[5,20]
Καθ ἕτερον μὲν λόγον ἡμῖν ἐστιν οἰκειότατον ἄνθρωπος, καθ ὅσον εὖ ποιητέον
αὐτοὺς καὶ ἀνεκτέον· καθ ὅσον δὲ ἐνίστανταί τινες εἰς τὰ οἰκεῖα ἔργα, ἕν τι τῶν
ἀδιαφόρων μοι γίνεται ὁ ἄνθρωπος οὐχ ἧσσον ἢ ἥλιος ἢ ἄνεμος ἢ θηρίον. Ὑπὸ
τούτων δὲ ἐνέργεια μέν τις ἐμποδισθείη ἄν, ὁρμῆς δὲ καὶ διαθέσεως οὐ γίνεται
ἐμπόδια διὰ τὴν ὑπεξαίρεσιν καὶ τὴν περιτροπήν. Περιτρέπει γὰρ καὶ μεθίστησι
πᾶν τὸ τῆς ἐνεργείας κώλυμα ἡ διάνοια εἰς τὸ προηγούμενον καὶ πρὸ ἔργου
γίνεται τὸ τοῦ ἔργου τούτου ἐφεκτικὸν καὶ πρὸ ὁδοῦ τὸ τῆς ὁδοῦ ταύτης
ἐνστατικόν.
21.
Τῶν ἐν τῷ κόσμῳ τὸ κράτιστον τίμα· ἔστι δὲ τοῦτο τὸ πᾶσι χρώμενον καὶ πάντα
διέπον. Ὁμοίως δὲ καὶ τῶν ἐν σοὶ τὸ κράτιστον τίμα· ἔστι δὲ τοῦτο τὸ ἐκείνῳ
ὁμογενές. Καὶ γὰρ ἐπὶ σοῦ τὸ τοῖς ἄλλοις χρώμενον τοῦτό ἐστι, καὶ ὁ σὸς βίος ὑπὸ
τούτου διοικεῖται.
22.
Ὂ τῇ πόλει οὐκ ἔστι βλαβερόν, οὐδὲ τὸν πολίτην βλάπτει. Ἐπὶ πάσης τῆς τοῦ
βεβλάφθαι φαντασίας τοῦτον ἔπαγε τὸν κανόνα· εἰ ἡ πόλις ὑπὸ τούτου μὴ
βλάπτεται, οὐδὲ ἐγὼ βέβλαμμαι· εἰ δὲ ἡ πόλις βλάπτεται, οὐκ ὀργιστέον, ‹ἀλλὰ
δεικτέον› τῷ βλάπτοντι τὴν πόλιν τί τὸ παρορώμενον.
23.
Πολλάκις ἐνθυμοῦ τὸ τάχος τῆς παραφορᾶς καὶ ὑπεξαγωγῆς τῶν ὄντων τε καὶ
γινομένων. Ἣ τε γὰρ οὐσία οἷον ποταμὸς ἐν διηνεκεῖ ῥύσει καὶ αἱ ἐνέργειαι ἐν
συνεχέσι μεταβολαῖς καὶ τὰ αἴτια ἐν μυρίαις τροπαῖς καὶ σχεδὸν οὐδὲν ἑστὼς καὶ
τὸ πάρεγγυς· τὸ δὲ ἄπειρον τοῦ τε παρῳχηκότος καὶ μέλλοντος ἀχανές, ᾧ πάντα
ἐναφανίζεται. Πῶς οὖν οὐ μωρὸς ὁ ἐν τούτοις φυσώμενος ἢ σπώμενος ἢ
σχετλιάζων ὡς ἔν τινι χρονίῳ καὶ ἐπὶ μακρὸν ἐνοχλήσαντι;
24.
Μέμνησο τῆς συμπάσης οὐσίας, ἧς ὀλίγιστον μετέχεις, καὶ τοῦ σύμπαντος
αἰῶνος, οὗ βραχὺ καὶ ἀκαριαῖόν σοι διάστημα ἀφώρισται, καὶ τῆς εἱμαρμένης, ἧς
πόστον εἶ μέρος;
25.
Ἄλλος ἁμαρτάνει. Τί εἰς ἐμέ; Ὄψεται· ἰδίαν ἔχει διάθεσιν, ἰδίαν ἐνέργειαν. Ἐγὼ
νῦν ἔχω, ὅ με θέλει νῦν ἔχειν ἡ κοινὴ φύσις, καὶ πράσσω, ὅ με νῦν πράσσειν
θέλει ἡ ἐμὴ φύσις.
26.
