nous contredisons-nous moins pour
cela, toi et moi? Nous contredirions-nous si nous savions tous deux ce
qu'il faut dire d'une chose? ou plutôt ne dirions-nous pas alors tous deux
la même chose? Ctésippe l'avoua. Mais nous contredisons-nous,
quand ni l'un ni l'autre nous ne disons point la chose
comme elle est, ou n'est-il pas plus vrai qu'alors
ni l'un ni l'autre ne parle de la chose ? Ctésippe l'avoua encore,
Mais quand je dis ce qu'une chose est, et que tu dis (286b) une autre
chose, nous contredisons-nous alors? ou plutôt ne parle-je pas, moi, de
cette chose, tandis que toi, tu n'en parles pas du tout? Et comment celui
qui ne parle pas d'une chose pourrait-il contredire celui qui en parle?
A cela, Ctésippe resta muet. Pour moi, étonné de ce que j'entendais :
Comment dis-tu cela, Dionysodore? lui demandai-je ; j'ai souvent
entendu (286c) mettre en avant cette proposition, et je l'admire toujours.
L'école de Protagoras et même de plus anciens philosophes s'en
servaient ordinairement. Elle m'a toujours semblé merveilleuse, et tout
détruire et se détruire elle-même. J'espère que tu m'en apprendras
mieux qu'un autre la vraie raison. On ne peut pas dire des choses
fausses: c'est là le sens de la proposition, n'est-ce pas? Il faut
nécessairement que celui qui parle dise la vérité, ou qu'il ne dise rien du
tout? Dionysodore l'avoua. (286d) Veut-on dire par là qu'il est
impossible de dire des choses fausses, et qu'il est seulement possible d'en
penser?Non, pas même d'en penser, me dit-il. Il n'y a donc point
d'opinion fausse ? Non, répondit-il. C'est-à-dire qu'il n'y a point
d'ignorance ni d'ignorants ; car si on pouvait se tromper, ce serait
ignorance. Assurément, dit-il. Mais cela ne se peut. Non,
certainement. Ne parles-tu de la sorte, Dionysodore, que pour parler
et nous étonner, ou crois-tu en effet qu'il n'y ait point d'ignorants au
monde? (286e) Mais c'est à toi à me prouver le contraire. Et cela se
peut-il, selon ton opinion, et y a-t-il moyen de réfuter, si personne ne se
trompe ? Non, dit Euthydème, c'est impossible. Aussi ne t'ai-je pas
demandé, reprit Dionysodore, de réfuter; car comment demander ce qui
n'est pas? O Euthydème! lui dis-je, je ne comprends pas encore à
fond toutes ces belles choses; mais je commence cependant à voir jour
un peu. Peut-être vais-je te faire une question assez niaise, mais
pardonne-la-moi.
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