Texte grec :
[3,50] τοὔνεκα σοὶ προτέρῳ δώσω χρύσειον ἄλεισον."
ὣς εἰπὼν ἐν χειρὶ τίθει δέπας ἡδέος οἴνου·
χαῖρε δ᾽ Ἀθηναίη πεπνυμένῳ ἀνδρὶ δικαίῳ,
οὕνεκα οἷ προτέρῃ δῶκε χρύσειον ἄλεισον·
αὐτίκα δ᾽ εὔχετο πολλὰ Ποσειδάωνι ἄνακτι·
55 "κλῦθι, Ποσείδαον γαιήοχε, μηδὲ μεγήρῃς
ἡμῖν εὐχομένοισι τελευτῆσαι τάδε ἔργα.
Νέστορι μὲν πρώτιστα καὶ υἱάσι κῦδος ὄπαζε,
αὐτὰρ ἔπειτ᾽ ἄλλοισι δίδου χαρίεσσαν ἀμοιβὴν
σύμπασιν Πυλίοισιν ἀγακλειτῆς ἑκατόμβης.
60 δὸς δ᾽ ἔτι Τηλέμαχον καὶ ἐμὲ πρήξαντα νέεσθαι,
οὕνεκα δεῦρ᾽ ἱκόμεσθα θοῇ σὺν νηὶ μελαίνῃ."
ὣς ἄρ᾽ ἔπειτ᾽ ἠρᾶτο καὶ αὐτὴ πάντα τελεύτα.
δῶκε δὲ Τηλεμάχῳ καλὸν δέπας ἀμφικύπελλον·
ὣς δ᾽ αὔτως ἠρᾶτο Ὀδυσσῆος φίλος υἱός.
65 οἱ δ᾽ ἐπεί ὤπτησαν κρέ᾽ ὑπέρτερα καὶ ἐρύσαντο,
μοίρας δασσάμενοι δαίνυντ᾽ ἐρικυδέα δαῖτα.
αὐτὰρ ἐπεὶ πόσιος καὶ ἐδητύος ἐξ ἔρον ἕντο,
τοῖς ἄρα μύθων ἦρχε Γερήνιος ἱππότα Νέστωρ·
"νῦν δὴ κάλλίον ἐστι μεταλλῆσαι καὶ ἐρέσθαι
70 ξείνους, οἱ τινές εἰσιν, ἐπεὶ τάρπησαν ἐδωδῆς.
ὦ ξεῖνοι, τίνες ἐστέ; πόθεν πλεῖθ᾽ ὑγρὰ κέλευθα;
ἤ τι κατά πρῆξιν ἦ μαψιδίως ἀλάλησθε
οἷά τε ληιστῆρες ὑπεὶρ ἅλα, τοί τ᾽ ἀλόωνται
ψυχὰς παρθέμενοι κακὸν ἀλλοδαποῖσι πέροντες;"
75 τὸν δ᾽ αὖ Τηλέμαχος πεπνυμένος ἀντίον ηὔδα
θαρσήσας· αὐτὴ γὰρ ἐνὶ φρεσὶ θάρσος Ἀθήνη
θῆχ᾽, ἵνα μιν περὶ πατρὸς ἀποιχομένοιο ἔροιτο
ἠδ᾽ ἵνα μιν κλέος ἐσθλὸν ἐν ἀνθρώποισιν ἔχῃσιν·
"ὦ Νέστορ Νηληϊάδη, μέγα κῦδος Ἀχαιῶν,
80 εἴρεαι ὁππόθεν εἰμέν· ἐγὼ δέ κέ τοι καταλέξω.
ἡμεῖς ἐξ Ἰθάκης ὑπονηίου εἰλήλουθμεν·
πρῆξις δ᾽ ἥδ᾽ ἰδίη, οὐ δήμιος, ἣν ἀγορεύω.
πατρὸς ἐμοῦ κλέος εὐρὺ μετέρχομαι, ἤν που ἀκούσω,
δίου Ὀδυσσῆος ταλασίφρονος, ὅν ποτέ φασι
85 σὺν σοὶ μαρνάμενον Τρώων πόλιν ἐξαλαπάξαι.
ἄλλους μὲν γὰρ πάντας, ὅσοι Τρωσὶν πολέμιξον,
πευθόμεθ᾽, ἧχι ἕκαστος ἀπώλετο λυγρῷ ὀλέθρῳ,
κείνου δ᾽ αὖ καὶ ὄλεθρον ἀπευθέα θῆκε Κρονίων.
