Texte grec :
[5,6] πλὴν καίτοι χορεύειν ἀεὶ καὶ ἱερουργεῖν δοκῶν, πλείστους
ἀπέκτεινε τῶν ἐνδόξων τε καὶ πλουσίων, διαβληθέντας
αὐτῷ ὡς ἀπαρεσκομένους καὶ σκώπτοντας αὐτοῦ
τὸν βίον. ἠγάγετο δὲ γυναῖκα τὴν εὐγενεστάτην Ῥωμαίων, ἣν
Σεβαστὴν ἀναγορεύσας μετ´ ὀλίγον χρόνον
ἀπεπέμψατο, ἰδιωτεύειν κελεύσας καὶ τῶν τιμῶν παρελόμενος. μετ´
ἐκείνην δὲ προσποιησάμενος ἐρᾶν, ἵνα δὴ
καὶ τὰ τῶν ἀνδρῶν πράττειν δοκοίη, παρθένου τῇ Ῥωμαίων Ἑστίᾳ
ἱερωμένης ἁγνεύειν τε πρὸς τῶν ἱερῶν
νόμων κελευομένης καὶ μέχρι τέλους τοῦ βίου παρθενεύεσθαι,
ἀποσπάσας αὐτὴν τῆς Ἑστίας καὶ τοῦ ἱεροῦ
παρθενῶνος γυναῖκα ἔθετο, ἐπιστείλας τῇ συγκλήτῳ καὶ
παραμυθησάμενος ἀσέβημά τε καὶ ἁμάρτημα τηλικοῦτον,
φήσας ἀνθρώπινόν τι πεπονθέναι πάθος· ἔρωτι γὰρ
τῆς κόρης ἑαλωκέναι, ἁρμόζοντά τε καὶ σεβάσμιον εἶναι
γάμον ἱερέως τε καὶ ἱερείας. πλὴν καὶ ταύτην αὖ μετ´
οὐ πολὺ ἀπεπέμψατο, τρίτην δὲ πάλιν ἠγάγετο, ἀναφέρουσαν τὸ γένος
ἐς Κόμοδον. ἔπαιζε δὲ γάμους οὐ μόνον ἀνθρωπείους, ἀλλὰ καὶ
τῷ θεῷ, ᾧ ἱεράτευε, γυναῖκα ἐζήτει· καὶ τῆς τε Παλλάδος τὸ ἄγαλμα, ὃν
κρυπτὸν καὶ ἀόρατον σέβουσι Ῥωμαῖοι,
ἐς τὸν ἑαυτοῦ θάλαμον μετήγαγε· καὶ μὴ κινηθὲν ἐξ
οὗπερ ἦλθεν ἀπὸ Ἰλίου, εἰ μὴ ὅτε πυρὶ κατεφλέχθη ὁ
νεώς, ἐκίνησεν οὗτος, καὶ πρὸς γάμον δὴ ἐς τὴν βασίλειον αὐλὴν τῷ
θεῷ ἀνήγαγε. φήσας δὲ ἀπαρέσκεσθαι
αὐτὸν ὡς πάντα ἐν ὅπλοις καὶ πολεμικῇ θεῷ, τῆς Οὐρανίας τὸ ἄγαλμα
μετεπέμψατο, σεβόντων αὐτὸ ὑπερφυῶς
Καρχηδονίων τε καὶ τῶν κατὰ τὴν Λιβύην ἀνθρώπων.
φασὶ δὲ αὐτὸ Διδὼ τὴν Φοίνισσαν ἱδρύσασθαι, ὅτε δὴ
τὴν ἀρχαίαν Καρχηδόνα πόλιν ἔκτισε, βύρσαν κατατεμοῦσα. Λίβυες
μὲν οὖν αὐτὴν Οὐρανίαν καλοῦσι, Φοίνικες δὲ Ἀστροάρχην ὀνομάζουσι,
σελήνην εἶναι θέλοντες. ἁρμόζειν τοίνυν λέγων ὁ Ἀντωνῖνος γάμον
ἡλίου καὶ σελήνης τό τε ἄγαλμα μετεπέμψατο καὶ πάντα τὸν
ἐκεῖθεν χρυσόν, χρήματά τε πάμπλειστα τῇ θεῷ ἐς προῖκα
δὴ ἐπιδοῦναι ἐκέλευσε. κομισθέν τε τὸ ἄγαλμα συνῴκισε
δὴ τῷ θεῷ, κελεύσας πάντας τοὺς κατὰ Ῥώμην καὶ Ἰταλίαν ἀνθρώπους
ἑορτάζειν παντοδαπαῖς τε εὐφροσύναις
καὶ εὐωχίαις χρῆσθαι δημοσίᾳ τε καὶ ἰδίᾳ ὡς δὴ γαμούντων θεῶν.
