Texte grec :
[16,150] ἀλλὰ σύ γ᾽ ἀγγείλας ὀπίσω κίε, μηδὲ κατ᾽ ἀγροὺς
πλάζεσθαι μετ᾽ ἐκεῖνον· ἀτὰρ πρὸς μητέρα εἰπεῖν
ἀμφίπολον ταμίην ὀτρυνέμεν ὅττι τάχιστα
κρύβδην· κείνη γὰρ κεν ἀπαγγείλειε γέροντι."
ἦ ῥα καὶ ὦρσε συφορβόν· ὁ δ᾽ εἵλετο χερσὶ πέδιλα,
155 δησάμενος δ᾽ ὑπὸ ποσσὶ πόλινδ᾽ ἴεν. οὐδ᾽ ἄρ᾽ Ἀθήνην
λῆθεν ἀπὸ σταθμοῖο κιὼν Εὔμαιος ὑφορβός,
ἀλλ᾽ ἥ γε σχεδὸν ἦλθε· δέμας δ᾽ ἤϊκτο γυναικὶ
καλῇ τε μεγάλῃ τε καὶ ἀγλαὰ ἔργα ἰδυίῃ.
στῆ δὲ κατ᾽ ἀντίθυρον κλισίης Ὀδυσῆϊ φανεῖσα·
160 οὐδ᾽ ἄρα Τηλέμαχος ἴδεν ἀντίον οὐδ᾽ ἐνόησεν,
οὐ γὰρ πω πάντεσσι θεοὶ φαίνονται ἐναργεῖς,
ἀλλ᾽ Ὀδυσεύς τε κύνες τε ἴδον, καί ῥ᾽ οὐχ ὑλάοντο
κνυζηθμῷ δ᾽ ἑτέρωσε διὰ σταθμοῖο φόβηθεν.
ἡ δ᾽ ἄρ᾽ ἐπ᾽ ὀφρύσι νεῦσε· νόησε δὲ δῖος Ὀδυσσεύς,
165 ἐκ δ᾽ ἦλθεν μεγάροιο παρὲκ μέγα τειχίον αὐλῆς,
στῆ δὲ πάροιθ᾽ αὐτῆς· τὸν δὲ προσέειπεν Ἀθήνη·
"διογενὲς Λαερτιάδη, πολυμήχαν᾽ Ὀδυσσεῦ.
ἤδη νῦν σῷ παιδὶ ἔπος φάο μηδ᾽ ἐπίκευθε,
ὡς ἄν μνηστῆρσιν θάνατον καὶ κῆρ᾽ ἀραρόντε
170 ἔρχησθον προτὶ ἄστυ περικλυτόν· οὐδ᾽ ἐγὼ αὐτὴ
δηρὸν ἀπὸ σφῶϊν ἔσομαι μεμαυῖα μάχεσθαι."
ἦ καὶ χρυσείῃ ῥάβδῳ ἐπεμάσσατ᾽ Ἀθήνη.
φᾶρος μέν οἱ πρῶτον ἐϋπλυνὲς ἠδὲ χιτῶνα
θῆκ᾽ ἀμφὶ στήθεσσι, δέμας δ᾽ ὤφελλε καὶ ἥβην.
175 ἂψ δὲ μελαγχροιὴς γένετο, γναθμοὶ δὲ τάνυσθεν,
κυάνεαι δ᾽ ἐγένοντο γενειάδες ἀμφὶ γένειον.
ἡ μὲν ἄρ᾽ ὣς ἔρξασα πάλιν κίεν· αὐτὰρ Ὀδυσσεὺς
ἤϊεν ἐς κλισίην· θάμβησε δέ μιν φίλος υἱός,
ταρβήσας δ᾽ ἑτέρωσε βάλ᾽ ὄμματα, μὴ θεὸς εἴη,
180 καί μιν φωνήσας ἔπεα πτερόεντα προσηύδα·
"ἀλλοῖός μοι, ξεῖνε, φάνης νέον ἠὲ πάροιθεν,
ἄλλα δὲ εἵματ᾽ ἔχεις, καί τοι χρὼς οὐκέθ᾽ ὁμοῖος.
ἦ μάλα τις θεός ἐσσι, τοὶ οὐρανὸν εὐρὺν ἔχουσιν·
ἀλλ᾽ ἵληθ᾽, ἵνα τοι κεχαρισμένα δώομεν ἱρὰ
185 ἠδὲ χρύσεα δῶρα, τετυγμένα· φείδεο δ᾽ ἡμέων"
τὸν δ᾽ ἠμείβετ᾽ ἔπειτα πολύτλας δῖος Ὀδυσσεύς·
"οὔ τίς τοι θεός εἰμι· τί μ᾽ ἀθανάτοισιν ἐΐσκεις;
ἀλλὰ πατὴρ τεός εἰμι, τοῦ εἵνεκα σὺ στεναχίζων
πάσχεις ἄλγεα πολλά, βίας ὑποδέγμενος ἀνδρῶν."
