Texte grec :
[10] Ἐγὼ δὲ καὶ Θρασύλοχος τοσαύτην φιλίαν παρὰ τῶν πατέρων
παραλαβόντες ὅσην ὀλίγῳ πρότερον διηγησάμην, ἔτι μείζω τῆς
ὑπαρχούσης αὐτὴν ἐποιήσαμεν. Ἕως μὲν γὰρ παῖδες ἦμεν, περὶ πλείονος
ἡμᾶς αὐτοὺς ἡγούμεθα ἢ τοὺς ἀδελφούς, καὶ οὔτε θυσίαν οὔτε θεωρίαν
οὔτ᾽ ἄλλην ἑορτὴν οὐδεμίαν χωρὶς ἀλλήλων ἤγομεν· ἐπειδὴ δ᾽ ἄνδρες
ἐγενόμεθα, οὐδὲν πώποτ᾽ ἐναντίον ἡμῖν αὐτοῖς ἐπράξαμεν, ἀλλὰ καὶ τῶν
ἰδίων ἐκοινωνοῦμεν καὶ πρὸς τὰ τῆς πόλεως ὁμοίως διεκείμεθα καὶ φίλοις
καὶ ξένοις τοῖς αὐτοῖς ἐχρώμεθα. <11> Καὶ τί δεῖ λέγειν τὰς οἴκοι χρήσεις;
ἀλλ᾽ οὐδὲ φυγόντες ἀπ᾽ ἀλλήλων ἠξιώσαμεν γενέσθαι. Τὸ δὲ τελευταῖον
φθόῃ σχόμενον αὐτὸν καὶ πολὺν χρόνον ἀσθενήσαντα, καὶ τοῦ μὲν
ἀδελφοῦ Σωπόλιδος αὐτῷ πρότερον τετελευτηκότος, τῆς δὲ μητρὸς καὶ τῆς
ἀδελφῆς οὔπω παρουσῶν, μετὰ τοσαύτης ἐρημίας γενόμενον οὕτως
ἐπιπόνως καὶ καλῶς αὐτὸν ἐθεράπευσα, ὥστ᾽ ἐκεῖνον μὴ νομίζειν ἀξίαν μοι
δύνασθαι χάριν ἀποδοῦναι τῶν πεπραγμένων. <12> Ὅμως δ᾽ οὐδὲν
ἐνέλιπεν, ἀλλ᾽ ἐπειδὴ πονηρῶς διέκειτο καὶ οὐδεμίαν ἐλπίδ᾽ εἶχε τοῦ βίου,
παρακαλέσας μάρτυρας υἱόν μ᾽ ἐποιήσατο καὶ τὴν ἀδελφὴν τὴν αὑτοῦ καὶ
τὴν οὐσίαν ἔδωκεν. Καί μοι λαβὲ τὰς διαθήκας.
Διαθῆκαι.
Ἀνάγνωθι δή μοι καὶ τὸν νόμον τὸν Αἰγινητῶν· κατὰ γὰρ τοῦτον ἔδει
ποιεῖσθαι τὰς διαθήκας· ἐνθάδε γὰρ μετῳκοῦμεν.
Νόμος.
<13> Κατὰ τουτονὶ τὸν νόμον, ὦ ἄνδρες Αἰγινῆται, υἱόν μ᾽ ἐποιήσατο
Θρασύλοχος, πολίτην μὲν αὑτοῦ καὶ φίλον ὄντα, γεγονότα δ᾽ οὐδενὸς
χεῖρον Σιφνίων, πεπαιδευμένον δ᾽ ὁμοίως αὑτῷ καὶ τεθραμμένον. Ὤστ᾽ οὐκ
οἶδ᾽ ὅπως ἂν μᾶλλον κατὰ τὸν νόμον ἔπραξεν, ὃς τοὺς ὁμοίους κελεύει
παῖδας εἰσποιεῖσθαι. Λαβὲ δή μοι καὶ τὸν Κείων νόμον, καθ᾽ ὃν ἡμεῖς
ἐπολιτευόμεθα.
Νόμος.
<14> Εἰ μὲν τοίνυν, ὦ ἄνδρες Αἰγινῆται, τούτοις μὲν τοῖς νόμοις
ἠναντιοῦντο, τὸν δὲ παρ᾽ αὑτοῖς κείμενον σύνδικον εἶχον, ἧττον ἄξιον ἦν
θαυμάζειν αὐτῶν· νῦν δὲ κἀκεῖνος ὁμοίως τοῖς ἀνεγνωσμένοις κεῖται. Καί
μοι λαβὲ τὸ βιβλίον.
Νόμος.
