[11,150] "ὣς φαμένη ψυχὴ μὲν ἔβη δόμον Ἄϊδος εἴσω
Τειρεσίαο ἄνακτος, ἐπεὶ κατὰ θέσφατ᾽ ἔλεξεν·
αὐτὰρ ἐγὼν αὐτοῦ μένον ἔμπεδον, ὄφρ᾽ ἐπὶ μήτηρ
ἤλυθε καὶ πίεν αἷμα κελαινεφές· αὐτίκα δ᾽ ἔγνω,
καί μ᾽ ὀλοφυρομένη ἔπεα πτερόεντα προσηύδα·
155 "᾽τέκνον ἐμόν, πῶς ἦλθες ὑπὸ ζόφον ἠερόεντα
ζωὸς ἐών; χαλεπὸν δὲ τάδε ζωοῖσιν ὁρᾶσθαι.
μέσσῳ γὰρ μεγάλοι ποταμοὶ καὶ δεινὰ ῥέεθρα,
Ὠκεανὸς μὲν πρῶτα, τὸν οὔ πως ἔστι περῆσαι
πεζὸν ἐόντ᾽, ἢν μή τις ἔχῃ ἐυεργέα νῆα.
160 ἦ νῦν δὴ Τροίηθεν ἀλώμενος ἐνθάδ᾽ ἱκάνεις
νηί τε καὶ ἑτάροισι πολὺν χρόνον; οὐδέ πω ἦλθες
εἰς Ἰθάκην, οὐδ᾽ εἶδες ἐνὶ μεγάροισι γυναῖκα;"
"ὣς ἔφατ᾽, αὐτὰρ ἐγώ μιν ἀμειβόμενος προσέειπον·
᾽μῆτερ ἐμή, χρειώ με κατήγαγεν εἰς Ἀίδαο
165 ψυχῇ χρησόμενον Θηβαίου Τειρεσίαο·
οὐ γάρ πω σχεδὸν ἦλθον Ἀχαιΐδος, οὐδέ πω ἁμῆς
γῆς ἐπέβην, ἀλλ᾽ αἰὲν ἔχων ἀλάλημαι ὀιζύν,
ἐξ οὗ τὰ πρώτισθ᾽ ἑπόμην Ἀγαμέμνονι δίῳ
Ἴλιον εἰς ἐύπωλον, ἵνα Τρώεσσι μαχοίμην.
170 ἀλλ᾽ ἄγε μοι τόδε εἰπὲ καὶ ἀτρεκέως κατάλεξον·
τίς νύ σε κὴρ ἐδάμασσε τανηλεγέος θανάτοιο;
ἦ δολιχὴ νοῦσος, ἦ Ἄρτεμις ἰοχέαιρα
οἷς ἀγανοῖς βελέεσσιν ἐποιχομένη κατέπεφνεν;
εἰπὲ δέ μοι πατρός τε καὶ υἱέος, ὃν κατέλειπον,
175 ἢ ἔτι πὰρ κείνοισιν ἐμὸν γέρας, ἦέ τις ἤδη
ἀνδρῶν ἄλλος ἔχει, ἐμὲ δ᾽ οὐκέτι φασὶ νέεσθαι.
εἰπὲ δέ μοι μνηστῆς ἀλόχου βουλήν τε νόον τε,
ἠὲ μένει παρὰ παιδὶ καὶ ἔμπεδα πάντα φυλάσσει
ἦ ἤδη μιν ἔγημεν Ἀχαιῶν ὅς τις ἄριστος.᾽
180 "ὣς ἐφάμην, ἡ δ᾽ αὐτίκ᾽ ἀμείβετο πότνια μήτηρ·
᾽καὶ λίην κείνη γε μένει τετληότι θυμῷ
σοῖσιν ἐνὶ μεγάροισιν· ὀιζυραὶ δέ οἱ αἰεὶ
φθίνουσιν νύκτες τε καὶ ἤματα δάκρυ χεούσῃ.
