Texte grec :
[3,36] Ταῦτα δέ μιν ποιεῦντα ἐδικαίωσε Κροῖσος ὁ Λυδὸς νουθετῆσαι τοῖσιδε τοῖσι ἔπεσι. “ὦ βασιλεῦ,
μὴ πάντα ἡλικίῃ καὶ θυμῷ ἐπίτραπε, ἀλλ᾽ ἴσχε καὶ καταλάμβανε σεωυτόν· ἀγαθόν τι πρόνοον εἶναι,
σοφὸν δὲ ἡ προμηθίη. σὺ δὲ κτείνεις μὲν ἄνδρας σεωυτοῦ πολιήτας ἐπ᾽ οὐδεμιῇ αἰτίῃ ἀξιοχρέῳ ἑλών,
κτείνεις δὲ παῖδας. (2) ἢν δὲ πολλὰ τοιαῦτα ποιέῃς, ὅρα ὅκως μή σευ ἀποστήσονται Πέρσαι. ἐμοὶ δὲ
πατὴρ σὸς Κῦρος ἐνετέλλετο πολλὰ κελεύων σε νουθετέειν καὶ ὑποτίθεσθαι ὅ τι ἂν εὑρίσκω
ἀγαθόν„. ὃ μὲν δὴ εὐνοίην φαίνων συνεβούλευέ οἱ ταῦτα· ὃ δ᾽ ἀμείβετο τοῖσιδε. (3) “σὺ καὶ ἐμοὶ
τολμᾷς συμβουλεύειν, ὃς χρηστῶς μὲν τὴν σεωυτοῦ πατρίδα ἐπετρόπευσας, εὖ δὲ τῷ πατρὶ τῷ ἐμῷ
συνεβούλευσας, κελεύων αὐτὸν Ἀράξεα ποταμὸν διαβάντα ἰέναι ἐπὶ Μασσαγέτας, βουλομένων
ἐκείνων διαβαίνειν ἐς τὴν ἡμετέρην, καὶ ἀπὸ μὲν σεωυτὸν ὤλεσας τῆς σεωυτοῦ πατρίδος κακῶς
προστάς, ἀπὸ δὲ ὤλεσας Κῦρον πειθόμενον σοί, ἀλλ᾽ οὔτι χαίρων, ἐπεί τοι καὶ πάλαι ἐς σὲ
προφάσιός τευ ἐδεόμην ἐπιλαβέσθαι„. (4) ταῦτα δὲ εἴπας ἐλάμβανε τὸ τόξον ὡς κατατοξεύσων
αὐτόν, Κροῖσος δὲ ἀναδραμὼν ἔθεε ἔξω. ὁ δὲ ἐπείτε τοξεῦσαι οὐκ εἶχε, ἐνετείλατο τοῖσι θεράπουσι
λαβόντας μιν ἀποκτεῖναι. (5) οἱ δὲ θεράποντες ἐπιστάμενοι τὸν τρόπον αὐτοῦ κατακρύπτουσι τὸν
Κροῖσον ἐπὶ τῷδε τῷ λόγῳ ὥστε, εἰ μὲν μεταμελήσῃ τῷ Καμβύσῃ καὶ ἐπιζητέῃ τὸν Κροῖσον, οἳ δὲ
ἐκφήναντες αὐτὸν δῶρα λάμψονται ζωάγρια Κροίσου, ἢν δὲ μὴ μεταμέληται μηδὲ ποθέῃ μιν, τότε
καταχρᾶσθαι. (6) ἐπόθησέ τε δὴ ὁ Καμβύσης τὸν Κροῖσον οὐ πολλῷ μετέπειτα χρόνῳ ὕστερον, καὶ οἱ
θεράποντες μαθόντες τοῦτο ἐπηγγέλλοντο αὐτῷ ὡς περιείη. Καμβύσης δὲ Κροίσῳ μὲν συνήδεσθαι
ἔφη περιεόντι, ἐκείνους μέντοι τοὺς περιποιήσαντας οὐ καταπροΐξεσθαι ἀλλ᾽ ἀποκτενέειν· καὶ
ἐποίησε ταῦτα.
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Traduction française :
[3,36] XXXVI. Crésus, témoin de ces extravagances, crut devoir lui donner un conseil
salutaire. «Grand roi, lui dit-il, ne vous abandonnez point à votre colère et à
l'impétuosité de votre jeunesse ; rendez-vous maître de vous-même, et
contenez-vous dans les bornes de la modération. Il importe à un grand prince de
prévoir les choses, et il est d'un homme sage de se laisser guider par la
prudence. Vous faites mourir injustement plusieurs de vos concitoyens ; vous
ôtez même la vie à des enfants. Prenez garde qu'en commettant souvent de
pareilles violences, vous ne forciez les Perses à se révolter contre vous. Je
vous dois ces avis, parce que le roi votre père m'a expressément recommandé de
vous donner de bons conseils, et de vous avertir de tout ce que je croirais vous
être le plus utile et le plus avantageux.»
Ce langage était l'effet de la bienveillance de Crésus ; Cambyse s'en offensa.
"Et vous aussi, lui dit-il, vous osez me donner des avis ; vous, qui avez si bien
gouverné vos États; vous, qui avez donné de si bons conseils à mon père en
l'exhortant à passer l'Araxe pour aller attaquer les Massagètes chez eux, au
lieu de les attendre sur nos terres où ils voulaient passer ! Vous vous êtes
perdu en gouvernant mal vos États, et Cyrus s'est perdu en suivant vos avis.
Mais vous ne l'aurez pas fait impunément ; et même il y a longtemps que je
cherchais un prétexte pour le venger.» En finissant ces mots, il prit ses
flèches pour en percer Crésus. Mais ce prince se déroba à sa fureur par une
prompte fuite. Cambyse, voyant qu'il ne pouvait l'atteindre, commanda à ses gens
de s'en saisir et de le tuer. Mais comme ils connaissaient l'inconstance de son
caractère, ils cachèrent Crésus dans le dessein de le représenter si le roi,
venant à se repentir, le redemandait. Ils espéraient aussi recevoir une
récompense pour lui avoir sauvé la vie ; et d'ailleurs ils étaient dans la
résolution de le tuer, si le roi ne se repentait point des ordres qu'il avait
donnés. Cambyse ne fut pas longtemps sans regretter Crésus. Ses serviteurs, s'en
étant aperçus, lui apprirent qu'il vivait encore. II en témoigna de la joie ;
mais il dit que ce ne serait pas impunément qu'ils lui auraient conservé la vie.
En effet, il les fit mourir.
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