<15> Τί οὖν ὑπόλοιπόν ἐστιν αὐτοῖς, ὅπου τὰς μὲν διαθήκας αὐτοὶ
προσομολογοῦσι Θρασύλοχον καταλιπεῖν, τῶν δὲ νόμων τούτοις μὲν
οὐδείς, ἐμοὶ δὲ πάντες βοηθοῦσι, πρῶτον μὲν ὁ παρ᾽ ὑμῖν τοῖς μέλλουσι
διαγνώσεσθαι περὶ τοῦ πράγματος, ἔπειθ᾽ ὁ Σιφνίων, ὅθεν ἦν ὁ τὴν
διαθήκην καταλιπών, ἔτι δ᾽ ὁ παρ᾽ αὐτοῖς τοῖς ἀμφισβητοῦσι κείμενος;
καίτοι τίνος ἂν ὑμῖν ἀποσχέσθαι δοκοῦσιν, οἵτινες ζητοῦσι πείθειν ὑμᾶς, ὡς
χρὴ τὰς διαθήκας ἀκύρους ποιῆσαι τῶν μὲν νόμων οὕτως ἐχόντων, ὑμῶν
δὲ κατ᾽ αὐτοὺς ὀμωμοκότων ψηφιεῖσθαι;
<16> Περὶ μὲν οὖν αὐτοῦ τοῦ πράγματος ἱκανῶς ἀποδεδεῖχθαι νομίζω·
ἵνα δὲ μηδεὶς οἴηται μήτ᾽ ἐμὲ διὰ μικρὰς προφάσεις ἔχειν τὸν κλῆρον μήτε
ταύτην ἐπιεικῆ γεγενημένην περὶ Θρασύλοχον ἀποστερεῖσθαι τῶν
χρημάτων, βούλομαι καὶ περὶ τούτων εἰπεῖν. Αἰσχυνθείην γὰρ ἂν ὑπὲρ τοῦ
τετελευτηκότος, εἰ μὴ πάντες πεισθείητε, μὴ μόνον ὡς κατὰ τοὺς νόμους
ἀλλ᾽ ὡς καὶ δικαίως ταῦτ᾽ ἔπραξεν. Ῥᾳδίας δ᾽ ἡγοῦμαι τὰς ἀποδείξεις εἶναι.
<17> Τοσοῦτον γὰρ διηνέγκαμεν ὥσθ᾽ αὕτη μὲν ἡ κατὰ γένος
ἀμφισβητοῦσα πάντα τὸν χρόνον διετέλεσε καὶ πρὸς αὐτὸν ἐκεῖνον καὶ
πρὸς Σώπολιν καὶ πρὸς τὴν μητέρ᾽ αὐτῶν διαφερομένη καὶ δυσμενῶς
ἔχουσα, ἐγὼ δ᾽ οὐ μόνον περὶ Θρασύλοχον καὶ τὸν ἀδελφὸν ἀλλὰ καὶ περὶ
αὐτὴν τὴν οὐσίαν, ἧς ἀμφισβητοῦμεν, φανήσομαι πλείστου τῶν φίλων
ἄξιος γεγενημένος.
<18> Καὶ περὶ μὲν τῶν παλαιῶν πολὺ ἂν ἔργον εἴη λέγειν· ὅτε δὲ
Πασῖνος Πάρον κατέλαβεν, ἔτυχεν αὐτοῖς ὑπεκκείμενα τὰ πλεῖστα τῆς
οὐσίας παρὰ τοῖς ξένοις τοῖς ἐμοῖς· ᾠόμεθα γὰρ μάλιστα ταύτην τὴν νῆσον
ἀσφαλῶς ἔχειν. Ἀπορούντων δ᾽ ἐκείνων καὶ νομιζόντων αὔτ᾽ ἀπολωλέναι,
πλεύσας ἐγὼ τῆς νυκτὸς ἐξεκόμις᾽ αὐτοῖς τὰ χρήματα, κινδυνεύσας περὶ
τοῦ σώματος· ἐφρουρεῖτο μὲν γὰρ ἡ χώρα, <19> συγκατειληφότες δ᾽ ἦσάν
τινες τῶν ἡμετέρων φυγάδων τὴν πόλιν, οἳ μιᾶς ἡμέρας ἀπέκτειναν
αὐτόχειρες γενόμενοι τόν τε πατέρα τὸν ἐμὸν καὶ τὸν θεῖον καὶ τὸν
κηδεστὴν καὶ πρὸς τούτοις ἀνεψιοὺς τρεῖς. Ἀλλ᾽ ὅμως οὐδέν με τούτων
ἀπέτρεψεν, ἀλλ᾽ ᾠχόμην πλέων, ἡγούμενος ὁμοίως με δεῖν ὑπὲρ ἐκείνων
κινδυνεύειν ὥσπερ ὑπὲρ ἐμαυτοῦ.
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Traduction française :
[10] 3. Thrasylochus et moi, ayant reçu de nos pères cette amitié si
intime dont je viens de vous parler, nous la rendîmes plus intime encore.