Τὸ ἡγεμονικὸν καὶ κυριεῦον τῆς ψυχῆς σου μέρος ἄτρεπτον ἔστω ὑπὸ τῆς ἐν τῇ
σαρκὶ λείας ἢ τραχείας κινήσεως καὶ μὴ συγκιρνάσθω, ἀλλὰ περιγραφέτω αὑτὸ
καὶ περιοριζέτω τὰς πείσεις ἐκείνας ἐν τοῖς μορίοις. Ὅταν δὲ ἀναδιδῶνται κατὰ
τὴν ἑτέραν συμπάθειαν εἰς τὴν διάνοιαν ὡς ἐν σώματι ἡνωμένῳ, τότε πρὸς μὲν
τὴν αἴσθησιν φυσικὴν οὖσαν οὐ πειρατέον ἀντιβαίνειν, τὴν δὲ ὑπόληψιν τὴν ὡς
περὶ ἀγαθοῦ ἢ κακοῦ μὴ προστιθέτω τὸ ἡγεμονικὸν ἐξ ἑαυτοῦ.
27.
“Συζῆν θεοῖς.” Συζῇ δὲ θεοῖς ὁ συνεχῶς δεικνὺς αὐτοῖς τὴν ἑαυτοῦ ψυχὴν
ἀρεσκομένην μὲν τοῖς ἀπονεμομένοις, ποιοῦσαν δὲ ὅσα βούλεται ὁ δαίμων, ὃν
ἑκάστῳ προστάτην καὶ ἡγεμόνα ὁ Ζεὺς ἔδωκεν, ἀπόσπασμα ἑαυτοῦ. Οὗτος δέ
ἐστιν ὁ ἑκάστου νοῦς καὶ λόγος.
28.
Τῷ γράσωνι μήτι ὀργίζῃ, μήτι τῷ ὀζοστόμῳ ὀργίζῃ; Τί σοι ποιήσει; Τοιοῦτον
στόμα ἔχει, τοιαύτας μάλας ἔχει, ἀνάγκη τοιαύτην ἀποφορὰν ἀπὸ τοιούτων
γίνεσθαι. “Ἀλλ ὁ ἄνθρωπος λόγον ἔχει,” φησί, “καὶ δύναται συννοεῖν ἐφιστάνων
τί πλημμελεῖ.” Εὖ σοι γένοιτο· τοιγαροῦν καὶ σὺ λόγον ἔχεις, κίνησον λογικῇ
διαθέσει λογικὴν διάθεσιν, δεῖξον, ὑπόμνησον· εἰ γὰρ ἐπαΐει, θεραπεύσεις καὶ οὐ
χρεία ὀργῆς. Οὔτε τραγῳδὸς οὔτε πόρνη.
29.
Ὡς ἐξελθὼν ζῆν διανοῇ, οὕτως ἐνταῦθα ζῆν ἔξεστιν· ἐὰν δὲ μὴ ἐπιτρέπωσι, τότε
καὶ τοῦ ζῆν ἔξιθι, οὕτως μέντοι ὡς μηδὲν κακὸν πάσχων. Καπνὸς καὶ ἀπέρχομαι·
τί αὐτὸ πρᾶγμα δοκεῖς; Μέχρι δέ με τοιοῦτον οὐδὲν ἐξάγει, μένω ἐλεύθερος καὶ
οὐδείς με κωλύσει ποιεῖν ἃ θέλω· θέλω δὲ ‹ἃ› κατὰ φύσιν τοῦ λογικοῦ καὶ
κοινωνικοῦ ζῴου.
| [5,20] XX.
A certains égards, l’homme est pour nous tout ce qu’il y a de plus proche, parce que,
dans nos rapports avec nos semblables, nous devons leur faire du bien et les tolérer ;
mais en tant qu’un homme fait obstacle à l’accomplissement de mes devoirs
personnels, l’homme devient alors pour moi un être indifférent, tout, aussi bien
que pourrait l’être, ou le soleil, ou le vent, ou un animal quelconque. Eux aussi, en
certains cas, peuvent arrêter mon activité ; mais, au fond, ce ne sont pas là de vrais
obstacles à ma volonté et à mes dispositions morales, parce que je puis toujours,
ou m’abstraire des choses, ou leur donner un autre tour. La pensée, en effet,
transforme tout ce qui faisait obstacle à notre activité et l’emploie à son premier
dessein ; et alors ce qui vous empêchait d’agir facilite votre action ; ce qui vous
barrait la route vous aide à parcourir cette route même.
XXI.
Entre tous les principes qui forment le monde, honore celui qui est le plus puissant
de tous ; et celui-là, c’est le principe qui met toutes choses en œuvre et qui les
pénètre toutes. Par la même raison, entre les éléments qui sont en toi, honore aussi le
plus élevé et le plus puissant ; car il est de même ordre que le principe universel,
puisque c’est lui qui met en toi tout le reste en action et qui gouverne ta vie.
