Texte grec :
[11,550] Αἴανθ᾽, ὃς πέρι μὲν εἶδος, πέρι δ᾽ ἔργα τέτυκτο
τῶν ἄλλων Δαναῶν μετ᾽ ἀμύμονα Πηλεΐωνα.
τὸν μὲν ἐγὼν ἐπέεσσι προσηύδων μειλιχίοισιν·
" Αἶαν, παῖ Τελαμῶνος ἀμύμονος, οὐκ ἄρ᾽ ἔμελλες
οὐδὲ θανὼν λήσεσθαι ἐμοὶ χόλου εἵνεκα τευχέων
555 οὐλομένων; τὰ δὲ πῆμα θεοὶ θέσαν Ἀργείοισι,
τοῖος γάρ σφιν πύργος ἀπώλεο· σεῖο δ᾽ Ἀχαιοὶ
ἶσον Ἀχιλλῆος κεφαλῇ Πηληϊάδαο
ἀχνύμεθα φθιμένοιο διαμπερές· οὐδέ τις ἄλλος
αἴτιος, ἀλλὰ Ζεὺς Δαναῶν στρατὸν αἰχμητάων
560 ἐκπάγλως ἤχθηρε, τεῒν δ᾽ ἐπὶ μοῖραν ἔθηκεν.
ἀλλ᾽ ἄγε δεῦρο, ἄναξ, ἵν᾽ ἔπος καὶ μῦθον ἀκούσῃς
ἡμέτερον· δάμασον δὲ μένος καὶ ἀγήνορα θυμόν.᾽
"ὣς ἐφάμην, ὁ δέ μ᾽ οὐδὲν ἀμείβετο, βῆ δὲ μετ᾽ ἄλλας
ψυχὰς εἰς Ἔρεβος νεκύων κατατεθνηώτων.
565 ἔνθα χ᾽ ὅμως προσέφη κεχολωμένος, ἤ κεν ἐγὼ τόν·
ἀλλά μοι ἤθελε θυμὸς ἐνὶ στήθεσσι φίλοισι
τῶν ἄλλων ψυχὰς ἰδέειν κατατεθνηώτων.
"ἔνθ᾽ ἦ τοι Μίνωα ἴδον, Διὸς ἀγλαὸν υἱόν,
χρύσεον σκῆπτρον ἔχοντα, θεμιστεύοντα νέκυσσιν,
570 ἥμενον, οἱ δέ μιν ἀμφὶ δίκας εἴροντο ἄνακτα,
ἥμενοι ἑσταότες τε κατ᾽ εὐρυπυλὲς Ἄϊδος δῶ.
"τὸν δὲ μετ᾽ Ὠρίωνα πελώριον εἰσενόησα
θῆρας ὁμοῦ εἰλεῦντα κατ᾽ ἀσφοδελὸν λειμῶνα,
τοὺς αὐτὸς κατέπεφνεν ἐν οἰοπόλοισιν ὄρεσσι
575 χερσὶν ἔχων ῥόπαλον παγχάλκεον, αἰὲν ἀαγές.
"καὶ Τιτυὸν εἶδον, Γαίης ἐρικυδέος υἱόν,
κείμενον ἐν δαπέδῳ· ὁ δ᾽ ἐπ᾽ ἐννέα κεῖτο πέλεθρα,
γῦπε δέ μιν ἑκάτερθε παρημένω ἧπαρ ἔκειρον,
δέρτρον ἔσω δύνοντες, ὁ δ᾽ οὐκ ἀπαμύνετο χερσί·
580 Λητὼ γὰρ ἕλκησε, Διὸς κυδρὴν παράκοιτιν,
Πυθώδ᾽ ἐρχομένην διὰ καλλιχόρου Πανοπῆος.
"καὶ μὴν Τάνταλον εἰσεῖδον κρατέρ᾽ ἄλγε᾽ ἔχοντα
ἑστεῶτ᾽ ἐν λίμνῃ· ἡ δὲ προσέπλαζε γενείῳ·
στεῦτο δὲ διψάων, πιέειν δ᾽ οὐκ εἶχεν ἑλέσθαι·
585 ὁσσάκι γὰρ κύψει᾽ ὁ γέρων πιέειν μενεαίνων,
τοσσάχ᾽ ὕδωρ ἀπολέσκετ᾽ ἀναβροχέν, ἀμφὶ δὲ ποσσὶ
γαῖα μέλαινα φάνεσκε, καταζήνασκε δὲ δαίμων.
