Texte grec :
[19,4] Ὁπόταν τοίνυν ἀκούσῃς ἐρῶντα μὲν τὸν φιλόσοφον,
ἐρῶντα δὲ καὶ τὸν μοχθηρὸν ἄνδρα, μὴ προσείπῃς τὸ
γιγνόμενον ὀνόματι ἑνί. Ὁ μὲν ἐφ´ ἡδονὴν οἰστρεῖ,
ὁ δὲ κάλλους ἐρᾷ· ὁ μὲν ἄκων νοσεῖ, ὁ δὲ ἑκὼν ἐρᾷ·
ὁ μὲν ἐπ´ ἀγαθῷ ἐρᾷ τοῦ ἐρωμένου, ὁ δὲ ἐπ´ ὀλέθρῳ
ἀμφοῖν. Ἐκείνου τοῦ ἔρωτος ἀρετὴ ἔργον, τοῦδε τοῦ
ἔρωτος ἔργον ὕβρις· ἐκείνου τοῦ ἔρωτος φιλία τέλος,
τούτου τοῦ ἔρωτος ἔχθρα τέλος· ἄμισθος ὁ ἔρως ἐκεῖνος,
μισθοφόρος ὁ ἔρως οὗτος· ἐκεῖνος ὁ ἔρως ἐπαινετός,
ἐπονείδιστος οὗτος· ἐκεῖνος Ἑλληνικός, βαρβαρικὸς
οὗτος· ἐκεῖνος ἄρρην, ἁπαλὸς οὗτος· ἐκεῖνος
ἑστώς, πτηνὸς οὗτος, ἀβέβαιος. Ἐκεῖνον τὸν ἔρωτα
ἐρῶν ἀνὴρ φίλος θεῷ, φίλος νόμῳ, μεστὸς αἰδοῦς,
μεστὸς παρρησίας· ἐκεῖνος καὶ μεθ´ ἡμέραν τὸν ἐρώμενον
περιέπει καὶ ἀγάλλεται τῷ ἔρωτι, καὶ ἐν γυμνασίῳ
συμπλέκεται, καὶ ἐν δρόμῳ συνθεῖ, καὶ ἐν θήρᾳ
συγκυνηγετεῖ, καὶ ἐν πολέμῳ συναριστεύει, καὶ ἐν εὐτυχίαις
συνεντυχεῖ, καὶ ἀποθανόντος συναποθνήσκει·
καὶ οὐδὲν αὐτῷ δεῖ πρὸς τὴν συνουσίαν οὐ νυκτός,
οὐκ ἐρημίας. Ὁ δὲ ἕτερος ἐραστὴς θεοῖς μὲν ἐχθρός,
πλημμελὴς γάρ· ἐχθρὸς δὲ καὶ νόμῳ, παράνομος γάρ·
ἀθαρσής, δύσελπις, αἰδοῦς ἄπορος, ἐρημίας φίλος καὶ
νυκτὶ καὶ φωλεοῖς· μηδαμοῦ ἂν ἐθέλων ὀφθῆναι συνδιημερεύων
τοῖς παιδικοῖς, φεύγων ἥλιον, διώκων
νύκτα καὶ
ὁμίχλην
ποιμέσιν οὔ τι φίλην, κλέπτῃ δὲ
ἀγαθήν. Ὁ μὲν ποιμένι ἔοικεν, ὁ δὲ κλέπτῃ ἔοικεν,
καὶ λανθάνειν εὔχεται· οἶδεν γὰρ τὸ κακὸν ὃ δρᾷ,
ἀλλὰ εἰδὼς ὑφ´ ἡδονῆς ἕλκεται. Καὶ γὰρ ἐν τοῖς εὐκάρποις
φυτοῖς ὁ μὲν γεωργὸς τημελῶς πρόσεισιν, ὁ δὲ κλέπτης
ἐμπεσὼν δρέπει καὶ λυμαίνεται καὶ σπαράττει.
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Traduction française :
[19,4] IV. Lors donc que vous entendrez dire d'un philosophe, qu'il aime, et d'un
débauché, qu'il aime aussi, ne donnez pas le même nom au sentiment de l'un
et de l'autre. L'un cède à l'impulsion du plaisir, l'autre est entraîné
par les charmes de la beauté. L'un est malade malgré lui; l'affection de
l'autre est spontanée. Celui-ci aime pour le bien de celui qui est aimé :
l'autre pour la perte de tous deux. La vertu est l'uvre de l'amour de
l'un : le plus honteux dérèglement est l'uvre de l'amour de l'autre.
L'amitié est la fin de l'amour de l'un ; la haine est le terme de l'amour
de l'autre. L'amour de l'un est gratuit : l'amour de l'autre est
intéressé. L'amour de l'un est digne d'éloges : l'amour de l'autre ne
mérite que l'infamie. L'un est d'un Grec; l'autre d'un Barbare. L'un
est un amour généreux ; l'autre un amour lâche et efféminé. L'un est
constant ; l'autre est fugitif et sans consistance. L'homme qui est animé
du premier amour est ami de Dieu, ami des lois, plein de pudeur, et
zélateur de l'indépendance. Il est, toute la journée, à courtiser celui
qu'il aime, à se complaire dans son amour. Il joue avec lui dans le
gymnase ; il court avec lui dans l'arène ; il en fait son compagnon de
chasse, son frère d'armes. S'il est malheureux, il partage son malheur ;
s'il faut mourir, ils meurent ensemble. Dans le commerce qu'ils ont
entre eux, ils n'ont besoin ni de la nuit, ni de la solitude. Celui que
l'autre amour possède est ennemi des Dieux, car il a de mauvaises murs.
Il est ennemi des lois, car il agit contre les lois. Il est peureux,
craintif, sans pudeur. Il aime les lieux écartés, les ténèbres, les
cavernes. Il n'ose jamais se montrer au grand jour, à côté de l'objet de
sa passion. Il fuit le soleil, il cherche la nuit et l'obscurité, « que
les bergers n'aiment pas», et qui favorisent les voleurs. Le premier
ressemble au berger; l'autre ressemble au voleur, et désire autant
que lui de se dérober à tous les yeux. Car il ne se dissimule point le mal
dont il est coupable. Mais, quoiqu'il le connaisse, la passion l'entraîne.
Le cultivateur ne touche qu'avec précaution à ses arbres fruitiers. Au
lieu que le larron qui s'y jette enlève tout. Il dégrade. Il ravage.
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