Texte grec :
[16,100] ἢ παῖς ἐξ Ὀδυσῆος ἀμύμονος ἠὲ καὶ αὐτός·
102 αὐτίκ᾽ ἔπειτ᾽ ἀπ᾽ ἐμεῖο κάρη τάμοι ἀλλότριος φώς,
εἰ μὴ ἐγὼ κείνοισι κακὸν πάντεσσι γενοίμην,
ἐλθὼν ἐς μέγαρον Λαερτιάδεω Ὀδυσῆος.
105 εἰ δ᾽ αὖ με πληθυῖ δαμασαίατο μοῦνον ἐόντα,
βουλοίμην κ᾽ ἐν ἐμοῖσι κατακτάμενος μεγάροισι
τεθνάμεν ἢ τάδε γ᾽ αἰὲν ἀεικέα ἔργ᾽ ὁράασθαι,
ξείνους τε στυφελιζομένους δμῳάς τε γυναῖκας
ῥυστάζοντας ἀεικελίως κατὰ δώματα καλά,
110 καὶ οἶνον διαφυσσόμενον, καὶ σῖτον ἔδοντας
μὰψ αὔτως, ἀτέλεστον, ἀνηνύστῳ ἐπὶ ἔργῳ."
τὸν δ᾽ αὖ Τηλέμαχος πεπνυμένος ἀντίον ηὔδα·
"τοιγὰρ ἐγώ τοι, ξεῖνε, μάλ᾽ ἀτρεκέως ἀγορεύσω.
οὔτε τί μοι πᾶς δῆμος ἀπεχθόμενος χαλεπαίνει,
115 οὔτε κασιγνήτοις ἐπιμέμφομαι, οἷσί περ ἀνὴρ
μαρναμένοισι πέποιθε, καὶ εἰ μέγα νεῖκος ὄρηται.
ὧδε γὰρ ἡμετέρην γενεὴν μούνωσε Κρονίων·
μοῦνον Λαέρτην Ἀρκείσιος υἱὸν ἔτικτε,
μοῦνον δ᾽ αὖτ᾽ Ὀδυσῆα πατὴρ τέκεν· αὐτὰρ Ὀδυσσεὺς
120 μοῦνον ἔμ᾽ ἐν μεγάροισι τεκὼν λίπεν οὐδ᾽ ἀπόνητο.
τῷ νῦν δυσμενέες μάλα μυρίοι εἴσ᾽ ἐνὶ οἴκῳ.
ὅσσοι γὰρ νήσοισιν ἐπικρατέουσιν ἄριστοι,
Δουλιχίῳ τε Σάμῃ τε καὶ ὑλήεντι Ζακύνθῳ,
ἠδ᾽ ὅσσοι κραναὴν Ἰθάκην κάτα κοιρανέουσι,
125 τόσσοι μητέρ᾽ ἐμὴν μνῶνται, τρύχουσι δὲ οἶκον.
ἡ δ᾽ οὔτ᾽ ἀρνεῖται στυγερὸν γάμον οὔτε τελευτὴν
ποιῆσαι δύναται· τοὶ δὲ φθινύθουσιν ἔδοντες
οἶκον ἐμόν· τάχα δή με διαρραίσουσι καὶ αὐτόν.
ἀλλ᾽ ἦ τοι μὲν ταῦτα θεῶν ἐν γούνασι κεῖται·
130 ἄττα, σὺ δ᾽ ἔρχεο θᾶσσον, ἐχέφρονι Πηνελοπείῃ
εἴφ᾽ ὅτι οἱ σῶς εἰμὶ καὶ ἐκ Πύλου εἰλήλουθα.
αὐτὰρ ἐγὼν αὐτοῦ μενέω, σὺ δὲ δεῦρο νέεσθαι,
οἴῃ ἀπαγγείλας· τῶν δ᾽ ἄλλων μή τις Ἀχαιῶν
πευθέσθω· πολλοὶ γὰρ ἐμοὶ κακὰ μηχανόωνται."
135 τὸν δ᾽ ἀπαμειβόμενος προσέφης, Εὔμαιε συβῶτα·
"γιγνώσκω, φρονέω· τά γε δὴ νοέοντι κελεύεις.