190 ὣς ἄρα φωνήσας υἱὸν κύσε, κὰδ δὲ παρειῶν
δάκρυον ἧκε χαμᾶζε· πάρος δ᾽ ἔχε νωλεμὲς αἰεί.
Τηλέμαχος δ᾽, οὐ γάρ πω ἐπείθετο ὃν πατέρ᾽ εἶναι,
ἐξαῦτίς μιν ἔπεσσιν ἀμειβόμενος προσέειπεν·
"οὐ σύ γ᾽ Ὀδυσσεύς ἐσσι, πατὴρ ἐμός, ἀλλά με δαίμων
195 θέλγει, ὄφρ᾽ ἔτι μᾶλλον ὀδυρόμενος στεναχίζω.
οὐ γάρ πως ἂν θνητὸς ἀνὴρ τάδε μηχανόῳτο
ᾧ αὐτοῦ γε νόῳ, ὅτε μὴ θεὸς αὐτὸς ἐπελθὼν
ῥηϊδίως ἐθέλων θείη νέον ἠὲ γέροντα.
ἦ γάρ τοι νέον ἦσθα γέρων καὶ ἀεικέα ἕσσο·
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Traduction française :
[16,150] Toi, la nouvelle donnée, reviens sur tes pas; ne
va pas errer par les champs à la recherche de Laerte;
ordonne à une intendante de parler au plus vite en secret
à ma mère, qui pourra ensuite informer le vieillard. »
Il dit, et fit partir le porcher. Celui-ci prit en mains
ses sandales et, les ayant attachées sous ses pieds, il alla
vers la ville. Quand Athéné, qui attendait ce départ, vit
le porcher Eumée s'éloigner de la ferme, elle parut elle-même
à la porte. Elle avait pris l'aspect d'une femme
belle, grande et experte aux fins ouvrages. Elle s'arrêta
à l'entrée de la cabane, ne se montrant qu'à Ulysse.
Télémaque ne la vit pas en face de lui, ne s'aperçut de
rien. Car les dieux n'apparaissent pas et ne se font pas
reconnaître à tous les yeux. Par contre, Ulysse la vit, les
chiens de même, mais ils n'aboyaient pas; ils fuyaient
d'un autre côté à travers l'étable en grondant. La
déesse fit un signe de ses sourcils, et l'illustre Ulysse
comprit. Il sortit de la salle : arrivé au delà du grand mur
de la cour, il s'arrêta devant elle, et Athéné lui adressa
ces mots : « Nourrisson de Zeus, fils de Laerte, Ulysse
aux mille expédients, voici maintenant le moment de
parler à ton enfant, sans lui rien cacher, de vous concerter
sur la mort et la kère des prétendants, et de gagner
l'illustre ville. Moi, je ne serai pas longtemps loin de
vous; car je brûle de combattre. » A ces mots, Athéné
le toucha de sa baguette d'or. Elle mit d'abord un manteau
bien lavé et une tunique autour de sa poitrine; elle
lui donna plus de taille et de jeunesse. Il reprit sa peau
brune; ses joues se remplirent; une barbe d'un beau
noir encadrait son menton. Ce changement accompli, elle
s'en alla, et Ulysse entra dans la cabane. Son fils fut frappé
d'étonnement, et saisi d'effroi, il jeta les yeux d'un
autre côté, craignant que ce ne fût un dieu. Puis, élevant
la voix, il lui adressa ces paroles ailées : « Étranger, tu te
montres à présent sous un autre aspect que naguère : tu
as d'autres vêtements; ta peau n'a plus le même teint.
Sans doute, tu es l'un des dieux qui habitent le vaste
ciel. Sois-nous propice; je veux t'offrir des sacrifices qui
t'agréent, des présents d'or, bien ouvragés; épargne-nous »
L'illustre Ulysse, modèle de patience, lui répondit :
« Je ne suis pas un dieu; pourquoi me comparer
aux Immortels? Je suis ton père, pour lequel tu gémis et
souffres tant de maux, sans cesse exposé à la violence
des hommes. »
Ayant ainsi parlé, il baisa son fils, et le long de ses
joues, il laissa ses larmes tomber à terre; auparavant,
il n'avait jamais cessé de les retenir. Mais Télémaque,
qui ne croyait pas encore que ce fût vraiment son père,
lui dit derechef ces paroles en réponse : « Non ! Tu n'es
pas Ulysse, mon père; une divinité me leurre, pour que je
pleure et gémisse encore plus. Un mortel ne pourrait pas
réaliser de tels prodiges par la seule puissance de son
esprit et sans le secours d'un dieu capable, s'il lui plaît,
de rendre un homme, au gré de son caprice, ou jeune ou
vieux. Tout à l'heure, tu étais un vieillard, couvert de
vêtements sordides;
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