κατεσκεύασε δὲ καὶ ἐν τῷ προαστείῳ νεὼν μέγιστόν τε
καὶ πολυτελέστατον, ἐς ὃν ἑκάστου ἔτους κατῆγε τὸν
θεὸν ἀκμάζοντος θέρους. πανηγύρεις τε παντοδαπὰς
συνεκρότει, ἱπποδρόμους τε κατασκευάσας καὶ θέατρα,
διά τε ἡνιοχείας καὶ πάντων θεαμάτων τε καὶ ἀκροαμάτων πλείστων
εὐωχούμενον τὸν δῆμον καὶ παννυχίζοντα
εὐφραίνειν ᾤετο. τόν τε θεὸν αὐτὸν ἐπιστήσας ἅρματι
χρυσῷ τε καὶ λίθοις τιμιωτάτοις πεποικιλμένῳ κατῆγεν
ἀπὸ τῆς πόλεως ἐπὶ τὸ προάστειον. τὸ δὲ ἅρμα ἦγεν
ἑξάπωλον, ἵππων λευκῶν μεγίστων τε καὶ ἀσπίλων,
χρυσῷ πολλῷ καὶ φαλάροις ποικίλοις κεκοσμημένων, τάς
τε ἡνίας κατεῖχεν οὐδείς, οὐδὲ τοῦ ἅρματος ἄνθρωπος
ἐπέβαινεν, αὐτῷ δὲ περιέκειντο ὡς ἡνιοχοῦντι δὴ τῷ
θεῷ. ὁ δ´ Ἀντωνῖνος ἔθεε πρὸ τοῦ ἅρματος ἀναποδίζων
ἐς τοὐπίσω, ἔς τε τὸν θεὸν ἀποβλέπων καὶ τοὺς χαλινοὺς ἀντέχων τῶν
ἵππων· πᾶσάν τε τὴν ὁδὸν ἤνυε τρέχων ἔμπαλιν ἑαυτοῦ ἀφορῶν τε ἐς
τὸ πρόσθεν τοῦ θεοῦ. πρός τε τὸ μὴ πταῖσαι αὐτὸν ἢ διολισθαίνειν, οὐχ
ὁρῶντα ὅπου βαίνει, γῆ τε ἡ χρυσίζουσα παμπλείστη
ὑπέστρωτο, οἵ τε προασπίζοντες ἑκατέρωθεν ἀντεῖχον,
τῆς ἀσφαλείας τοῦ τοιούτου δρόμου προνοούμενοι. ὁ δὲ
δῆμος ἑκατέρωθεν παρέθει μετὰ παντοδαπῆς δᾳδουχίας,
στεφάνους καὶ ἄνθη ἐπιρριπτοῦντες· ἀγάλματά τε πάντων
θεῶν, καὶ εἴ τι πολυτελὲς ἀνάθημα ἢ τίμιον, ὅσα τε
τῆς βασιλείας σύμβολα ἢ πολυτελῆ κειμήλια, οἵ τε ἱππεῖς
καὶ ὁ στρατὸς πᾶς προεπόμπευον τοῦ θεοῦ. μετὰ δὲ
τὸ καταγαγεῖν αὐτὸν καὶ ἱδρῦσαι ἐν τῷ ναῷ τάς τε προειρημένας
θυσίας καὶ πανηγύρεις ἐπετέλει, πύργους τε
μεγίστους καὶ ὑψηλοτάτους κατασκευάσας, ἀνιών τε ἐπ´
αὐτούς, ἐρρίπτει τοῖς ὄχλοις, ἁρπάζειν πᾶσιν ἐπιτρέπων,
ἐκπώματά τε χρυσᾶ καὶ ἀργυρᾶ ἐσθῆτάς τε καὶ ὀθόνας
παντοδαπάς, ζῷά τε πάντα, ὅσα ἥμερα, πλὴν χοίρων·
τούτων γὰρ ἀπείχετο Φοινίκων νόμῳ. ἐν δὴ ταῖς ἁρπαγαῖς πολλοὶ
διεφθείροντο, ὑπό τε ἀλλήλων πατούμενοι
καὶ τοῖς δόρασι τῶν στρατιωτῶν περιπίπτοντες, ὡς τὴν
ἐκείνου ἑορτὴν πολλοῖς φέρειν συμφοράν. αὐτὸς δὲ ἐβλέπετο πολλάκις
ἡνιοχῶν ἢ ὀρχούμενος· οὐδὲ γὰρ λανθάνειν ἤθελεν ἁμαρτάνων. προῄει
τε ὑπογραφόμενος τοὺς ὀφθαλμοὺς καὶ τὰς παρειὰς ἐρυθραίνων, φύσει
τε πρόσωπον ὡραῖον ὑβρίζων βαφαῖς ἀσχήμοσιν.
