Texte grec :
[19,250] σήματ᾽ ἀναγνούσῃ τά οἱ ἔμπεδα πέφραδ᾽ Ὀδυσσεύς.
ἡ δ᾽ ἐπεὶ οὖν τάρφθη πολυδακρύτοιο γόοιο.
καὶ τότε μιν μύθοισιν ἀμειβομένη προσέειπε·
"νῦν μὲν δή μοι, ξεῖνε, πάρος περ ἐὼν ἐλεεινός,
ἐν μεγάροισιν ἐμοῖσι φίλος τ᾽ ἔσῃ αἰδοῖός τε·
255 αὐτὴ γὰρ τάδε εἵματ᾽ ἐγὼ πόρον, οἷ᾽ ἀγορεύεις,
πτύξασ᾽ ἐκ θαλάμου, περόνην τ᾽ ἐπέθηκα φαεινὴν
κείνῳ ἄγαλμ᾽ ἔμεναι· τὸν δ᾽ οὐχ ὑποδέξομαι αὖτις
οἴκαδε νοστήσαντα φίλην ἐς πατρίδα γαῖαν.
τῷ ῥα κακῇ αἴσῃ κοίλης ἐπὶ νηὸς Ὀδυσσεὺς
260 ᾤχετ᾽ ἐποψόμενος Κακοΐλιον οὐκ ὀνομαστήν."
τὴν δ᾽ ἀπαμειβόμενος προσέφη πολύμητις Ὀδυσσεύς·
"ὦ γύναι αἰδοίη Λαερτιάδεω Ὀδυσῆος,
μηκέτι νῦν χρόα καλὸν ἐναίρεο, μηδέ τι θυμὸν
τῆκε, πόσιν γοόωσα. νεμεσσῶμαί γε μὲν οὐδέν·
265 καὶ γάρ τίς τ᾽ ἀλλοῖον ὀδύρεται ἄνδρ᾽ ὀλέσασα
κουρίδιον, τῷ τέκνα τέκῃ φιλότητι μιγεῖσα,
ἢ Ὀδυσῆ᾽, ὅν φασι θεοῖς ἐναλίγκιον εἶναι.
ἀλλὰ γόου μὲν παῦσαι, ἐμεῖο δὲ σύνθεο μῦθον·
νημερτέως γάρ τοι μυθήσομαι οὐδ᾽ ἐπικεύσω
270 ὡς ἤδη Ὀδυσῆος ἐγὼ περὶ νόστου ἄκουσα
ἀγχοῦ, Θεσπρωτῶν ἀνδρῶν ἐν πίονι δήμῳ,
ζωοῦ· αὐτὰρ ἄγει κειμήλια πολλὰ καὶ ἐσθλὰ
αἰτίζων ἀνὰ δῆμον. ἀτὰρ ἐρίηρας ἑταίρους
ὤλεσε καὶ νῆα γλαφυρὴν ἐνὶ οἴνοπι πόντῳ,
275 Θρινακίης ἄπο νήσου ἰών· ὀδύσαντο γὰρ αὐτῷ
Ζεύς τε καὶ Ἠέλιος· τοῦ γὰρ βόας ἔκταν ἑταῖροι.
οἱ μὲν πάντες ὄλοντο πολυκλύστῳ ἐνὶ πόντῳ·
τὸν δ᾽ ἄρ᾽ ἐπὶ τρόπιος νεὸς ἔκβαλε κῦμ᾽ ἐπὶ χέρσου,
Φαιήκων ἐς γαῖαν, οἳ ἀγχίθεοι γεγάασιν,
280 οἳ δή μιν περὶ κῆρι θεὸν ὣς τιμήσαντο
καί οἱ πολλὰ δόσαν πέμπειν τέ μιν ἤθελον αὐτοὶ
οἴκαδ᾽ ἀπήμαντον. καί κεν πάλαι ἐνθάδ᾽ Ὀδυσσεὺς
ἤην· ἀλλ᾽ ἄρα οἱ τό γε κέρδιον εἴσατο θυμῷ,
χρήματ᾽ ἀγυρτάζειν πολλὴν ἐπὶ γαῖαν ἰόντι·
285 ὣς περὶ κέρδεα πολλὰ καταθνητῶν ἀνθρώπων
οἶδ᾽ Ὀδυσεύς, οὐδ᾽ ἄν τις ἐρίσσειε βροτὸς ἄλλος.
ὥς μοι Θεσπρωτῶν βασιλεὺς μυθήσατο Φείδων·
ὤμνυε δὲ πρὸς ἔμ᾽ αὐτόν, ἀποσπένδων ἐνὶ οἴκῳ,
νῆα κατειρύσθαι καὶ ἐπαρτέας ἔμμεν ἑταίρους,
290 οἳ δή μιν πέμψουσι φίλην ἐς πατρίδα γαῖαν.
