Texte grec :
[18,5] Τί βούλεται τῷ Σωκράτει ταυτὶ τὰ κομψά, εἴτε
αἰνίγματα, εἴτε εἰρωνεύματα; ἀποκρινάσθω ἡμῖν ὑπὲρ
τοῦ Σωκράτους Πλάτων, ἢ Ξενοφῶν, ἢ Αἰσχίνης, ἤ
τις ἄλλος τῶν ὁμοφώνων αὐτῷ. Ἐγὼ μὲν γὰρ θαυμάζω
καὶ ἐκπλήττομαι, ὅπως τὰ μὲν Ὁμήρου ἔπη τῆς
θαυμαστῆς πολιτείας καὶ τροφῆς τῶν νέων ἀπεπέμψατο,
αὐτῷ Ὁμήρῳ, στεφανώσας τὸν ποιητὴν καὶ χρίσας
μύρῳ· αἰτιασάμενος τὴν παρρησίαν τῶν ἐπῶν, ὅτι
ὁ Ζεὺς πεποίηται αὐτῷ τῇ Ἥρᾳ μισγόμενος ἐν τῇ Ἴδῃ,
νεφέλης αὐτοὺς καλυπτούσης ἀθανάτου, καὶ Ἄρεως
καὶ Ἀφροδίτης συνουσία, καὶ Ἡφαίστου δεσμά, καὶ
θεοὶ πίνοντες, καὶ γελῶντες θεοὶ ἄσβεστον γέλωτα,
καὶ Ἀπόλλων φεύγων, καὶ Ἀχιλλεὺς διώκων,
αὐτὸς θνητὸς ἐών, θεὸν ἄμβροτον,
καὶ ὀδυρόμενοι θεοί·
ὤμοι ἐγών, ὅτε μοι Σαρπήδονα φίλτατον
ἀνδρῶν,
ὁ Ζεὺς λέγει· καὶ αὖθις αὖ,
ὤμοι ἐγὼ δειλή, ὤμοι δυσαριστοτόκεια,
ἡ Θέτις λέγει· καὶ ὅσα ἄλλα ἐπὶ τούτοις Ὅμηρος μὲν
ᾐνίξατο, Σωκράτης δὲ ἐμέμψατο· αὐτὸς δὲ δὴ Σωκράτης,
ὁ ἐραστὴς μὲν σοφίας, πενίας δὲ κρείττων,
ἡδονῆς δὲ ἐχθρός, ἀληθείας δὲ φίλος, οὕτω σφαλεροὺς
καὶ κινδυνώδεις λόγους ταῖς αὐτοῦ ὁμιλίαις ἀνεκέρασεν,
ὥστε τὰ Ὁμήρου αἰνίγματα πόρρω πάνυ εἶναι τῆς
αἰτίας, τοῖς ἐκείνου παραβαλλόμενα. Αὐτίκα καὶ ὁ
μὲν περὶ τοῦ Διὸς τοιαῦτα ἀκούσας, καὶ τοῦ Ἀπόλλωνος,
καὶ τῆς Θέτιδος, καὶ τοῦ Ἡφαίστου, καταμαντεύεται
τοῦ λόγου, ὡς φησὶ μὲν ταῦτα, ἕτερα δὲ
αἰνίττεται· καὶ παρεὶς τῇ ἀκοῇ τὸ τερπνόν, συναγωνίζεται
τῷ ποιητῇ, καὶ συνεξαίρεται τῇ φαντασίᾳ, καὶ
συναναπλάττει τὸν λόγον, ἀπιστῶν ὁμοῦ καὶ χαίρων
τῇ τῆς μυθολογίας ἐξουσίᾳ. Ὁ δὲ Σωκράτης ἡμῖν ἐπ´
ἀληθείᾳ διατεθρυλημένος, ἐπισφαλέστερος ἐν οἷς αἰνίττεται,
διὰ τὸ ἀξιόπιστον μὲν ἐν τοῖς λόγοις, δυνατὸν
δὲ τῇ μιμήσει, ἀνόμοιον δ´ ἐν τοῖς ἔργοις. Οὐδὲν
γὰρ αὐτὸς αὑτῷ ὅμοιος ὁ Σωκράτης ἐρῶν τῷ σωφρονοῦντι,
καὶ ὁ ἐκπληττόμενος τοὺς καλοὺς τῷ ἐλέγχοντι
τοὺς ἄφρονας, ὁ Λυσίου τῶν ἐρωτικῶν ἀντίτεχνος, ὁ
Κριτοβούλου ἁπτόμενος, ὁ ἀπὸ κυνηγεσίου τῆς Ἀλκιβιάδου
ὥρας παραγινόμενος, ὁ Χαρμίδην τεθηπώς.