οὐ γάρ τις δύναται σάφα εἰπέμεν ὁππόθ᾽ ὄλωλεν,
90 εἴθ᾽ ὅ γ᾽ ἐπ᾽ ἠπείρου δάμη ἀνδράσι δυσμενέεσσιν,
εἴτε καὶ ἐν πελάγει μετὰ κύμασιν Ἀμφιτρίτης.
τοὔνεκα νῦν τὰ σὰ γούναθ᾽ ἱκάνομαι, αἴ κ᾽ ἐθέλῃσθα
κείνου λυγρὸν ὄλεθρον ἐνισπεῖν, εἴ που ὄπωπας
ὀφθαλμοῖσι τεοῖσιν ἢ ἄλλου μῦθον ἄκουσας
95 πλαζομένου· πέρι γάρ μιν ὀιζυρὸν τέκε μήτηρ.
μηδέ τί μ᾽ αἰδόμενος μειλίσσεο μηδ᾽ ἐλεαίρων,
ἀλλ᾽ εὖ μοι κατάλεξον ὃπως ἤντησας ὀπωπῆς.
λίσσομαι, εἴ ποτέ τοί τι πατὴρ ἐμός, ἐσθλὸς Ὀδυσσεύς,
ἢ ἔπος ἠέ τι ἔργον ὑποστὰς ἐξετέλεσσε
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Traduction française :
[3,50] reçois donc avant lui la coupe sacrée."
En disant ces mots, il dépose la coupe remplie de la douce
liqueur du vin entre les mains de la déesse.
Minerve est satisfaite de la sagesse de ce jeune homme
qui rend à l'âge un tribut de respect. Elle implore aussitôt
le roi des ondes. "O toi dont les bras ceignent la terre, puissant
Neptune, dit-elle, ne dédaigne pas d'exaucer nos
prières. Élève au faîte d'une gloire immortelle Nestor et ses
fils; répands sur tous les Pyliens, en faveur de ce pompeux
sacrifice, les dons les plus fortunés : et accorde-nous aussi,
à Télémaque et à moi, la satisfaction de voir combler les
voeux qui ont fait voler notre vaisseau sur ces bords."
Telle est sa prière ; elle-même l'accomplit, et remet à
Télémaque la coupe arrondie et superbe. Le fils d'Ulysse
adresse à Neptune les mêmes voeux. La flamme a bruni les
chairs des victimes; on retire les dards ; les portions sont
distribuées, et l'on se livre au festin. Après qu'il est terminé,
le vénérable Nestor parle en ces mots : "Maintenant
que nos hôtes ont participé à la joie de ce festin, il convient
de les interroger sur leur nom. Parlez, ô étrangers : qui
êtes-vous? de quels bords vous êtes-vous élancés sur les
plaines humides? est-ce un soin public ou particulier qui
vous y entraîne ? ou seriez-vous toujours errants sur les
mers à l'exemple de tant de nautoniers qui, affrontant la
mort, apportent la guerre et le deuil à tous les peuples?"
Alors le jeune prince s'anime d'une noble confiance que
Minerve lui inspire ; elle veut qu'en interrogeant le vieillard
sur l'absence d'un père, il déploie sa sagesse, et acquière
une grande renommée parmi les hommes. "O fils de Nélée,
Nestor, toi dont s'honorent le plus les Grecs, tu veux savoir
qui nous sommes : je vais te le dire. Nous venons de l'île
d'Ithaque qu'ombrage le mont Née ; ce qui m'amène est
moins un soin public qu'un devoir filial, un intérêt qui regarde
ma personne et ma maison. Je cours dans le désir
d'apprendre le destin d'un père dont la renommée remplit
l'univers, ce magnanime Ulysse, poursuivi du malheur, et qui
jadis, soutenu de toi, renversa la fameuse Troie. Nous savons
où subit sa perte fatale chacun de ceux qui combattirent
devant ces murs et qui furent victimes du sort. Jupiter
a mis un voile épais sur la fin de ce héros ; aucun mortel
n'a pu encore nous dire comment il nous a été ravi. Est-il
tombé sous l'effort de nombreux assaillants ? a-t-il été englouti
par les gouffres d'Amphitrite ? on l'ignore. Je viens
donc embrasser tes genoux ; que ta bouche me fasse le triste
récit de son trépas, soit que tes yeux en aient été les témoins,
soit que tu l'aies appris de quelqu'un de ceux dont
les pas errants parcourent la terre. Hélas ! sa mère en lui
mit au jour le mortel le plus infortuné. Que la compassion
ni aucun égard ne t'engage à me flatter; raconte-moi fidèlement
ce qui t'est connu : et si jamais, selon sa parole, qui
était sacrée, le généreux Ulysse mon père te servit par son
éloquence et par sa valeur
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