XXII.
Quand une chose n’est pas nuisible à la cité, elle ne peut pas non plus nuire au
citoyen. En toute circonstance, pour juger si tu as éprouvé quelque dommage,
applique-toi cette règle : « Si l’État n’éprouve aucun tort, moi non plus, je n’en
éprouve aucun. » Si au contraire l’État est lésé, il n’y a point à s’emporter inutilement
contre le coupable ; mais il faut se demander : « En quoi a-t-il manqué au devoir ? »
XXIII.
Considère souvent en ton cœur la rapidité du mouvement qui emporte et fait
disparaître tous les êtres et tous les phénomènes. L’être est comme un fleuve qui
coule perpétuellement ; les forces de la nature sont dans des changements continuels ;
et les causes présentent des milliers de faces diverses. Rien pour ainsi dire n’est
stable ; et cet infini qui est si près de toi est un abîme insondable, où tout s’engloutit,
soit dans le passé, soit dans l’avenir. Ne faut-il pas être insensé pour que tout cela
puisse vous gonfler d’orgueil, ou vous tourmenter, ou vous rendre malheureux,
quand on songe combien de temps dure ce trouble et combien il est peu de chose ?
XXIV.
Pense à la totalité de l’être, dont tu n’es qu’une si faible portion ; a la totalité du
temps, dont un intervalle si étroit et si imperceptible t’a été accordé. Songe à la
destinée tout entière, dont tu es une part. Et quelle part !
XXV.
Un autre commet une faute ; que m’importe a moi ? C’est à lui de voir ; il a
son organisation propre, il a son activité individuelle. Quant à moi, j’ai à cette heure
ce que la commune nature veut que j’aie à cette heure ; et je fais ce que ma nature
veut que je fasse maintenant.
XXVI.
Que la partie de ton âme qui te conduit et te gouverne demeure inaccessible à toute
émotion de la chair, agréable ou pénible. Qu’elle ne se confonde pas avec la
matière à laquelle elle est jointe ; qu’elle se circonscrive elle-même ; et qu’elle relègue
dans les organes matériels ces séductions qui pourraient l’égarer. Mais lorsque, par
suite d’une sympathie d’origine étrangère, ces séductions arrivent jusqu’à la pensée,
grâce au corps qui est uni à l’âme, il ne faut pas essayer de lutter contre la
sensation, puisqu’elle est toute naturelle ; seulement, le principe qui nous
gouverne ne doit point y ajouter de son chef cette idée qu’il y ait là ni un bien ni un
mal.
XXVII.
Vivre avec les Dieux. Or celui-là vit avec les Dieux qui, sans jamais défaillir, leur
présente son âme satisfaite des destinées qui lui sont réparties, exécutant tout ce que
veut le génie que Jupiter a donné à chaque homme pour protecteur et pour guide,
parcelle détachée de lui-même. Et ce génie, c’est l’entendement et la raison
accordée à chacun de nous.
XXVIII.
Est-ce que tu te mets en colère contre quelqu’un parce que sa sueur sent le bouc ? Est-ce
que tu te mets en colère contre quelqu’un qui a mauvaise haleine ? Que peut-il y
faire ? Sa bouche, ses aisselles ont cette odeur ; d’organes ainsi disposés, il sort
nécessairement de pareilles émanations. — « Mais, dira-t-on, l’homme, qui a
l’intelligence en partage, peut trouver moyen de prévenir ces inconvénients. »
Applique-toi cette heureuse réponse ; car toi aussi tu es doué de raison. Provoque
donc en lui, par une disposition raisonnable en toi, une disposition non moins
raisonnable ; indique-lui le remède ; rappelle-lui les moyens de l’employer. S’il
t’écoute, tu le guériras. Mais il n’est que faire de t’emporter ; tu n’as ici besoin, ni des
éclats de voix de l’acteur tragique, ni de la complaisance d’une courtisane.
XXIX.
Dans le monde où tu es, il t’est toujours possible de vivre pendant que tu y restes,
ainsi que tu comptes vivre après que tu en seras sorti. Que si les hommes ne t’en
laissent pas la liberté, alors résous-toi de sortir de la vie, de telle sorte néanmoins que
tu ne croies pas en cela souffrir le moindre mal. — « Il y a ici de la fumée ; je quitte la
place. » Crois-tu que ce soit là, une bien grande affaire ? Mais tant que rien de
semblable ne me force à sortir de ce lieu, j’y demeure, jouissant de ma pleine
liberté ; et qui que-ce puisse être ne m’empêchera jamais d’accomplir ce que je
veux. Or, je veux, conformément à la nature de l’être doué de raison et faisant partie
de la société universelle.
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