Texte grec :
[5,4] Καὶ ὁ Καλάσιρις αὖθις πράγματα εἶχεν ἐπιρρωννύναι
πειρώμενος. Ἔπαιζε δὲ ἄρα τι τὸν Κνήμωνα δαιμόνιον,
ὃ καὶ τὰ ἄλλα χλεύην ὡς ἐπίπαν τὰ ἀνθρώπεια καὶ
παιδιὰν πεποίηται, καὶ οὐδὲ τῶν ἡδίστων ἀλύπως μετέχειν
ἐπέτρεπεν ἀλλ´ ὅτι μετ´ ὀλίγον ἡσθήσεσθαι ἔμελλεν ἤδη
τὸ ἀλγεινὸν ἐπέπλεκε, τάχα μὲν οὕτως ἔθος ὂν αὐτῷ καὶ
νῦν ἐπιδεικνύμενον, τάχα δέ που καὶ τῆς ἀνθρώπων φύσεως
ἀμιγὲς καὶ καθαρὸν τὸ χαῖρον οὐκ ἐπιδεχομένης. Ὡς
δὴ καὶ τότε ὁ Κνήμων ἔφευγέ τε τὰ πάντων μᾶλλον αἱρετὰ
καὶ φοβερὰ τὰ ἥδιστα ὑπελάμβανεν, ἦν γὰρ οὐ Θίσβη τὸ
θρηνοῦν γύναιον ἀλλὰ Χαρίκλεια. Ἐγεγόνει δὲ τὰ περὶ
αὐτὴν ὧδε· ἐπειδὴ γὰρ ὁ μὲν Θύαμις ἁλοὺς ἐζώγρητο
καὶ εἴχετο αἰχμάλωτος ἡ δὲ νῆσος ἐνεπέπρηστο καὶ τῶν
ἐνοίκων ἐκεκένωτο βουκόλων, ὁ μὲν Κνήμων καὶ Θέρμουθις
ὁ τοῦ Θυάμιδος ὑπασπιστὴς ἑῷοι τὴν λίμνην διέπλευσαν
ὅ τί ποτε τὸν λῄσταρχον ἔδρασαν οἱ πολέμιοι κατασκοπήσοντες·
ἔσχε τε τὰ κατ´ αὐτοὺς ὡς δὴ καὶ εἴρηται.
Μόνοι δὲ Θεαγένης καὶ Χαρίκλεια κατὰ τὸ σπήλαιον ὑπελείποντο
τὸ ὑπερβάλλον τῶν παρόντων δεινῶν ἀγαθὸν
μέγιστον τιθέμενοι· τότε γὰρ πρῶτον ἰδίᾳ καὶ παντὸς
ἀπηλλαγμένοι τοῦ ὀχλήσοντος ἀλλήλοις ἐντυχόντες ἀπαραποδίστων
καὶ ὁλοσχερῶν περιπλοκῶν τε καὶ φιλημάτων
ἐνεπίμπλαντο. Καὶ πάντων ἅμα εἰς λήθην ἐμπεσόντες
εἴχοντο ἐπὶ πλεῖστον ἀλλήλων οἱονεὶ συμπεφυκότες, ἁγνεύοντος
μὲν ἔτι καὶ παρθενεύοντος ἔρωτος κορεννύμενοι
δάκρυσι δὲ ὑγροῖς καὶ θερμοῖς εἰς ἀλλήλους κεραννύμενοι
καὶ καθαροῖς μόνον μιγνύμενοι τοῖς φιλήμασιν· ἡ γὰρ
Χαρίκλεια τὸν Θεαγένην εἴ τι παρακινοῦντα αἴσθοιτο καὶ
ἀνδριζόμενον ὑπομνήσει τῶν ὅρκων ἀνέστελλεν, ὁ δὲ οὐ
χαλεπῶς ἐπανήγετο καὶ σωφρονεῖν ῥᾳδίως ἠνείχετο ἔρωτος
μὲν ἐλάττων ἡδονῆς δὲ κρείττων γινόμενος. Ἐπεὶ δὲ
ὀψέ ποτε τῶν πρακτέων εἰς ἔννοιαν ἐλθόντες δόξαι κόρον
ἔχειν ἐβιάσθησαν, ἄρχεται ὁ Θεαγένης λόγων τοιῶνδε «Τὸ
μὲν συνεῖναι ἡμᾶς ἀλλήλοις, ὦ Χαρίκλεια, καὶ τοῦτο ἔχειν
ὃ πάντων τε προτιμότερον ἐποιησάμεθα καὶ δι´ ὃ πάντα
ὑπέστημεν, ἡμεῖς τε εὐχόμεθα θεοί τε Ἑλλήνιοι παρέχοιεν.
