Texte grec :
[2,3] ὃ δὲ ἐπείπερ ἱδρύθη ἐν τῇ βασιλείῳ ἑστίᾳ τῶν τε
στρατιωτῶν αὐτὸν καὶ τοῦ δήμου, ὡς προείρηται, νύκτωρ
ἀναγαγόντων, φροντίσι μεγίσταις τὴν γνώμην ἐταράττετο· πάνυ τε
αὐτόν, καίτοι δοκοῦντα ψύχης εἶναι ἐρρωμένης καὶ πρὸς πάντα
ἀνδρεῖον, τὰ παρόντα ἐφόβει, οὐχ
οὕτως προνοίᾳ τῆς ἑαυτοῦ σωτηρίας (κινδύνων γὰρ καὶ
μειζόνων πολλάκις ἦν καταφρονήσας), ἐλογίζετο δὲ τήν
τε αἰφνίδιον τῆς τυραννίδος μεταβολὴν τήν τε ἐν τῇ
συγκλήτῳ βουλῇ τινων εὐγένειαν, οὓς ὑπώπτευεν οὐκ
ἀνεξομένους μετὰ βασιλέα εὐγενέστατον τὴν ἀρχὴν μεταπεσοῦσαν ἐς
ἄνδρα ἐξ ἰδιωτικοῦ καὶ ἀσήμου γένους
ἐπὶ τοῦτο ἐλθόντα. εἰ γὰρ καὶ ὁ βίος αὐτῷ διὰ σωφροσύνην ἐπῃνεῖτο
καὶ τὰ ἐν ταῖς στρατιωτικαῖς πράξεσιν
ἦν εὐκλεής, ἀλλ´ ὅσον εὐγενείας χάριν πολὺ τῶν εὐπατριδῶν
ἀπελείπετο. ἡμέρας οὖν καταλαβούσης κατῆλθεν
ἐπὶ τὸ συνέδριον τῆς βουλῆς οὔτε τὸ πῦρ ἐάσας αὑτοῦ
προπομπεῦσαι οὔτε τι ἄλλο τῶν βασιλικῶν συμβόλων ἐς
ὕψος ἀρθῆναι πρὶν ἢ μαθεῖν τὴν γνώμην τῆς συγκλήτου βουλῆς.
ἐπεὶ δὲ αὐτὸν ἅμα τῷ ἐπιφανῆναι πάντες
ὁμοθυμαδὸν εὐφήμησαν Σεβαστόν τε καὶ βασιλέα προσηγόρευσαν,
ὃ δὲ τὰ μὲν πρῶτα παρῃτεῖτο τῆς ἀρχῆς τὸ
ἐπίφθονον γῆράς τε προϊσχόμενος συγγνώμης ἐδεῖτο
εἶναί τε πολλοὺς εὐπατρίδας ἔφασκεν οἷς ἡ βασιλεία
μᾶλλον ἁρμόζει· καὶ λαβόμενος τῆς χειρὸς Γλαβρίωνος
εἷλκεν αὐτὸν καθίζεσθαι κελεύων ἐπὶ τοῦ βασιλείου
θρόνου. ἦν δὲ ἐκεῖνος εὐγενέστατος μὲν πάντων τῶν
εὐπατριδῶν (ἀνέφερε γοῦν ἐς Αἰνείαν τὸν Ἀφροδίτης
καὶ Ἀγχίσου τὴν τοῦ γένους διαδοχήν), ἔτι δὲ καὶ τὴν
ὕπατον ἀρχὴν τελέσας δεύτερον. ὃ δὲ „ἀλλ´ αὐτός {τε}“
ἔφη „ἐγὼ ὃν σὺ νομίζεις πάντων ἀξιώτατον, σοί τε τῆς
ἀρχῆς παραχωρῶ καὶ πᾶσαν τὴν ἐξουσίαν ἐγὼ καὶ οἱ
λοιποὶ πάντες ἐπευφημίζομεν σοι διδόντες“. τότε δὲ πάντων αὐτὸν
ἐκβιασαμένων ἐκλιπαρησάντων τε ὀκνῶν καὶ
μόλις ἀνελθὼν ἐπὶ τὸν βασίλειον θρόνον ἔλεξε τοιάδε·
„τὸ πάνυ δεξιὸν ὑμῶν τῆς πρός με τιμῆς καὶ τὸ τῆς
σπουδῆς ὑπερβάλλον ἐπίλεκτόν τε ἐς πρόκρισιν τοσαύτης παρ´ ὑμῖν
εὐγενείας, οὐκ ἔχον κολακείας ὑποψίαν
ἀλλὰ δεῖξιν καὶ πίστιν εὐνοίας, ἄλλῳ μὲν ἂν τῷ θάρσος
καὶ προθυμίαν ἐνέβαλεν ἐς τὸ ἑτοίμως ὑποδέξασθαι τὰ
ἐγκεχειρισμένα ἐλπίδα τε ῥαστώνης ὑπέφηνεν ἂν ὡς
εὐμαρῶς τὴν ἀρχὴν διοίσοντι ἐν ἀρχομένοις οὕτως εὐνοοῦσιν·
ἐμοὶ δὲ ταῦτα μεγάλα ὄντα καὶ ἐξαίρετα τιμῆς
τε αἰσθήσει ἐκπλήττει δέος τε καὶ ἀγῶνα οὐ μικρὸν ἐμποιεῖ.
