Texte grec :
[24] XXIV. <1> Εἶχε μὲν οὖν οὕτω ταῦτα, καὶ πλήρης παιδεύσεως ἡ
φορτίς, ὡς γοῦν ἐφικτὸν ἀνθρωπίνῃ φύσει· τὸ γὰρ ἐπέκεινα Γαδείρων οὐ
περατόν· ἔδει δὲ λοιπὸν ἐπανόδου καὶ βίου τελεωτέρου καὶ τοῦ λαβέσθαι
τῶν ἐλπιζομένων ἡμῖν καὶ συγκειμένων. Παρῆν ἡ τῆς ἐκδημίας ἡμέρα καὶ
ὅσα τῆς ἐκδημίας· ἐξιτήριοι λόγοι, προπόμπιοι, ἀνακλήσεις, οἰμωγαί,
περιπλοκαί, δάκρυα. <2> Οὐδὲν γὰρ οὕτως οὐδενὶ λυπηρόν, ὡς τοῖς ἐκεῖσε
συννόμοις Ἀθηνῶν καὶ ἀλλήλων τέμνεσθαι. Γίνεται δὴ τότε θέαμά τι
ἐλεεινὸν καὶ ἱστορίας ἄξιον. Περιστάντες ἡμᾶς ὁ τῶν ἑταίρων καὶ ἡλίκων
χορός, ἔστι δὲ ὧν καὶ διδασκάλων, οὐδ' ἂν εἴ τι γένοιτο μεθήσειν ἔφασκον,
ἀντιβολοῦντες, βιαζόμενοι, πείθοντες· τί γὰρ οὐ λέγοντες; τί δ' οὐ
πράττοντες, ὧν τοὺς ἀλγοῦν τας εἰκός;
<3> Ἐνταῦθά τι κατηγορήσω μὲν ἐμαυτοῦ, κατηγορήσω δὲ τῆς θείας
ἐκείνης καὶ ἀλήπτου ψυχῆς, εἰ καὶ τολμηρόν. Ὁ μὲν γάρ, τὰς αἰτίας εἰπὼν
τῆς περὶ τὴν ἐπάνοδον φιλονεικίας, κρείττων ὤφθη τῶν κατεχόντων· καὶ
βίᾳ μέν, συνεχωρήθη δ' οὖν ὅμως τὴν ἐκδημίαν· ἐγὼ δὲ ὑπελείφθην
Ἀθήνησι· τὸ μέν τι μαλακισθείς, εἰρήσεται γὰρ τἀληθές, τὸ δέ τι προδοθεὶς
παρ' ἐκείνου, πεισθέντος ἀφεῖναι μὴ ἀφιέντα καὶ παραχωρῆσαι τοῖς
ἕλκουσι. <4> Πρᾶγμα, πρὶν γενέσθαι, μὴ πιστευόμενον· γίνεται γὰρ ὥσπερ
ἑνὸς σώματος εἰς δύο τομὴ καὶ ἀμφοτέρων νέκρωσις, ἢ μόσχων συν
τρόφων καὶ ὁμοζύγων διάζευξις γοερὸν μυκωμένων ἐπ' ἀλλήλοις καὶ οὐ
φερόντων τὴν ἀλλοτρίωσιν. <5> Οὐ μὴν μακρότερόν μοι τὸ τῆς ζημίας· οὐ
γὰρ ἠνειχόμην ἐπὶ πλέον ἐλεεινὸς ὁρᾶσθαι καὶ πᾶσι λόγον ὑπέχειν τῆς δια
στάσεως· ἀλλ' ἐπιμείναντά με ταῖς Ἀθήναις χρόνον οὐχὶ συχνόν, ποιεῖ τὸν
Ὁμηρικὸν ἵππον ὁ πόθος· καὶ τὰ δεσμὰ ῥήξας τῶν κατεχόντων κροαίνω
κατὰ πεδίων καὶ πρὸς τὸν σύννομον ἐφερόμην.
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Traduction française :
[24] XXIV. <1> Les choses en étaient là et nous avions une pleine
cargaison de science, du moins dans la mesure accessible à la nature
humaine ; car au-delà de Gadès on ne peut pas pénétrer. Ce qu'il fallait
désormais c'était le retour, une vie plus parfaite, réaliser nos espérances
et nos communs projets. Il était venu, le jour du départ, avec tout ce qui
est propre au départ : discours d'adieu, cortèges, salutations, plaintes,
embrassements, larmes. <2> Car il n'y a rien au monde de pénible comme
d'avoir été compagnons là-bas, et de s'arracher à Athènes, et l'un à
l'autre. On voit alors un spectacle pitoyable et digne de l'histoire. Autour
de nous le cercle de nos camarades et des jeunes gens de notre âge, et
aussi quelques-uns de nos maîtres protestaient, quoi qu'il advînt, qu'ils ne
nous laisseraient point partir, avec des prières, la violence, la persuasion.
Que ne disaient-ils pas, que ne faisaient-ils pas de ce qui est naturel à la
douleur?
<3> Ici, je vais m'accuser un peu moi-même, je vais accuser aussi
cette âme divine et irréprochable, encore que ce soit téméraire. Lui, ayant
exposé les raisons qui pressaient son retour, se montra supérieur à la
contrainte; et si ce fut à contrecur, tout de même on consentit à son
départ. Tandis que moi, je restai à Athènes, un peu par faiblesse, car on
dira la vérité, mais un peu par la trahison de celui-là, qui s'était laissé
persuader de me lâcher quand je ne le lâchais point, et de m'abandonner
à ceux qui me retenaient. <4> La chose, avant l'événement, n'eût pas été
croyable. C'est comme un corps coupé en deux, et la mort pour les deux ;
ou comme des bufs nourris ensemble et compagnons de joug qu'on
sépare, mugissant lamentablement l'un sur l'autre et incapables de
supporter la privation. <5> Mon malheur toutefois ne fut pas de trop longue
durée; il m'était intolérable d'offrir plus longtemps en moi un spectacle de
pitié, et de rendre raison à chacun de notre séparation. Aussi après un
séjour peu prolongé à Athènes, le regret fait de moi le cheval d'Homère :
je brisai les liens qui me retenaient, je pris mon galop à travers la plaine et
j'allai retrouver mon compagnon.
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