ἀλλ᾽ ἐμὲ πρὶν ἀπέπεμψε· τύχησε γὰρ ἐρχομένη νηῦς
ἀνδρῶν Θεσπρωτῶν ἐς Δουλίχιον πολύπυρον.
καί μοι κτήματ᾽ ἔδειξεν, ὅσα ξυναγείρατ᾽ Ὀδυσσεύς·
καί νύ κεν ἐς δεκάτην γενεὴν ἕτερόν γ᾽ ἔτι βόσκοι,
295 ὅσσα οἱ ἐν μεγάροις κειμήλια κεῖτο ἄνακτος.
τὸν δ᾽ ἐς Δωδώνην φάτο βήμεναι, ὄφρα θεοῖο
ἐκ δρυὸς ὑψικόμοιο Διὸς βουλὴν ἐπακούσαι,
ὅππως νοστήσειε φίλην ἐς πατρίδα γαῖαν
ἤδη δὴν ἀπεών, ἤ ἀμφαδὸν ἦε κρυφηδόν.
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Traduction française :
[19,250] elle avait reconnu les signes qu'Ulysse
lui décrivait avec tant de précision. Quand elle se fut
rassasiée de pleurs et de gémissements, elle reprit encore
la parole et lui dit : «Désormais, ô mon hôte, que j'avais
déjà pris en grande pitié, tu seras en ma maison chéri
et respecté de moi : car c'est moi-même qui lui donnai
les vêtements dont tu parles, qui les avais pris tout pliés
dans la chambre de réserve, qui y avais adapté une agrafe
brillante, pour être la parure d'Ulysse. Non, je ne le recevrai
point de retour sur la terre de son pays. C'est pour
un destin funeste que sur son vaisseau creux Ulysse s'en
alla voir cette Ilios de malheur à l'exécrable nom.»
Ulysse l'avisé lui répondit : « Digne femme d'Ulysse, le
fils de Laerte, cesse de détruire ton beau visage et ne fonds
plus ton coeur à pleurer ton mari. Je suis certes loin de
t'en blâmer; tu n'es pas la première qui se lamente sur la
mort d'un époux chéri, pour qui elle conçut des enfants
dans l'étreinte de l'amour, fût-il inférieur à Ulysse, que
l'on dit semblable aux dieux. Mais cesse de gémir et
écoute-moi bien : car, c'est la vérité que je vais dire,
toute la vérité. Sache donc ce que j'ai appris sur le retour
d'Ulysse. Il n'est pas loin d'ici, dans l'opulente terre de
Thesprotie; il vit et même il vous apporte une foule
d'objets précieux, qu'il a quêtés parmi le peuple. Mais ses
compagnons tant aimés et avec eux son vaisseau creux,
il a tout perdu dans la mer vineuse, en partant de l'île
Thrinacie : car il avait contre lui Zeus et Hélios, dont les
boeufs furent tués par ses compagnons. Ceux-ci ont tous
péri dans la mer aux flots soulevés; mais lui se tint sur
la quille de son vaisseau et la vague le jeta sur le rivage,
à la terre des Phéaciens, un peuple égal aux dieux. Ils
l'accueillirent de grand coeur, l'honorèrent comme une
divinité, lui firent toute sorte de présents, et ils voulaient
le ramener eux-mêmes chez lui, sain et sauf. Il y a
longtemps qu'Ulysse serait ici; mais il se dit qu'il valait
mieux d'abord s'en aller par le monde en quête de
richesses : car Ulysse pour la ruse n'a pas d'égal parmi
les mortels, et nul sur ce point ne pourrait rivaliser avec
lui. Voilà ce que m'a raconté Phidon, le roi des Thesprotes,
et faisant des libations dans sa demeure, il me
jurait à moi, qu'un vaisseau était à la mer et que des
gens se tenaient prêts qui devaient le reconduire dans la
terre de son pays. Mais il me fit partir avant ce moment :
car il se trouva qu'un vaisseau allait mettre à la voile
pour Doulichion, féconde en blé. Il me montra toutes
les richesses qu'Ulysse avait amassées : il y avait là de
quoi entretenir une famille jusqu'à la dixième génération :
si grands étaient les trésors déposés dans la maison
du prince. Celui-ci me dit encore qu'Ulysse était allé à
Dodone pour y entendre la voix divine de Zeus, sortant
du chêne à la haute chevelure, et savoir de lui
comment, après sa longue absence, il devait rentrer dans
la terre de son pays, ouvertement ou en secret.
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