Texte grec :
[11,450] ὄλβιος· ἦ γὰρ τόν γε πατὴρ φίλος ὄψεται ἐλθών,
καὶ κεῖνος πατέρα προσπτύξεται, ἣ θέμις ἐστίν.
ἡ δ᾽ ἐμὴ οὐδέ περ υἷος ἐνιπλησθῆναι ἄκοιτις
ὀφθαλμοῖσιν ἔασε· πάρος δέ με πέφνε καὶ αὐτόν.
ἄλλο δέ τοι ἐρέω, σὺ δ᾽ ἐνὶ φρεσὶ βάλλεο σῇσιν·
455 κρύβδην, μηδ᾽ ἀναφανδά, φίλην ἐς πατρίδα γαῖαν
νῆα κατισχέμεναι· ἐπεὶ οὐκέτι πιστὰ γυναιξίν.
ἀλλ᾽ ἄγε μοι τόδε εἰπὲ καὶ ἀτρεκέως κατάλεξον,
εἴ που ἔτι ζώοντος ἀκούετε παιδὸς ἐμοῖο,
ἤ που ἐν Ὀρχομενῷ ἢ ἐν Πύλῳ ἠμαθόεντι,
460 ἤ που πὰρ Μενελάῳ ἐνὶ Σπάρτῃ εὐρείῃ·
οὐ γάρ πω τέθνηκεν ἐπὶ χθονὶ δῖος Ὀρέστης.᾽
"ὣς ἔφατ᾽, αὐτὰρ ἐγώ μιν ἀμειβόμενος προσέειπον·
᾽Ἀτρεΐδη, τί με ταῦτα διείρεαι; οὐδέ τι οἶδα,
ζώει ὅ γ᾽ ἦ τέθνηκε· κακὸν δ᾽ ἀνεμώλια βάζειν.᾽
465 "νῶι μὲν ὣς ἐπέεσσιν ἀμειβομένω στυγεροῖσιν
ἕσταμεν ἀχνύμενοι θαλερὸν κατὰ δάκρυ χέοντες·
ἦλθε δ᾽ ἐπὶ ψυχὴ Πηληϊάδεω Ἀχιλῆος
καὶ Πατροκλῆος καὶ ἀμύμονος Ἀντιλόχοιο
Αἴαντός θ᾽, ὃς ἄριστος ἔην εἶδός τε δέμας τε
470 τῶν ἄλλων Δαναῶν μετ᾽ ἀμύμονα Πηλεΐωνα.
ἔγνω δὲ ψυχή με ποδώκεος Αἰακίδαο
καί ῥ᾽ ὀλοφυρομένη ἔπεα πτερόεντα προσηύδα·
" ᾽διογενὲς Λαερτιάδη, πολυμήχαν᾽ Ὀδυσσεῦ,
σχέτλιε, τίπτ᾽ ἔτι μεῖζον ἐνὶ φρεσὶ μήσεαι ἔργον;
475 πῶς ἔτλης Ἄϊδόσδε κατελθέμεν, ἔνθα τε νεκροὶ
ἀφραδέες ναίουσι, βροτῶν εἴδωλα καμόντων;"
"ὣς ἔφατ᾽, αὐτὰρ ἐγώ μιν ἀμειβόμενος προσέειπον·
᾽ὦ Ἀχιλεῦ Πηλῆος υἱέ, μέγα φέρτατ᾽ Ἀχαιῶν,
ἦλθον Τειρεσίαο κατὰ χρέος, εἴ τινα βουλὴν
480 εἴποι, ὅπως Ἰθάκην ἐς παιπαλόεσσαν ἱκοίμην·
οὐ γάρ πω σχεδὸν ἦλθον Ἀχαιΐδος, οὐδέ πω ἁμῆς
γῆς ἐπέβην, ἀλλ᾽ αἰὲν ἔχω κακά. σεῖο δ᾽, Ἀχιλλεῦ,
οὔ τις ἀνὴρ προπάροιθε μακάρτατος οὔτ᾽ ἄρ᾽ ὀπίσσω.
πρὶν μὲν γάρ σε ζωὸν ἐτίομεν ἶσα θεοῖσιν
485 Ἀργεῖοι, νῦν αὖτε μέγα κρατέεις νεκύεσσιν
ἐνθάδ᾽ ἐών· τῷ μή τι θανὼν ἀκαχίζευ, Ἀχιλλεῦ.᾽
"ὣς ἐφάμην, ὁ δέ μ᾽ αὐτίκ᾽ ἀμειβόμενος προσέειπε·
᾽μὴ δή μοι θάνατόν γε παραύδα, φαίδιμ᾽ Ὀδυσσεῦ.