Πῶς γὰρ ὅμοια ταῦτα φιλοσόφῳ βίῳ; οὐ τῇ πρὸς τὸν
δῆμον παρρησίᾳ, οὐδὲ τῇ πρὸς τοὺς τυράννους ἐλευθερίᾳ,
οὐδὲ τῇ ἐπὶ Δηλίῳ ἀριστείᾳ, οὐδὲ τῇ πρὸς
τοὺς δικαστὰς ὑπεροψίᾳ, οὐδὲ τῇ ἐπὶ τὸ δεσμωτήριον
ὁδῷ, οὐδὲ τῇ πρὸς τὸν θάνατον παρασκευῇ· πολλοῦ
γε καὶ δεῖ. Εἰ μὲν γὰρ ἀληθῆ ταῦτα, εὐφημεῖν ἄξιον·
εἰ δὲ αἰνίττεται δι´ αἰσχρῶν ῥημάτων πράξεις καλάς,
δεινὸν καὶ σφαλερὸν τὸ χρῆμα. Τὸ γὰρ ὑποβαλεῖν
αἰσχρῷ καλόν, καὶ τὰ ὠφελοῦντα διὰ τῶν βλαπτόντων
ἐπιδείκνυσθαι, οὐκ ὠφελοῦν βουλομένου ἔργον (τὸ γὰρ
ὠφελοῦν ἀφανὲς) ἀλλὰ βλάπτειν· πρόχειρον γὰρ τοῦτο.
Ταῦτα οἶμαι Θρασύμαχον ἂν εἰπεῖν, ἢ Καλλίαν, ἢ
Πῶλον, ἢ ὅστις ἄλλος τῇ Σωκράτους φιλοσοφίᾳ ἐπολέμει.
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Traduction française :
[18,5] V. Que signifient donc toutes ces belles choses dans la bouche de Socrate?
Sont-ce des énigmes ou des ironies? Répondez-nous là-dessus, Platon,
Xénophon, Eschine, ou tel autre de vous tous qui professiez sa doctrine.
Car je suis étonné, j'admire qu'il ait banni de sa merveilleuse
République, et de son plan d'éducation pour la jeunesse, les poèmes
d'Homère, après l'avoir couronné et parfumé, sous prétexte de
l'inconvenance de ses descriptions, lorsqu'il peint Jupiter payant à Junon
les tributs de l'hymen sur le mont Ida, sous le voile d'un nuage immortel,
lorsqu'il peint les amours de Mars et de Vénus, Vulcain dans le piège, les
Dieux buvant et se livrant à des éclats de rire inextinguibles, Apollon en
fuite, et poursuivi par Achille, un simple mortel donnant la chasse à un
Dieu : lorsqu'il représente les Dieux en lamentations: « Malheureux
que je suis, s'écrie Jupiter, j'ai perdu Sarpédon, celui des mortels que
je chérissais le plus » ! « Que je suis malheureuse, » s'écrie
Thétis, d'avoir enfanté un héros sous d'aussi funestes auspices» !
Et tant d'autres traits qu'Homère n'a présentés que sous le voile de la
fiction, et dont Socrate lui fait un reproche ; tandis que lui-même, cet
amant de la sagesse, ce vainqueur de la pauvreté, cet ennemi de la
volupté, cet ami de la vérité, entremêle ses entretiens de discours si
indécents et si dangereux, que les fictions d'Homère sont bien moins
répréhensibles, en comparaison. En effet, quand on lit dans Homère ce
qu'il dit de Jupiter, d'Apollon, de Thétis, de Vulcain, chacun comprend
qu'il en est du poète comme des oracles, dont les expressions énoncent une
chose, tandis que le sens en présente une autre. On ne songe qu'au plaisir
de l'oreille ; on se met de moitié avec le poète; on laisse prendre
l'essor à son imagination ; on aide soi-même au prestige de la fiction et
l'on se complaît dans le sentiment de la puissance des illusions
mythologiques, sans en être dupe. Au lieu que Socrate, renommé par son
amour pour la vérité, nous présente des fictions bien plus dangereuses,
soit par le poids que son nom donne à ses discours, soit par la subtilité
de son intelligence, soit par le contraste de sa doctrine avec sa
conduite. Car rien ne se ressemble moins que Socrate éperdu d'amour, et
Socrate modèle de tempérance ; que Socrate brûlant à l'aspect des beaux
garçons, et Socrate gourmandant le libertinage. Est-ce bien Socrate,
l'antagoniste de Lysias sur le chapitre de l'amour, qui touche de son
épaule l'épaule de Critobule, qui revient de la chasse du bel Alcibiade,
que la seule présence de Charmide met hors de lui? Sont-ce là des
choses qui conviennent aux murs d'un philosophe? Il y a loin de là, à ce
ton de liberté et d'affabilité, avec lequel il parlait dans la
conversation familière, au caractère de magnanimité et d'indépendance
qu'il déployait avec les tyrans, à l'intrépidité dont il fit preuve au
siège de Delium, au mépris dont il accabla ses juges, au calme avec
lequel il se laissa conduire en prison, à la sérénité avec laquelle il
affronta la mort. Car, s'il faut prendre à la lettre ce que dit Socrate,
nous n'avons plus rien à dire. Mais, s'il ne fait qu'envelopper de belles
actions sous des paroles honteuses, c'est joindre le mal au danger. Cacher
le beau sous un vilain masque, présenter les choses utiles sous
l'extérieur des choses nuisibles, est l'uvre, non de qui veut le bien
(car le bien ne se montre pas de lui-même), mais de qui veut le mal, et
cela ne coûte pas. C'est là, je pense, ce que pourraient objecter, ou
Thrasymaque, ou Calliclès, ou Polus, ou tout autre antagoniste des
principes de Socrate.
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