[2,17]
Τοῦ ἀνθρωπίνου βίου ὁ μὲν χρόνος στιγμή, ἡ δὲ οὐσία ῥέουσα, ἡ δὲ
αἴσθησις ἀμυδρά, ἡ δὲ ὅλου τοῦ σώματος σύγκρισις εὔσηπτος, ἡ δὲ ψυχὴ
ῥεμβός, ἡ δὲ τύχη δυστέκμαρτον, ἡ δὲ φήμη ἄκριτον· συνελόντι δὲ εἰπεῖν,
πάντα τὰ μὲν τοῦ σώματος ποταμός, τὰ δὲ τῆς ψυχῆς ὄνειρος καὶ τῦφος, ὁ
δὲ βίος πόλεμος καὶ ξένου ἐπιδημία, ἡ δὲ ὑστεροφημία λήθη. Τί οὖν τὸ
παραπέμψαι δυνάμενον; Ἓν καὶ μόνον φιλοσοφία· τοῦτο δὲ ἐν τῷ τηρεῖν
τὸν ἔνδον δαίμονα ἀνύβριστον καὶ ἀσινῆ, ἡδονῶν καὶ πόνων κρείττονα,
μηδὲν εἰκῇ ποιοῦντα μηδὲ διεψευσμένως καὶ μεθ ὑποκρίσεως, ἀνενδεῆ τοῦ
ἄλλον ποιῆσαί τι ἢ μὴ ποιῆσαι· ἔτι δὲ τὰ συμβαίνοντα καὶ ἀπονεμόμενα
δεχόμενον ὡς ἐκεῖθέν ποθεν ἐρχόμενα, ὅθεν αὐτὸς ἦλθεν· ἐπὶ πᾶσι δὲ τὸν
θάνατον ἵλεῳ τῇ γνώμῃ περιμένοντα ὡς οὐδὲν ἄλλο ἢ λύσιν τῶν στοιχείων,
ἐξ ὧν ἕκαστον ζῷον συγκρίνεται. Εἰ δὲ αὐτοῖς τοῖς στοιχείοις μηδὲν δεινὸν
ἐν τῷ ἕκαστον διηνεκῶς εἰς ἕτερον μεταβάλλειν, διὰ τί ὑπίδηταί τις τὴν
πάντων μεταβολὴν καὶ διάλυσιν; Κατὰ φύσιν γάρ· οὐδὲν δὲ κακὸν κατὰ
φύσιν.
{Τὰ ἐν Κουάδοις πρὸς τῷ Γρανούᾳ α΄}
| [2,17]
Le temps que dure la vie de l’homme n’est qu’un point ; son être est
dans un perpétuel écoulement ; ses sensations ne sont que ténèbres. Son
corps composé de tant d’éléments est la proie facile de la corruption ; son
âme est un ouragan ; son destin est une énigme obscure ; sa gloire un non-sens.
En un mot, tout ce qui regarde le corps est un fleuve qui s’écoule ;
tout ce qui regarde l’âme n’est que songe et vanité ; la vie est un combat,
et le voyage d’un étranger ; et la seule renommée qui nous attende après
nous, c’est l’oubli. Qui peut donc nous diriger au milieu de tant d’écueils ?
Il n’y a qu’un seul guide, un seul, c’est la philosophie. Et la
philosophie, c’est de faire en sorte que le génie qui est en nous reste
pur de toute tache et de tout dommage, plus fort que les plaisirs ou les
souffrances, n’agissant en quoi que ce soit ni à la légère, ni avec fausseté
ou dissimulation, sans aucun besoin de savoir ce qu’un autre fait ou ne fait
pas, acceptant les événements de tout ordre et le sort qui lui échoit, comme
une émanation de la source d’où il vient lui-même, et par-dessus tout,
attendant, d’une humeur douce et sereine, la mort, qu’il prend pour la
simple dissolution des éléments dont tout être est composé. Or si, pour les
éléments eux-mêmes, ce n’est point un mal quelconque que de changer
perpétuellement les uns dans les autres, pourquoi regarder d’un mauvais
œil le changement et la dissolution de toutes choses ? Ce changement est
conforme aux lois de la nature ; et dans ce que fait la nature, il n’y a jamais
rien de mal.
Écrit à Carnuntum.
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