Texte grec :
[5,300] δείδω μὴ δὴ πάντα θεὰ νημερτέα εἶπεν,
ἥ μ᾽ ἔφατ᾽ ἐν πόντῳ, πρὶν πατρίδα γαῖαν ἱκέσθαι,
ἄλγε᾽ ἀναπλήσειν· τὰ δὲ δὴ νῦν πάντα τελεῖται.
οἵοισιν νεφέεσσι περιστέφει οὐρανὸν εὐρὺν
Ζεύς, ἐτάραξε δὲ πόντον, ἐπισπέρχουσι δ᾽ ἄελλαι
305 παντοίων ἀνέμων. νῦν μοι σῶς αἰπὺς ὄλεθρος.
τρὶς μάκαρες Δαναοὶ καὶ τετράκις, οἳ τότ᾽ ὄλοντο
Τροίῃ ἐν εὐρείῃ χάριν Ἀτρεΐδῃσι φέροντες.
ὡς δὴ ἐγώ γ᾽ ὄφελον θανέειν καὶ πότμον ἐπισπεῖν
ἤματι τῷ ὅτε μοι πλεῖστοι χαλκήρεα δοῦρα
310 Τρῶες ἐπέρριψαν περὶ Πηλεΐωνι θανόντι.
τῷ κ᾽ ἔλαχον κτερέων, καί μευ κλέος ἦγον Ἀχαιοί·
νῦν δέ λευγαλέῳ θανάτῳ εἵμαρτο ἁλῶναι."
ὣς ἄρα μιν εἰπόντ᾽ ἔλασεν μέγα κῦμα κατ᾽ ἄκρης
δεινὸν ἐπεσσύμενον, περὶ δὲ σχεδίην ἐλέλιξε.
315 τῆλε δ᾽ ἀπὸ σχεδίης αὐτὸς πέσε, πηδάλιον δὲ
ἐκ χειρῶν προέηκε· μέσον δέ οἱ ἱστὸν ἔαξεν
δεινὴ μισγομένων ἀνέμων ἐλθοῦσα θύελλα,
τηλοῦ δὲ σπεῖρον καὶ ἐπίκριον ἔμπεσε πόντῳ.
τὸν δ᾽ ἄρ᾽ ὑπόβρυχα θῆκε πολὺν χρόνον, οὐδ᾽ ἐδυνάσθη
320 αἶψα μάλ᾽ ἀνσχεθέειν μεγάλου ὑπὸ κύματος ὁρμῆς·
εἵματα γάρ ῥ᾽ ἐβάρυνε, τά οἱ πόρε δῖα Καλυψώ.
ὀψὲ δὲ δή ῥ᾽ ἀνέδυ, στόματος δ᾽ ἐξέπτυσεν ἅλμην
πικρήν, ἥ οἱ πολλὴ ἀπὸ κρατὸς κελάρυζεν.
ἀλλ᾽ οὐδ᾽ ὣς σχεδίης ἐπελήθετο, τειρόμενός περ,
325 ἀλλὰ μεθορμηθεὶς ἐνὶ κύμασιν ἐλλάβετ᾽ αὐτῆς,
ἐν μέσσῃ δὲ καθῖζε τέλος θανάτου ἀλεείνων.
τὴν δ᾽ ἐφόρει μέγα κῦμα κατὰ ῥόον ἔνθα καὶ ἔνθα.
ὡς δ᾽ ὅτ᾽ ὀπωρινὸς Βορέης φορέῃσιν ἀκάνθας
ἂμ πεδίον, πυκιναὶ δὲ πρὸς ἀλλήλῃσιν ἔχονται,
330 ὣς τὴν ἂμ πέλαγος ἄνεμοι φέρον ἔνθα καὶ ἔνθα·
ἄλλοτε μέν τε Νότος Βορέῃ προβάλεσκε φέρεσθαι,
ἄλλοτε δ᾽ αὖτ᾽ Εὖρος Ζεφύρῳ εἴξασκε διώκειν.
τὸν δὲ ἴδεν Κάδμου θυγάτηρ, καλλίσφυρος Ἰνώ,
Λευκοθέη, ἣ πρὶν μὲν ἔην βροτὸς αὐδήεσσα,
335 νῦν δ᾽ ἁλὸς ἐν πελάγεσσι θεῶν ἒξ ἔμμορε τιμῆς.
ἥ ῥ᾽ Ὀδυσῆ᾽ ἐλέησεν ἀλώμενον, ἄλγε᾽ ἔχοντα,
αἰθυίῃ δ᾽ ἐικυῖα ποτῇ ἀνεδύσετο λίμνης,
ἷζε δ᾽ ἐπὶ σχεδίης πολυδέσμου εἶπέ τε μῦθον·
"κάμμορε, τίπτε τοι ὧδε Ποσειδάων ἐνοσίχθων
340 ὠδύσατ᾽ ἐκπάγλως, ὅτι τοι κακὰ πολλὰ φυτεύει;
οὐ μὲν δή σε καταφθίσει μάλα περ μενεαίνων.