μεγάλων γὰρ εὐεργεσιῶν προϋπαρχουσῶν τὸ ἰσότιμον
δυσέφικτον ἀεὶ ἐν ταῖς ἀμοιβαῖς, καὶ μικρὰ μὲν
λαβοῦσιν ἀντιδοῦναι μείζω οὐχ οὕτως εὐμαρὲς ὡς εὐχάριστον δοκεῖ,
ὁπηνίκα δ´ ἂν ὁ πρῶτός τι δράσας ἀγαθὸν ἀνυπέρβλητον
καταθῆται χάριν, τὸ μὴ κατ´ ἀξίαν
ἀντιδοθὲν οὐχ οὕτως δυσπόριστον ὡς ἀναίσθητον ἅμα
καὶ ἀχάριστον ὀνομάζεται. ὁρῶ δὴ οὐ τὸν τυχόντα μοι
ἐπηρτημένον ἀγῶνα πρὸς τὸ ἄξιον ἐμαυτὸν παρασχεῖν
τῆς τοσαύτης παρ´ ὑμῶν τιμῆς. οὐ γὰρ ἐν τῇ καθέδρᾳ
ἡ προεδρία, ἀλλ´ ἐν τοῖς ἔργοις, εἴ τις αὐτὴν μὴ καταισχύνει.
ὅσῳ δὲ τὰ γενόμενα ὡς φαῦλα μισεῖται, τοσούτῳ
τὰ μέλλοντα ὡς ἀγαθὰ μεγάλως ἐλπίζεται. καὶ τὰ μὲν
δεινὰ τῶν ἔργων ἀεὶ μνημονεύεται (τὸ γὰρ λυπῆσαν
δυσαπάλειπτον), τὰ δὲ χρηστὰ ἅμα τῇ ἀπολαύσει καὶ τὴν
περὶ αὐτῶν μνήμην συναναλίσκει, ἐπεὶ μὴ ὁμοίως εὐφραίνει
ἐλευθερία ὡς λυπεῖ δουλεία, οὐδέ τις ἀδεῶς τὰ
ἑαυτοῦ ἔχων ἐν χάριτος μοίρᾳ τίθεται, τὰ ἴδια καρποῦσθαι νομίζων,
ὁ δὲ τῶν οἰκείων στερηθεὶς αἰώνιον ἔχει
τὴν μνήμην τοῦ λελυπηκότος. οὐδ´ εἴ τις ἐς τὸ κοινὸν
χρηστὴ γένοιτο μεταβολή, αὐτός τι πλέον καρποῦσθαι
νομίζει, ἐπεὶ τοῦ μὲν δημωφελοῦς καὶ κοινῇ διαφέροντος ὀλίγη τοῖς
καθ´ ἕνα φροντίς, τὸ δὲ καθ´ αὑτὸν ἕκαστος εἰ μὴ κατὰ γνώμην
προχωροίη, οὐδέν τι μέγα ὠφελεῖσθαι νομίζει. οἵ τ´ εἰθισμένοι ταῖς τῆς
τυραννίδος ἀκρίτοις καὶ ἀφειδέσι μεγαλοδωρίαις ἐντρυφᾶν τὴν ἐς
τὸ σωφρονέστερον καὶ μεμετρημένον διὰ σπάνιν χρημάτων
μεταβολὴν οὐ φειδὼ σώφρονα οὐδὲ σύμμετρον
καὶ κεκριμένην διοίκησιν ὀνομάζουσιν, ἀλλὰ μικρολογίαν
καὶ ἀθλιότητα βίου ὀνειδίζουσιν οὐκ εἰδότες, ὅτι τὸ μὲν
μεγάλα καὶ ὡς ἔτυχε χαρίζεσθαι οὐκ ἂν περιγένοιτο, εἰ
μὴ ἐκ τοῦ ἁρπάζειν καὶ βιάζεσθαι, τὸ δὲ λογισμῷ πάντα
καὶ κατ´ ἀξίαν ἑκάστου νέμειν ἄνευ τοῦ δεινόν τι δρᾶσαι,
