Texte grec :
[26] Ἐπειδὴ μέντοι ἡ τοῦ λόγου νόησις ἥ τε φράσις τὰ πλείω δι´
ἑκατέρου διέπτυκται, ἴθι δή, {ἂν} τοῦ φραστικοῦ μέρους εἴ τινα
λοιπὰ ἔτι, προσεπιθεασώμεθα. ὅτι μὲν τοίνυν ἡ τῶν κυρίων καὶ
μεγαλοπρεπῶν ὀνομάτων ἐκλογὴ θαυμαστῶς ἄγει καὶ κατακηλεῖ
τοὺς ἀκούοντας καὶ ὡς πᾶσι τοῖς ῥήτορσι καὶ συγγραφεῦσι κατ´
ἄκρον ἐπιτήδευμα, μέγεθος ἅμα κάλλος εὐπίνειαν βάρος ἰσχὺν
κράτος, ἔτι δὲ γάνωσίν τινα, τοῖς λόγοις ὥσπερ ἀγάλμασι
καλλίστοις δι´ αὑτῆς ἐπανθεῖν παρασκευάζουσα, καὶ οἱονεὶ ψυχήν
τινα τοῖς πράγμασι φωνητικὴν ἐντιθεῖσα, μὴ καὶ περιττὸν ᾖ πρὸς
εἰδότας διεξιέναι. φῶς γὰρ τῷ ὄντι ἴδιον τοῦ νοῦ τὰ καλὰ ὀνόματα.
ὁ μέντοι γε ὄγκος αὐτῶν οὐ πάντη χρειώδης, ἐπεὶ τοῖς
μικροῖς πραγματίοις περιτιθέναι μεγάλα καὶ σεμνὰ ὀνόματα
ταὐτὸν ἂν φαίνοιτο ὡς εἴ τις τραγικὸν προσωπεῖον μέγα παιδὶ
περιθείη νηπίῳ· πλὴν ἐν μὲν ποιήσει καὶ ἱστορίᾳ - - -.
- - - πτικώτατον καὶ γόνιμον τὸ δ´ Ἀνακρέοντος οὐκέτι
"Θρηικίης πώλου ἐπιστρέφομαι." ταύτῃ καὶ τὸ τοῦ Θεοπόμπου
ἐκεῖνο ἐπαινετὸν διὰ τὸ ἀνάλογον ἔμοιγε σημαντικώτατα ἔχειν
δοκεῖ· ὅπερ ὁ Καικίλιος οὐκ οἶδ´ ὅπως καταμέμφεται· "δεινὸς
ὤν" φησίν "ὁ Φίλιππος ἀναγκοφαγῆσαι πράγματα." ἔστιν ἄρ´
ὁ ἰδιωτισμὸς ἐνίοτε τοῦ κόσμου παρὰ πολὺ ἐμφανιστικώτερον·
ἐπιγινώσκεται γὰρ αὐτόθεν ἐκ τοῦ κοινοῦ βίου, τὸ δὲ σύνηθες
ἤδη πιστότερον. οὐκοῦν ἐπὶ τοῦ τὰ αἰσχρὰ καὶ ῥυπαρὰ τλημόνως
καὶ μεθ´ ἡδονῆς ἕνεκα πλεονεξίας καρτεροῦντος τὸ ἀναγκοφαγεῖν
τὰ πράγματα ἐναργέστατα παρείληπται. ὧδέ πως ἔχει καὶ τὰ
Ἡροδότεια· "ὁ Κλεομένης" φησί "μανεὶς τὰς ἑαυτοῦ σάρκας
ξιφιδίῳ κατέτεμεν εἰς λεπτά, ἕως ὅλον καταχορδεύων ἑαυτὸν
διέφθειρεν" καὶ "ὁ Πύθης ἕως τοῦδε ἐπὶ τῆς νεὼς ἐμάχετο, ἕως
ἅπας κατεκρεουργήθη." ταῦτα γὰρ ἐγγὺς παραξύει τὸν ἰδιώτην,
ἀλλ´ οὐκ ἰδιωτεύει τῷ σημαντικῶς.
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Traduction française :
[26] CHAPITRE XXVI. Du choix des mots.
Puisque la pensée et la phrase s'expliquent ordinairement l'une par l'autre
: voyons si nous n'avons point encore quelque chose à remarquer dans cette
partie du discours, qui regarde l'expression. Or que le choix des grands
mots et des termes propres, soit d'une merveilleuse vertu pour attacher et
pour émouvoir, c'est ce que personne n'ignore, et sur quoi par conséquent
il serait inutile de s'arrêter. En effet il n'y a peut-être rien d'où les
orateurs et tous les écrivains en général qui s'étudient au sublime, tirent
plus de grandeur, d'élégance, de netteté, de poids, de force, et de vigueur
pour leurs ouvrages, que du choix des paroles. C'est par elles que toutes
ces beautés éclatent dans le discours, comme dans un riche tableau, et
elles donnent aux choses une espèce d'âme et de vie. Enfin les beaux mots
font, à vrai dire, la lumière propre et naturelle de nos pensées. Il faut
prendre garde néanmoins à ne pas faire parade partout d'une vaine enflure
de paroles. Car d'exprimer une chose basse en termes grands et magnifiques,
c'est tout de même que si vous appliquiez un grand masque de théâtre sur
le visage d'un petit enfant: si ce n'est à la vérité dans la poésie. - - -.
Cela se peut voir encore dans un passage de Théopompe
que Cecilius blâme, je ne sais pourquoi, qui me semble au contraire fort à
louer pour sa justesse et par ce qu'il dit beaucoup. "Philippe, dit cet
Historien, boit sans peine les affronts que la nécessité de ses affaires
loblige de souffrir". En effet un discours tout simple exprimera
quelquefois mieux la chose que toute la pompe, et tout lornement, comme on
le voit tous les jours dans les affaires de la vie. Ajoutés qu'une chose
énoncée d'une façon ordinaire se fait aussi plus aisément croire. Ainsi en
parlant d'un homme qui, pour s'agrandir, souffre sans peine, et même avec
plaisir des indignités, ces termes, "boire les affronts", me semblent
signifier beaucoup. Il en est de même de cette expression d'Hérodote.
Cléomène étant devenu furieux, il prit un couteau dont il se hacha la
chair en petits morceaux, et sétant ainsi déchiqueté lui même, il mourut.
Et ailleurs Pythés demeurant toujours dans le vaisseau ne cessa point de
combattre, qu'il neût été haché en pièces. Car ces expressions marquent
un homme qui dit bonnement les choses, et qui n'y entend point de finesse,
et renferment néanmoins en elles un sens qui n'a rien de grossier ni de trivial.
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