ἀλλὰ μάλ᾽ ὧδ᾽ ἔρξαι, δοκέεις δέ μοι οὐκ ἀπινύσσειν·
εἵματα ταῦτ᾽ ἀποδὺς σχεδίην ἀνέμοισι φέρεσθαι
κάλλιπ᾽, ἀτὰρ χείρεσσι νέων ἐπιμαίεο νόστου
345 γαίης Φαιήκων, ὅθι τοι μοῖρ᾽ ἐστὶν ἀλύξαι.
τῆ δέ, τόδε κρήδεμνον ὑπὸ στέρνοιο τανύσσαι
ἄμβροτον· οὐδέ τί τοι παθέειν δέος οὐδ᾽ ἀπολέσθαι.
αὐτὰρ ἐπὴν χείρεσσιν ἐφάψεαι ἠπείροιο,
ἂψ ἀπολυσάμενος βαλέειν εἰς οἴνοπα πόντον
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Traduction française :
[5,300] Je crains que ne soit vrai tout ce qu'a prédit Calypso
quand elle m'annonçait que sur la mer, avant d'atteindre
la terre de ma patrie, j'épuiserais toutes les souffrances.
A présent tout va s'accomplir. De quels sombres
nuages Zeus enveloppe le vaste ciel ! Il a bouleversé la
mer, et sur moi fondent les tempêtes de toutes sortes
de vents. Voici la brusque mort bien assurée pour moi.
O trois et quatre fois heureux les Danaens qui périrent
naguère dans la spacieuse Troade pour plaire aux Atrides !
Et moi-même que ne suis-je mort et n'ai-je accompli
mon destin le jour où les Troyens en foule lançaient
contre moi leurs javelines de bronze, quand je combattais
auprès du fils de Pélée mort ! Alors, j'aurais
obtenu des honneurs funèbres, et les Achéens auraient
célébré ma gloire, tandis qu'il m'est aujourd'hui réservé
d'être pris par une mort misérable ! »
Comme il venait de parler ainsi, une grande vague,
à pic, se ruant terriblement sur lui, l'atteignit et retourna
le radeau. Lui-même tomba loin de l'embarcation et
laissa le gouvernail échapper de ses mains; le mât fut
cassé en deux par la terrible violence des vents, qui le
battaient tous ensemble et en semèrent au loin les débris;
le gaillard s'effondra dans la mer. Ulysse fut englouti
pendant un long temps; il ne put sortir aussitôt des flots,
empêché par l'élan d'une grande vague. Il était alourdi
par les vêtements que lui avait donnés l'auguste Calypso.
Il émergea enfin, rejeta de sa bouche l'âcre eau salée,
qui dégouttait en abondance et avec bruit de sa tête.
Mais, malgré son accablement, il n'oublia pas son radeau;
nageant parmi les vagues, il parvint à s'en saisir et
s'assit au milieu, cherchant à éviter le terme de la mort.
Les grandes lames le ballottaient en tous sens au gré du
courant. Comme à l'automne Borée balaie à travers la
plaine des chardons emmêlés en paquet serré, ainsi, par
la mer, les vents l'entraînaient çà et là; tantôt le Notus
le jetait à emporter à Borée, tantôt c'était l'Euros qui
cédait la poursuite au Zéphyre.
La fille de Cadmus l'aperçut, Ino aux belles chevilles,
qui d'abord était une mortelle à la voix humaine, et
maintenant, sous le rom de Leucothée, avait dans les
profondeurs de la mer reçu des dieux part aux divins
honneurs. Elle prit en pitié Ulysse en proie à la souffrance
et ballotté sur les flots. Sous la forme d'une
mouette qui vole, elle sortit de l'onde; elle s'assit sur
le radeau à nombreux liens et tint ce discours : « Malheureux,
pourquoi donc Posidon, l'Ébranleur de la Terre,
s'est-il si fort irrité contre toi, qu'il te suscite tant de
maux? il ne pourra cependant te faire périr, si grande
envie qu'il en ait. Mais suis bien mon conseil; car tu ne
sembles point manquer de sens. Dépouille ces vêtements,
laisse les vents emporter ton radeau; nage à pleines brassées
et tâche d'obtenir ton retour, en abordant à la
terre des Phéaciens, où c'est ton destin de trouver le
salut. Tiens, tends ce voile immortel sur ta poitrine;
avec lui, plus à craindre de souffrir ni de périr. Mais,
dès que tu auras de tes mains touché le rivage,
dénoue-le et dans la mer vineuse
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