βουλοίμην κ᾽ ἐπάρουρος ἐὼν θητευέμεν ἄλλῳ,
490 ἀνδρὶ παρ᾽ ἀκλήρῳ, ᾧ μὴ βίοτος πολὺς εἴη,
ἢ πᾶσιν νεκύεσσι καταφθιμένοισιν ἀνάσσειν.
ἀλλ᾽ ἄγε μοι τοῦ παιδὸς ἀγαυοῦ μῦθον ἐνίσπες,
ἢ ἕπετ᾽ ἐς πόλεμον πρόμος ἔμμεναι, ἦε καὶ οὐκί.
εἰπὲ δέ μοι Πηλῆος ἀμύμονος, εἴ τι πέπυσσαι,
495 ἢ ἔτ᾽ ἔχει τιμὴν πολέσιν μετὰ Μυρμιδόνεσσιν,
ἦ μιν ἀτιμάζουσιν ἀν᾽ Ἑλλάδα τε Φθίην τε,
οὕνεκά μιν κατὰ γῆρας ἔχει χεῖράς τε πόδας τε.
οὐ γὰρ ἐγὼν ἐπαρωγὸς ὑπ᾽ αὐγὰς ἠελίοιο,
τοῖος ἐών, οἷός ποτ᾽ ἐνὶ Τροίῃ εὐρείῃ
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Traduction française :
[11,450] Qu'il est heureux ! Son père de retour au pays le verra,
et lui, comme il convient, embrassera son père. Mon épouse à moi
ne m'a pas laissé jouir de la vue de mon fils; elle osa me tuer
auparavant. Je veux te donner encore un autre avis;
mets-le bien dans ton esprit : fais aborder en secret et
non pas ouvertement ton vaisseau à la terre de tes pères;
car il n'y a plus à se fier aux femmes. Mais dis-moi et
réponds sans me rien cacher à toutes mes questions :
avez-vous entendu dire que mon fils soit encore vivant,
à Orchomène, à Pylos la Sablonneuse, ou encore chez
Ménélas dans la spacieuse Sparte? car il n'est pas mort,
il est encore sur terre, l'illustre Oreste. »
Ainsi parlait-il; et moi je lui dis en réponse : « Atride,
pourquoi me poses-tu ces questions? je ne puis savoir
s'il vit ou s'il est mort; rien ne sert de prononcer des
paroles qu'emporte le vent.
Ainsi nous nous tenions l'un en face de l'autre, échangeant
de tristes paroles et versant d'abondantes larmes.
Alors survinrent les âmes d'Achille, fils de Pélée, de
Patrocle, de l'irréprochable Antiloque, et d'Ajax, qui,
pour la beauté comme pour la taille, était le premier des
Danaens après l'incomparable fils de Pélée. L'âme du
petit-fils d'Éaque aux pieds rapides me reconnut et,
gémissante, m'adressa ces paroles ailées: «Rejeton de Zeus,
fils de Laerte, Ulysse aux mille expédients, téméraire,
quelle entreprise plus hardie pourras-tu jamais projeter
en ton esprit? Comment osas-tu descendre chez Hadès,
où habitent les morts insensibles, fantômes des humains
qui ont tant peiné? »
Il parlait ainsi; et moi je lui dis en réponse : « Achille,
fils de Pélée, le plus vaillant des Achéens, je suis
venu consulter Tirésias, lui demander un conseil, pour
parvenir dans ma rocheuse Ithaque; car je n'ai pu encore
approcher de l'Achaïe, et je n'ai pas mis le pied sur ma
terre; toujours je subis des épreuves. Mais, Achille, nul
homme auparavant ne fut, nul ne sera dans l'avenir plus
heureux que toi. Jadis, quand tu vivais, nous les Argiens,
nous t'honorions à l'égal des dieux, et maintenant que tu
es ici, tu règnes sans conteste chez les morts; aussi ne
t'afflige pas d'être défunt, Achille.
Ainsi disais-je; il me repartit avec vivacité : « Ne me
console donc pas de la mort, illustre Ulysse; j'aimerais
mieux, serf attaché à la glèbe, être aux gages d'autrui,
d'un homme sans patrimoine, n'ayant guère de moyens,
que de régner sur des morts, qui ne sont plus rien ! Mais
parle-moi de mon illustre fils; est-il venu à la guerre,
pour y tenir le premier rang, ou s'est-il abstenu? Et
parle-moi de l'irréprochable Pélée, si tu en as quelque
nouvelle : est-il toujours en possession de ses honneurs
parmi les nombreux Myrmidons, ou lui manque-t-on
d'égards dans l'Hellas et la Phthie, parce que la vieillesse
paralyse ses mains et ses pieds? Ah ! si, pour le secourir,
j'étais encore sous les rayons du soleil, tel que j'étais
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