δένδρεα δ᾽ ὑψιπέτηλα κατὰ κρῆθεν χέε καρπόν,
ὄγχναι καὶ ῥοιαὶ καὶ μηλέαι ἀγλαόκαρποι
590 συκέαι τε γλυκεραὶ καὶ ἐλαῖαι τηλεθόωσαι·
τῶν ὁπότ᾽ ἰθύσει᾽ ὁ γέρων ἐπὶ χερσὶ μάσασθαι,
τὰς δ᾽ ἄνεμος ῥίπτασκε ποτὶ νέφεα σκιόεντα.
"καὶ μὴν Σίσυφον εἰσεῖδον κρατέρ᾽ ἄλγε᾽ ἔχοντα
λᾶαν βαστάζοντα πελώριον ἀμφοτέρῃσιν.
595 ἦ τοι ὁ μὲν σκηριπτόμενος χερσίν τε ποσίν τε
λᾶαν ἄνω ὤθεσκε ποτὶ λόφον· ἀλλ᾽ ὅτε μέλλοι
ἄκρον ὑπερβαλέειν, τότ᾽ ἀποστρέψασκε κραταιίς·
αὖτις ἔπειτα πέδονδε κυλίνδετο λᾶας ἀναιδής.
αὐτὰρ ὅ γ᾽ ἂψ ὤσασκε τιταινόμενος, κατὰ δ᾽ ἱδρὼς
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Traduction française :
[11,550] cet Ajax, qui par la beauté, par les exploits l'emportait
sur les autres Danaens après l'irréprochable fils de Pélée.
Je lui adressai ces paroles conciliantes :
« Ajax, fils de l'irréprochable Télamon, tu ne devais donc
pas, même mort, oublier ta rancune contre moi à cause
de ces maudites armes? Les dieux en ont fait une cause
de souffrance pour les Argiens, qui en toi ont perdu un
si solide rempart ! Nous, Achéens, nous sommes toujours
affligés de ta mort, autant que pour la tête d'Achille, fils
de Pélée. La faute en est tout entière à Zeus, à sa haine
singulière contre l'armée des Danaens pourvus de lances :
il fit tomber sur toi la destinée. Allons ! Viens ici, prince,
pour entendre mes paroles et mon récit; dompte ton
ressentiment et la superbe de ton coeur. » Ainsi parlais-je;
mais il ne me répondit rien; il s'en alla dans l'Érèbe
rejoindre les autres âmes des défunts. Malgré sa rancune
il aurait pu cependant me parler ou m'entendre; mais dans ma
poitrine mon coeur désirait voir les âmes des autres morts.
Lors donc je vis Minos, l'illustre fils de Zeus, qui, un
sceptre d'or à la main, rendait la justice aux morts, assis
sur un trône; eux, autour du prince, demandaient leur
jugement, assis et debout, dans la demeure d'Hadès aux
larges portes.
Après lui, j'aperçus le gigantesque Orion, qui chassait
dans la prairie de l'asphodèle les fauves qu'il avait tués
lui-même dans les monts solitaires : il avait en mains la
massue de bronze massif, qui jamais ne se brisa.
Je vis aussi Tityos, fils de la très glorieuse Terre; il
gisait sur le sol et couvrait neuf arpents; deux vautours
posés à ses flancs lui déchiraient le foie, plongeant le bec
en ses entrailles, et il ne cherchait point à les écarter de
ses mains; car il avait fait violence à Léto, la glorieuse
épouse de Zeus, comme elle allait à Pytho, à travers
Panopée, la ville des beaux choeurs.
J'aperçus aussi Tantale, qui subissait un cruel supplice,
debout dans un lac; il avait de l'eau jusqu'au menton;
avide de boire, il ne pouvait atteindre l'eau; chaque fois
que le vieillard se penchait, désirant apaiser sa soif, l'eau
s'échappait, absorbée dans le sol; autour de ses pieds
paraissait une terre noire que desséchait un dieu. Des
arbres au feuillage haut et touffu laissaient pendre leurs
fruits au-dessus de sa tête, poiriers, grenadiers et pommiers
aux fruits éclatants, doux figuiers et oliviers
fleurissants; quand le vieillard étendait les bras pour les
prendre en ses mains, le vent les rejetait vers les sombres nuées.
Et je vis encore Sisyphe, qui souffrait de violentes douleurs :
il poussait de ses deux bras une énorme pierre.
S'arc-boutant des mains et des pieds, il poussait la pierre
vers le sommet d'une colline; mais quand il allait en
dépasser le faîte, la masse l'entraînait en arrière; de nouveau
l'impudente pierre roulait vers la plaine. Les forces
tendues, il recommençait à la pousser,
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