Ἐπεὶ δὲ ἀστάθμητόν τι τὸ ἀνθρώπειον καὶ ἄλλοτε πρὸς
ἄλλα φερόμενον καὶ πολλὰ μὲν πεπόνθαμεν πολλὰ δὲ ἐλπίζομεν
πρόκειται δὲ ἡμῖν κατὰ τὰ συγκείμενα πρὸς Κνήμωνα
πάντως ἐπὶ Χέμμιν τὴν κώμην ἐπείγεσθαι καὶ ἄδηλον
ἥτις ἡμᾶς διαδέξεται τύχη πολὺ δὲ καὶ ἄπειρον ὡς
ἔοικε διάστημα τῆς ἐλπιζομένης ἡμῖν γῆς ὑπολείπεται,
φέρε σύμβολά τινα ποιησώμεθα δι´ ὧν ἀπόρρητά τε γνωριοῦμεν
παρόντες καὶ εἰ χωρισθῆναί ποτε συμβαίνοι μαστεύσομεν
ἀλλήλους. Ἀγαθὸν γὰρ πλάνης ἐφόδιον σύνθημα
φιλικὸν εἰς ἀνεύρεσιν φυλαττόμενον.»
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Traduction française :
[5,4] Et Calasiris, de nouveau, se donna bien du mal
pour essayer de le ranimer. Il est certain qu'une divinité
se jouait de Cnémon, l'une de ces divinités qui, toujours,
considèrent les affaires humaines comme un objet de
moquerie et de divertissement. Elle ne lui permettait point
d'atteindre à un bonheur sans mélange et déjà entremêlait
de douleur les plaisirs qu'il devait bientôt goûter, peut-être
parce qu'elle montrait ainsi, une fois de plus, son véritable
caractère, peut-être parce que la nature humaine n'est
pas susceptible d'une joie pure et sans mélange. C'est
ainsi qu'alors Cnémon fuyait ce qu'il désirait le plus au
monde et considérait comme redoutable ce qui était le
plus délicieux, car la femme qui se lamentait n'était pas
Thisbée mais Chariclée.
Voici ce qui était arrivée à celle-ci : lorsque Thyamis
eut été fait prisonnier vivant et emmené en captivité,
que l'île eut été incendiée et vidée des Pasteurs qui
l'habitaient, Cnémon et Thermoutis, l'écuyer de Thyamis,
traversèrent le lac, au matin, pour tâcher de savoir ce
que les ennemis avaient fait du chef des brigands; et
il leur arriva ce que nous avons déjà raconté. Théagène
et Chariclée restèrent seuls près de la caverne, et
transformèrent la situation terrible où ils se trouvaient en
une grande douceur : alors, pour la première fois, ils furent
délivrés de toute présence importune et, abandonnés à
eux-mêmes, se rassasièrent d'embrassements et de
baisers sans contrainte et sans mesure. Oubliant tout le
reste, ils se tinrent longtemps enlacés, comme s'ils ne
faisaient qu'un, s'abandonnant, jusqu'à satiété, à leur
amour toujours pur et vierge, mêlant les flots tièdes de
leurs larmes et n'échangeant que de chastes baisers,
Chariclée, en effet, lorsqu'elle sentait Théagène un peu
trop ému et trop viril, le retenait en lui rappelant ses
serments, et lui n'avait aucun mal à se maîtriser et se
contraignait aisément à la sagesse, car, s'il était la proie
de l'amour, il n'en dominait pas moins ses sens. Lorsque
finalement, ils reprirent conscience de ce qu'ils avaient
à faire et se forcèrent à cesser, sans avoir, cependant,
contenté leur envie, Théagène fut le premier à parler.
« Etre toujours l'un auprès de l'autre, Chariclée, et
posséder ce que nous avons préféré à tout, ce pour quoi
nous avons souffert tout cela, voilà ce que nous demandons
aux dieux de la Grèce de nous accorder. Mais,
puisque la condition humaine est instable et se trouve
ballottée tantôt dans un sens, tantôt dans un autre, comme
nous avons traversé bien des épreuves et que nous pouvons
nous attendre à bien d'autres, maintenant que nous
devons, comme convenu avec Cnémon, mettre tout en
oeuvre pour nous rendre au village de Chemmis, sans
savoir ce que nous réserve la Fortune, au cours du long
trajet qui, apparemment, nous sépare de ce pays désiré,
convenons de certains signes qui nous permettrons, sans
nous parler, de nous transmettre, si nous sommes
ensemble, des messages secrets, et, s'il nous arrive
d'être séparés, de nous chercher mutuellement. C'est
une bonne précaution pour éviter de s'égarer que
de prévoir avec ses amis des signes pour se retrouver. »
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