μὴ παρέχον ἄδικον εὐπορίαν χρημάτων, διδάσκει
φειδὼ σώφρονα τῶν καλῶς πορισθέντων. ταῦτα δὴ ὑμᾶς
ἐγνωκότας χρὴ συναίρεσθαι καὶ κοινὴν τῆς ἀρχῆς τὴν
διοίκησιν νομίζοντας, ἀριστοκρατίαν τε ἀλλ´ οὐ τυραννίδα
ὑπομενοῦντας αὐτούς τε ἀγαθὰς ἔχειν ἐλπίδας καὶ
πᾶσι τοῖς ἀρχομένοις ταῦτα ὑπισχνεῖσθαι.“
τοιαῦτα ὁ Περτίναξ εἰπὼν ὑπερῆσέ τε τὴν σύγκλητον
βουλήν, καὶ πρὸς πάντων εὐφημηθεὶς πάσης τε τιμῆς
καὶ αἰδοῦς παρ´ αὐτῶν τυχὼν ἔς τε τὸν τοῦ Διὸς νεὼν
καὶ τὰ λοιπὰ ἱερὰ προπεμφθεὶς τάς τε ὑπὲρ τῆς βασιλείας θυσίας
τελέσας ἐς τὴν βασίλειον ἐπανῆλθεν αὐλήν.
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Traduction française :
[2,3] IX. Ils reconduisirent ainsi avant le jour, comme nous l'avons dit
précédemment, le nouveau prince jusqu'au palais des empereurs.
Là, de vives inquiétudes vinrent l'assaillir. Quoiqu'il eût donné des preuves
d'une âme forte et d'un courage à toute épreuve, les circonstances
présentes l'effrayaient, non pour sa vie, car mille fois il avait bravé de
plus grands périls; mais il avait peine à croire à une révolution aussi
soudaine ; il songeait à plusieurs sénateurs d'une naissance distinguée,
qui pourraient s'opposer à ce que l'empire, des mains d'un prince dont
l'origine était si illustre, tombât dans celles d'un plébéien, d'un obscur
parvenu. Malgré l'estime que lui avait acquise la simplicité de ses
moeurs, malgré la gloire qu'il devait à ses exploits militaires, il voyait
beaucoup de patriciens au-dessus de lui par leur naissance. Il se rendit
donc au sénat, dès que le jour fut venu, sans permettre qu'on portât
devant lui le feu sacré et les autres marques de la dignité impériale,
avant qu'il eût connu les dispositions des sénateurs.