ἀλλ᾽ ἄγε μοι τόδε εἰπὲ καὶ ἀτρεκέως κατάλεξον,
ἦ καὶ Λαέρτῃ αὐτὴν ὁδὸν ἄγγελος ἔλθω
δυσμόρῳ, ὃς τῆος μὲν Ὀδυσσῆος μέγ᾽ ἀχεύων
140 ἔργα τ᾽ ἐποπτεύεσκε μετὰ δμώων τ᾽ ἐνὶ οἴκῳ
πῖνε καὶ ἦσθ᾽, ὅτε θυμὸς ἐνὶ στήθεσσιν ἀνώγοι·
αὐτὰρ νῦν, ἐξ οὗ σύ γε ᾤχεο νηῒ Πύλονδε,
οὔ πω μίν φασιν φαγέμεν καὶ πιέμεν αὔτως,
οὐδ᾽ ἐπὶ ἔργα ἰδεῖν, ἀλλὰ στοναχῇ τε γόῳ τε
145 ἧσται ὀδυρόμενος, φθινύθει δ᾽ ἀμφ᾽ ὀστεόφι χρώς."
τὸν δ᾽ αὖ Τηλέμαχος πεπνυμένος ἀντίον ηὔδα·
"ἄλγιον, ἀλλ᾽ ἔμπης μιν ἐάσομεν, ἀχνύμενοί περ·
εἰ γὰρ πως εἴη αὐτάγρετα πάντα βροτοῖσι,
πρῶτόν κεν τοῦ πατρὸς ἑλοίμεθα νόστιμον ἦμαρ.
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Traduction française :
[16,100] Que ne suis-je le fils de l'irréprochable Ulysse,
ou Ulysse lui-même, revenu de ses courses errantes, car tout
espoir n'est pas perdu !
Je consentirais que sur l'heure un étranger me coupât la tête,
si je ne devenais pas, entrant dans le manoir d'Ulysse,
fils de Laerte, un fléau pour ces gens-là. Si, étant seul,
j'étais dompté par le nombre, j'aimerais mieux mourir
assassiné en ma demeure, que de voir tous les jours ces
actions honteuses, des hôtes maltraités, des servantes
indignement violentées dans les belles pièces de la maison,
mon vin complètement vidé, mes vivres dévorés follement,
un gaspillage incessant et absurde. »
Le sage Télémaque lui répondit : « Eh bien donc, mon
hôte, je vais tout te dire très exactement. Ce n'est pas
tout mon peuple qui me hait et me moleste; je n'ai aucun
reproche à faire à des frères, qui, d'ordinaire, rendent
confiance à leur frère en combattant pour lui, quelle que
soit la grandeur du péril. Le fils de Cronos n'a voulu
donner à notre race que des fils uniques : Arcisios n'engendra
qu'un fils, Laerte; Laerte ne fut le père que du seul
Ulysse; Ulysse, après m'avoir engendré, ne laissa que moi
au manoir, et il n'a pas joui de son fils ! Et, par suite, ma
maison est envahie par ùne multitude d'ennemis : car
tous les souverains de nos îles, Doulichion, Samé, Zacynthe
couverte de forêts, et tous les princes de la rocheuse
Ithaque, tous recherchent ma mère, et consument mon
bien. Elle, sans repousser un mariage qui lui est odieux,
ne peut non plus s'y résoudre; et les prétendants dilapident
et dévorent mon avoir; bientôt ils me perdront moi-même.
Mais tout cela repose sur les genoux des dieux.
Mon petit père, va-t'en vite; annonce à la sage Pénélope
que je suis sauf et revenu de Pylos. Moi, je resterai ici;
toi, va là-bas lui porter la nouvelle, à elle seule; veille
qu'aucun Achéen ne la connaisse; car il y en a beaucoup
qui me veulent du mal.
Tu lui dis en réponse, porcher Eumée : « Je le comprends;
j'y songe; j'avais déjà dans l'esprit ce que tu
ordonnes. Mais, dis-moi ceci et réponds-moi en tout avec
exactitude : dois-je aussi, dans la même course, aller
chez Laerte, et lui annoncer la nouvelle? Il est si malheureux!
Ulysse auparavant lui causait grande affliction;
cependant il surveillait encore ses cultures, et en son
logis il buvait et mangeait avec ses serviteurs, quand
dans sa poitrine son coeur l'en pressait. Mais maintenant,
depuis que tu t'en es allé sur ton vaisseau à
Pylos, on dit qu'il ne mange et boit plus comme d'habitude;
il ne va plus surveiller ses travaux; il reste assis à pleurer,
gémir et sangloter, et sa peau se dessèche sur ses os. »
Le sage Télémaque lui répondit : « C'est déplorable !
Laissons-le pourtant, quel que soit notre chagrin ! Si
en toutes choses les mortels avaient le libre choix, c'est
d'abord le jour du retour pour mon père que nous prendrions.
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