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Traduction française :
[5,6] XIV. Mais quoiqu'il parût toujours occupé de sacrifices et de danses, il
n'en fit pas moins périr plusieurs illustres et riches citoyens qu'on lui
avait dénoncés comme improuvant et raillant sa manière de vivre. Il prit
pour épouse une femme d'une des premières familles de Rome, lui donna le
nom d'Augusta, et peu après, l'ayant répudiée, il lui prescrivit de vivre
comme une simple citoyenne, dépouillée de tous ses honneurs. Bientôt
(jaloux sans doute de donner une marque de virilité), il feignit d'être
pris d'amour pour une jeune prêtresse de Vesta, obligée par les lois
religieuses de vivre chaste et de conserver sa virginité jusqu'à la fin de
sa vie; il l'arracha du temple même, de ce saint asile de vierges, et la
prit pour seconde épouse. Il informa le sénat de ce nouvel hymen par une
lettre où il justifiait ainsi cette impiété et ce grand crime : « Il avait
éprouvé une des faiblesses humaines, écrivait-il ; cette jeune fille lui
avait inspiré une passion insurmontable; c'était d'ailleurs une chose
convenable et digne de tout respect que le mariage d'un prêtre et d'une
prêtresse. » Mais peu après il renvoya encore cette seconde femme, et en
épousa une troisième qui descendait de Commode.
XV. Il ne se jouait pas seulement du mariage humain, mais on le vit
chercher une épouse pour le dieu dont il était le pontife. Il fit
transporter dans sa chambre à coucher la statue de Pallas, que les Romains
dans leur adoration cachent et dérobent à tous les yeux. Depuis que cette
statue avait été apportée de Troie, on ne l'avait changé de place qu'une
fois (lors de l'incendie du temple). Antonin ne se fit point scrupule de
la déplacer, et la fit amener dans son palais comme une épouse à son Dieu.
Puis, disant que cette déesse guerrière et toujours armée déplaisait à son
mari, il fit apporter à Rome la statue d'Uranie, pour laquelle les
Carthaginois et les autres nations d'Afrique professent une extrême
vénération. On dit que l'illustre phénicienne Didon avait érigé cette
statue lorsqu'à l'aide de peaux dépecées elle traça l'enceinte de
l'antique cité de Carthage. Les Africains appellent cette déesse Uranie,
et les phéniciens Astroarchès, affirmant que c'est la lune. Antonin
prétendit que l'union de la lune et du soleil était très sortable ; il fit
venir la statue de Carthage à Rome, et voulut de plus que la déesse
apportât avec elle, à titre de dot, tout l'or, toutes les sommes d'argent
que renfermait son temple. Quand la statue fut arrivée, il la maria à son
Dieu. Tous les citoyens, tant à Rome que dans toute l'Italie, reçurent
l'ordre de fêter cet événement, et de se livrer, soit en particulier, soit
en public, à toutes sortes de plaisirs et aux joies de la table, comme si
le mariage des deux divinités eût été réel.
XVI. Antonin fit construire dans un faubourg de Rome un temple immense et
magnifique; chaque année, au plus fort de l'été, il y conduisait son
idole. Il ordonnait pour ce jour diverses solennités: des hippodromes, des
théâtres étaient construits d'avance ; des courses de chars, des
spectacles variés, de nombreuses symphonies, des festins splendides, des
nuits entières de fêtes et de plaisirs occupaient le peuple, dont Antonin
croyait ainsi faire le bonheur. Il conduisait lui-même de la ville au
faubourg le dieu placé sur un char étincelant de lames d'or et des
pierres les plus précieuses. Le char était traîné par un attelage de six
chevaux blancs, de haute taille, sans tache, tout brillant d'or et
magnifiquement caparaçonnés. Antonin tenait les rênes. Jamais
homme ne montait sur ce char, mais on se tenait tout auprès, et le dieu semblait le
diriger lui-même. Antonin courait à reculons devant le char, le visage
tourné vers le dieu, et tenant les guides des chevaux. Il faisait tout le
chemin courant ainsi en arrière, et regardant le dieu face à face. De peur
qu'il chancelât ou ne tombât, ne voyant pas où il marchait, on couvrait
abondamment le sol de sable doré, et ses gardes le soutenaient de chaque
côté, rendant ainsi sa course assurée. Le peuple courait également des
deux côtés du char, agitant une multitude de torches, semant la route de
guirlandes et de fleurs. Les statues de tous les dieux, avec leurs
magnifiques offrandes, tous les ornements impériaux, les meubles les plus
précieux de la couronne, et enfin la cavalerie et toute l'armée suivaient
le char du dieu. Quand le prince avait conduit et placé la divinité dans
le temple, il célébrait alors ces sacrifices solennels que nous avons déjà
décrits; puis, montant sur des tours très élevées construites à cette
occasion, il jetait au peuple des vases d'or et d'argent, des robes, des
étoffes de toute espèce dont chacun était maître de s'emparer; il faisait
distribuer aussi toutes sortes d'animaux privés ou non privés, à
l'exception des porcs, car il s'abstenait de cette viande, selon la
coutume phénicienne. Beaucoup de citoyens périrent dans cette espèce de
pillage, en s'écrasant mutuellement ou en se jetant sur les lances des
soldats : aussi la fête devenait-elle un sujet d'infortune pour bien des
familles. Antonin ne cessait de se montrer en public conduisant des chars
ou dansant ; il ne se souciait nullement de cacher ses vices ; il se
peignait les yeux, se fardait les joues, défigurait par des teintures
indécentes la beauté naturelle de son visage, et dans cet état s'exposait
aux yeux du peuple.
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