Tant que dura notre enfance, nous nous donnions mutuellement la
préférence sur nos frères, et nous n'avons pas l'un sans l'autre pris part à
un sacrifice, à une théorie, ou à une fête quelconque. Parvenus à l'âge
d'homme, on ne nous vit jamais agir en opposition l'un à l'autre ; tout fut
par nous mis en commun dans nos affaires domestiques ; nous n'eûmes
qu'un sentiment sur les intérêts de notre pays ; nous eûmes les mêmes
hôtes et les mêmes amis. <11> Mais qu'est-il besoin de parler de nos
rapports dans ma patrie? Même dans l'exil, nous n'avons jamais voulu
être séparés l'un de l'autre. Enfin Thrasylochus, tombé dans un état de
consomption, était malade depuis longtemps; son frère Sopolis était mort ;
sa mère, sa sur, n'étaient pas encore auprès de lui, et, dans ce cruel
isolement, je le soignai avec tant de zèle, tant de dévouement, qu'il
regardait comme impossible de me donner un témoignage de
reconnaissance égal à ce que j'avais fait pour lui. <12> Aussi ne négligea-t-il
rien, et quand son mal s'aggravant ne lui laissa plus l'espérance de
vivre, il fit appeler des témoins, m'adopta comme son fils et me fit don de
sa sur et de sa fortune. Présentez le testament.
LECTURE DU TESTAMENT.
4. Lisez aussi la loi des Eginètes ; car c'est conformément à cette loi
que le testament a dû être fait, puisque c'était à Egine que nous avions
transporté notre demeure.
LECTURE DE LA LOI DES EGINÈTES.
5. <13> Conformément à cette loi, citoyens d'Égine, Thrasylochus a
adopté en moi, pour fils, un de ses concitoyens, son ami, un homme qui,
par sa naissance, n'était inférieur à aucun des Siphniens, un homme enfin
nourri, élevé comme lui. J'ignore donc comment il aurait pu agir d'une
manière plus conforme aux prescriptions d'une loi qui veut que l'adoption
se fasse entre des personnes d'une condition semblable. Lisez aussi la loi
de Céos qui nous régissait.
LECTURE DE LA LOI DE CÉOS.
6. <14> Citoyens d'Egine, si nos adversaires rejetaient ces lois pour
chercher un appui dans celles de leur pays, il faudrait moins s'étonner de
leur conduite ; mais la loi de leur pays contient elle-même des
dispositions semblables à celles qui viennent de vous être lues. Lisez,
maintenant cette loi.
LECTURE DE LA LOI.
7. <15> Que reste-t-il à mes adversaires, puisqu'ils conviennent que
Thrasylochus a laissé ce testament; qu'aucune loi n est favorable à leur
cause, et que toutes prononcent en ma faveur : d'abord la loi qui vous
régit, vous, qui devez décider dans ce litige; ensuite la loi des Siphniens,
c'est-à-dire celle du pays où est né le testateur ; enfin la loi qui est en
vigueur chez mes adversaires eux-mêmes ? De quel crime ne seraient
pas capables des hommes qui cherchent à vous persuader qu'il faut
casser le testament de Thrasylochus, quand les lois sont si positives, et
quand vous avez vous-mêmes fait serment de prendre ces lois pour règle
de vos jugements ?
8. <16> Je crois avoir présenté assez de preuves relativement à
l'affaire considérée en elle-même; mais, afin que personne ne pense que
je possède l'héritage de Thrasylochus pour des raisons d'une faible
valeur, ou bien que cette femme a été privée de sa succession après
avoir rempli ses devoirs envers lui, je veux aussi m'expliquer sur ce sujet.
Je rougirais pour celui qui a cessé de vivre, si vous n'étiez pas tous
persuadés qu'il a non seulement agi en se conformant aux lois, mais qu'il
a suivi les règles de la justice, vérités, selon moi, faciles à démontrer. <17>
Il y a, en effet, une telle différence entre moi et celle qui réclame, à cause
de sa naissance, la succession de Thrasylochus, que, tandis qu'elle n'a
jamais cessé d'être en contestation avec lui, avec Sopolis et avec leur
mère, et de montrer à leur égard des sentiments ennemis, on m'a toujours
vu mériter de Thrasylochus et de son frère plus de reconnaissance
qu'aucun de leurs amis, non seulement par mes soins pour eux, mais par
mon zèle pour la conservation de la fortune qui fait l'objet de notre litige.
9. <18> Ce serait un grand travail de rapporter tous les faits anciens;
mais, lorsque Pasinus se rendit, à l'aide d'une surprise, maître de Paros, il
arriva que la plus grande partie de la fortune de Thrasylochus et de
Sopolis y avait été secrètement déposée chez mes hôtes, parce que nous
avions pensé que cette île devait surtout nous offrir une grande sécurité.
Thrasylochus et Sopolis étaient en proie à la plus grande anxiété ; ils
regardaient leurs richesses comme perdues, lorsque pendant la nuit je
naviguai vers Paros, et, au péril de ma vie, je rapportai l'argent qui leur
appartenait : car la campagne était gardée ; <19> quelques-uns de nos
bannis avaient surpris la ville, et en un seul jour avaient assassiné mon
père, mon oncle, trois de mes cousins, et mon beau-frère. Aucun de ces
malheurs cependant n'avait pu me détourner de ma résolution, et j'avais
fait voile, croyant devoir m'exposer pour eux comme pour moi-même.
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