X. Mais à peine parut-il en leur présence, qu'ils le saluèrent
d'acclamations unanimes, et l'appelèrent auguste et empereur. D'abord il
voulut refuser ces titres comme trop exposés à l'envie; il objecta sa
vieillesse ; il supplia le sénat de se rendre à ses désirs : « à combien
de patriciens l'empire ne convenait-il pas mieux qu'à lui? » et en même
temps il prit par la main Glabrion, l'attira vers lui, et voulut le forcer
de s'asseoir à la place réservée aux empereurs. Glabrion était le plus
noble de tous les patriciens, il faisait remonter son origine jusqu'à
Énée, fils de Vénus et d'Anchise ; il était alors pour la seconde fois
consul. Il dit à Pertinax : « Moi, que vous jugez le plus digne de
l'empire, je vous le cède; le sénat tout entier vous décerne, ainsi que
moi, la souveraine puissance. » Tous l'entourent aussitôt, le pressent,
lui font presque violence; il hésite longtemps; vaincu enfin, il s'assied
sur le siége impérial, et parle en ces termes :
XI. « Votre unanime assentiment, l'ardeur avec laquelle vous m'avez choisi
de préférence à tant d'illustres patriciens qui siégent au milieu de vous,
repoussent tout soupçon de flatterie, et ne peuvent être regardés que
comme un témoignage public de votre bienveillance et de votre estime. Un
autre, peut-être, encouragé par votre conduite, saisirait avec confiance
et empressement l'empire qui lui serait offert, et espérerait trouver dans
la royauté une tâche facile, en trouvant tant de bienveillance dans ceux
qu'il serait appelé à gouverner. Mais pour moi, tout en ressentant
vivement l'honneur de cette glorieuse préférence, je ne m'y soumets ni
sans inquiétude ni sans crainte. Il est bien difficile de répondre
dignement à un grand bienfait. Si un homme récompense magnifiquement un
léger service, on lui tient compte de sa reconnaissance, lors même qu'elle
lui a peu douté ; mais si, après avoir reçu un grand bienfait, vous ne
pouvez dignement le reconnaître, on ne s'en prendra pas à la faiblesse de
vos moyens; on vous accusera d'indifférence et d'ingratitude. Je vois déjà
quelle lutte pénible je m'impose, en voulant me rendre digne des honneurs
que vous m'accordez. Car ce n'est point dans le trône même que réside
l'élévation du prince, mais dans le talent de ne point rester par ses
actions au-dessous du trône. Autant l'on a horreur des maux passés, autant
l'on se forme une idée brillante des biens à venir : on n'oublie jamais ce
que l'on a souffert, une injustice est ineffaçable, tandis que le souvenir
du bienfait s'efface avec le moment de la jouissance. Nous sentons moins
vivement le bonheur de la liberté que les maux de la servitude. L'homme ne
croit point vous devoir de reconnaissance, si vous le laissez jouir en
paix de ses propriétés; il sait qu'il ne fait alors usage que d'un droit
naturel. Mais si vous le dépouillez de ses biens, il conservera de votre
injustice un éternel souvenir. S'il arrive dans l'État quelque changement
avantageux au bien public, personne ne croit y trouver son propre avantage
: chacun se soucie peu de ce qui ne tend qu'à l'intérêt de tous. Mais si
nous éprouvons en particulier la moindre disgrâce, nous voudrions que tout
l'État vint à notre secours. Tous ceux que la tyrannie avait habitués à
s'engraisser de ces énormes largesses qu'elle répandait au hasard, s'ils
voient sous un règne nouveau succéder à cette profusion un emploi plus
sage de ressources devenues plus modiques, ils n'attribueront pas cette
conduite à la prudence et à une louable économie, mais à une honteuse et
sordide avarice. Ils ne songent point, les insensés! que les largesses
inconsidérées des princes sont toujours le produit de la rapine et de la
violence. Mais le monarque qui agit avec discernement, et récompense
chacun selon son mérite, loin d'être contraint à des actions injustes et à
d'illégales spoliations, inspire à tous l'amour de la modération et de
l'économie. En appelant votre attention sur les obstacles qui m'attendent,
j'implore votre secours, sénateurs ; je vous prie de regarder l'empire
comme une tâche qui vous est commune avec moi. Rome n'est plus placée sous
la tyrannie d'un seul, mais sous une sage aristocratie; faites donc
partager à tous les citoyens l'heureux espoir qui doit animer votre âme. »
XII. Ce discours sembla rendre au sénat une vie nouvelle; il fut accueilli
par d'unanimes acclamations; les sénateurs rendirent à l'envi à Pertinax
toute espèce d'hommages; ils l'accompagnèrent d'abord au temple de
Jupiter, puis à tous les temples de Rome; le nouvel empereur fit les
sacrifices accoutumés et fut reconduit jusqu'à son palais.
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