σὸν δ᾽ οὔ πώ τις ἔχει καλὸν γέρας, ἀλλὰ ἕκηλος
185 Τηλέμαχος τεμένεα νέμεται καὶ δαῖτας ἐίσας
δαίνυται, ἃς ἐπέοικε δικασπόλον ἄνδρ᾽ ἀλεγύνειν·
πάντες γὰρ καλέουσι. πατὴρ δὲ σὸς αὐτόθι μίμνει
ἀγρῷ, οὐδὲ πόλινδε κατέρχεται. οὐδέ οἱ εὐναὶ
δέμνια καὶ χλαῖναι καὶ ῥήγεα σιγαλόεντα,
190 ἀλλ᾽ ὅ γε χεῖμα μὲν εὕδει ὅθι δμῶες ἐνὶ οἴκῳ,
ἐν κόνι ἄγχι πυρός, κακὰ δὲ χροῒ εἵματα εἷται·
αὐτὰρ ἐπὴν ἔθῃσι θέρος τεθαλυῖά τ᾽ ὀπώρη,
πάντῃ οἱ κατὰ γουνὸν ἀλωῆς οἰνοπέδοιο
φύλλων κεκλιμένων χθαμαλαὶ βεβλήαται εὐναί.
195 ἔνθ᾽ ὅ γε κεῖτ᾽ ἀχέων, μέγα δὲ φρεσὶ πένθος ἀέξει
σὸν νόστον ποθέων, χαλεπὸν δ᾽ ἐπὶ γῆρας ἱκάνει.
οὕτω γὰρ καὶ ἐγὼν ὀλόμην καὶ πότμον ἐπέσπον·
οὔτ᾽ ἐμέ γ᾽ ἐν μεγάροισιν ἐύσκοπος ἰοχέαιρα
οἷς ἀγανοῖς βελέεσσιν ἐποιχομένη κατέπεφνεν,
| [11,150] Ayant ainsi parlé, l'âme du seigneur Tirésias s'en fut
dans la demeure d'Hadès, après m'avoir révélé ces arrêts
des dieux. Moi, je restai là sans bouger, jusqu'au moment
où ma mère vint et but le sang noir. Aussitôt elle me reconnut,
et, gémissant, m'adressa ces paroles ailées : « Mon
enfant, comment es-tu venu vivant sous cette brume
ténébreuse? Il est difficile à des mortels de contempler
ce monde. Ils en sont séparés par de grands fleuves et
d'effroyables torrents; d'abord l'Océan, que l'on ne saurait
franchir à pied; il faut avoir un vaisseau bien construit.
Es-tu venu ici, errant depuis Troie, pendant un
long temps avec ton vaisseau et tes compagnons? N'as-tu pas
encore gagné Ithaque, et vu ta femme en ton manoir?
Ainsi parlait-elle; et moi, je lui dis en réponse : « Ma
mère, il me fallait descendre chez Hadès, pour interroger
l'âme du Thébain Tirésias. Non ! Je n'ai pas encore approché
de l'Achaïe ni mis le pied sur notre terre; j'ai toujours
erré en proie au chagrin, depuis le jour où j'ai suivi
l'illustre Agamemnon vers Ilios aux beaux poulains,
pour combattre les Troyens. Mais dis-moi et réponds sans
feinte. Quelle Kère de la mort cruelle t'a domptée? Fut-ce
une lente maladie? Ou la Sagittaire Artémis est-elle
venue te frapper de ses douces flèches? Parle-moi de mon
père, du fils que j'ai laissé : jouissent-ils encore de ma puissance,
ou un autre s'en est-il emparé déjà? Assure-t-on
que je ne viendrai plus? Dis-moi l'intention et la pensée
de ma femme légitime; reste-t-elle près de notre fils et
tient-elle tout en bon état, ou bien a-t-elle épousé déjà
quelque noble Achéen? »
Ainsi parlais-je; aussitôt ma vénérable mère me répondit :
« Oui bien ! Elle reste d'un coeur constant dans ton
manoir. Toutes ses nuits se passent à gémir, tous ses jours
à verser des larmes. Et ta royale puissance, nul encore
ne s'en est emparé; sans être inquiété, Télémaque gère
le domaine et offre des festins selon le rang de chacun,
comme doit y veiller un prince justicier; car il est invité
par tous. Ton père reste dans l'île, à la campagne; il ne
descend même plus à la ville. Il ne se sert plus pour se coucher,
de lit, de couverture, ni de coussins moirés; même
l'hiver, il dort en la maison, avec les domestiques, dans
la poussière, près du feu; il n'a sur la peau que de mauvais
vêtements. Mais, viennent l'été et le riche automne,
sur l'aire inclinée du vignoble, les feuilles tombées à terre
lui servent de lit. C'est là qu'il se couche en proie au chagrin;
il nourrit en son esprit sa grande douleur, espérant
ton retour; et cependant arrive la pénible vieillesse. C'est
ainsi que moi, je mourus et achevai ma destinée; l'adroite
Sagittaire ne m'a pas touchée de ses doux traits et tuée au manoir;
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