Texte grec :
[5] Καίτοι οὐδὲ παραινέσεως οἱ πολλοὶ δεῖν οἴονται σφίσιν ἐπὶ τὸ πρᾶγμα,
οὐ μᾶλλον ἢ τέχνης τινὸς ἐπὶ τὸ βαδίζειν ἢ βλέπειν ἢ ἐσθίειν, ἀλλὰ
πάνυ ῥᾷστον καὶ πρόχειρον καὶ ἅπαντος εἶναι ἱστορίαν συγγράψαι, ἤν τις ἑρμηνεῦσαι
τὸ ἐπελθὸν δύνηται• τὸ δὲ οἶσθά που καὶ αὐτός, ὦ ἑταῖρε, ὡς οὐ τῶν εὐμεταχειρίστων
οὐδὲ ῥαθύμως συντεθῆναι δυναμένων τοῦτ᾽ ἐστίν, (7) ἀλλά, εἴ τι ἐν λόγοις καὶ ἄλλο,
πολλῆς τῆς φροντίδος δεόμενον, ἤν τις, ὡς ὁ Θουκυδίδης φησίν, ἐς ἀεὶ κτῆμα
συντιθείη. Οἶδα μὲν οὖν οὐ πάνυ πολλοὺς αὐτῶν ἐπιστρέψων, ἐνίοις δὲ καὶ πάνυ
ἐπαχθὴς δόξων, καὶ μάλιστα ὁπόσοις ἀποτετέλεσται ἤδη καὶ ἐν τῷ κοινῷ δέδεικται ἡ
ἱστορία. Εἰ δὲ καὶ ἐπῄνηται ὑπὸ τῶν τότε ἀκροασαμένων, μανία ἥ γε ἐλπίς, ὡς οἱ
τοιοῦτοι μεταποιήσουσιν ἢ μετεγγράψουσί τι τῶν ἅπαξ κεκυρωμένων καὶ ὥσπερ ἐς
τὰς βασιλείους αὐλὰς ἀποκειμένων. Ὅμως δὲ οὐ χεῖρον καὶ πρὸς αὐτοὺς ἐκείνους
εἰρῆσθαι, ἵν᾽, εἴ ποτε πόλεμος ἄλλος συσταίη, ἢ Κελτοῖς πρὸς Γέτας ἢ Ἰνδοῖς πρὸς
Βακτρίους — οὐ γὰρ πρὸς ἡμᾶς γε τολμήσειεν ἄν τις, ἁπάντων ἤδη κεχειρωμένων —
ἔχωσιν ἄμεινον συντιθέναι τὸν κανόνα τοῦτον προσάγοντες, ἤνπερ γε δόξῃ αὐτοῖς
ὀρθὸς εἶναι• εἰ δὲ μή, αὐτοὶ μὲν καὶ τότε τῷ αὐτῷ πήχει ὥσπερ καὶ νῦν μετρούντων τὸ
πρᾶγμα• (8) ὁ ἰατρὸς δὲ οὐ πάνυ ἀνιάσεται, ἢν πάντες Ἀβδηρῖται ἑκόντες Ἀνδρομέδαν
τραγῳδῶσι.
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Traduction française :
[5] Cependant la plupart de nos gens croient n'avoir pas plus
besoin de conseils pour leur entreprise qu'il ne faut
d'industrie pour marcher, voir ou manger. Ils s'imaginent
qu'écrire l'histoire est une chose fort aisée, à la portée de tous
ceux qui peuvent exprimer clairement ce qui leur vient à
l'esprit. Pour toi, mon cher, tu sais par ta propre expérience
que ce travail n'est pas de ceux qui se font à la hâte et sans
peine. Il y a besoin là, plus qu'en toute autre espèce d'ouvrage,
d'une réflexion profonde, quand on veut, comme dit
Thucydide, élever un monument éternel. Je suis donc
convaincu que j'en détournerai un bien petit nombre, et que,
d'un autre côté, je me rendrai odieux à quelques-uns, surtout
à ceux qui ont déjà terminé leur histoire et l'ont présentée au
public. En effet, s'ils ont été applaudis par leurs auditeurs,
c'est folie d'espérer qu'ils changeront ou voudront corriger ce
qui a été une fois approuvé et déposé pour ainsi dire dans les
palais des rois. Malgré cela, je ne ferai pas mal de
m'adresser à eux, afin que, s'il s'élève parfois une autre guerre,
entre les Celtes et les Gètes ou bien entre les Indiens et les
Bactriens (car je ne pense pas qu'on ose nous la déclarer,
maintenant que tout est soumis à notre empire), ces écrivains
composent avec plus de goût, lorsqu'ils pourront appliquer à
leurs ouvrages la règle que je leur trace, si toutefois ils la
trouvent juste. Autrement, qu'ils continuent à les mesurer à
l'aune dont ils usent maintenant : le médecin ne sera pas
beaucoup attristé, en voyant que tous les Abdéritains veulent
absolument jouer la tragédie d'Andromède.
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