[18,6,5]
(5)<168> Προιούσης δὲ ἐπὶ μέγα τῷ Ἀγρίππᾳ τῆς πρὸς Γάιον φιλίας
αἰωρουμένοις ποτὲ λόγος περὶ τοῦ Τιβερίου γίνεται, καὶ τοῦ
Ἀγρίππου κατ' εὐχὰς τραπομένου, μόνω δ' ἤστην, ᾗ τάχος Τιβέριον
ὑπεκστάντα τῆς ἀρχῆς Γαίῳ παραχωρεῖν ἀξιωτέρῳ τὰ πάντα ὄντι,
τούτων ἀκροᾶται τῶν λόγων Εὔτυχος, Ἀγρίππου δ' ἦν ἀπελεύθερος
ἡνίοχος, καὶ παραχρῆμα μὲν σιγῇ παρεδίδου. <169> Κλοπῆς δὲ
ἱματίων αὐτῷ τοῦ Ἀγρίππου ἐπικαλουμένης, καὶ ἀκριβῶς δὲ
ἐκεκλόφει, φυγὼν καὶ ληφθεὶς ἀγωγῆς αὐτοῦ ἐπὶ Πείσωνα
γενομένης, ὃς ἦν φύλαξ τῆς πόλεως, ἐρομένου τὴν αἰτίαν τῆς φυγῆς
Καίσαρί φησιν ἀπορρήτους ἔχειν λόγους εἰπεῖν ἐπ' ἀσφαλείᾳ τῆς
σωτηρίας αὐτοῦ φέροντας, ὥστε δήσας αὐτὸν ἔστελλεν εἰς τὰς
Καπρέας, καὶ Τιβέριος τῷ αὑτοῦ τρόπῳ χρώμενος εἶχεν αὐτὸν
δέσμιον, μελλητὴς εἰ καί τις ἕτερος βασιλέων ἢ τυράννων γενόμενος.
<170> Οὔτε γὰρ πρεσβειῶν ὑποδοχὰς ἐκ τοῦ ὀξέος ἐποιεῖτο ἡγεμόσι τε
ἢ ἐπιτρόποις ὑπ' αὐτοῦ σταλεῖσιν οὐδεμία ἦν διαδοχή, ὁπότε μὴ
φθαῖεν τετελευτηκότες· ὅθεν καὶ δεσμωτῶν ἀκροάσεως ἀπερίοπτος
ἦν. <171> Ὥστε καὶ τῶν φίλων ἐρομένων τὴν αἰτίαν τοῦ ἐπὶ τοιούτοις
ὁλκῇ χρωμένου, ἔφη τὰς μὲν πρεσβείας τρίβειν, ὅπως μὴ ἀπαλλαγῆς
αὐταῖς ἐκ τοῦ ὀξέος γενομένης ἕτεροι πρέσβεις ἐπιχειροτονηθέντες
ἐπανίοιεν ὄχλος τε αὐτῷ γίγνοιτο ἐπιδοχαῖς αὐτῶν καὶ πομπαῖς
προσκειμένῳ. <172> Τὰς δ' ἀρχὰς συγχωρεῖν τοῖς ἅπαξ εἰς αὐτὰς ὑπ'
αὐτοῦ καταστᾶσιν αἰδοῦς προμηθείᾳ τῶν ὑποτελῶν· φύσει μὲν γὰρ
εἶναι πᾶσαν ἡγεμονίαν οἰκείαν τοῦ πλεονεκτεῖν· τὰς δὲ μὴ πατρίους,
ἀλλ' εἰς ὀλίγον καὶ ἄδηλον ὁπότε ἀφαιρεθεῖεν καὶ μειζόνως
ἐξοτρύνειν ἐπὶ κλοπαῖς τοὺς ἔχοντας. <173> Εἰ μὲν οὖν ἐφεστήκασιν
εἰς πλέον, αὐτοὺς ἄδην τῶν κλοπῶν ἕξειν ὑπὸ τοῦ πολλοῦ τῶν
κεκερδημένων ἀμβλυτέρως τὸ λοιπὸν αὐταῖς χρωμένους. Διαδοχῆς δ'
ἐπιπαραγενομένης ἐκ τοῦ ὀξέος μηδαμῶς ἂν ἀρκέσαι τοὺς ἆθλα τοῖς
ἄρχουσι προκειμένους ἀναστροφῆς αὐτοῖς οὐ διδομένης καιρῶν, ἐν
οἷς πλήρεις οἱ προειληφότες γενόμενοι ὑποδιδοῖέν τε σπουδῆς τῆς ἐπὶ
τῷ λαμβάνειν, διὰ τὸ πρὶν ἐν καιρῷ γενέσθαι μεταστῆναι. <174>
Παράδειγμά τε αὐτοῖς φησι τοῦτον τὸν λόγον· τραυματίᾳ τινὶ
κειμένῳ μυῖαι κατὰ πλῆθος τὰς ὠτειλὰς περιέστασαν. Καί τις τῶν
παρατυχόντων οἰκτείρας αὐτοῦ τὴν δυστυχίαν καὶ νομίσας ἀδυναμίᾳ
μὴ βοηθεῖν οἷός τ' ἦν ἀποσοβεῖν αὐτὰς παραστάς. <175> Καὶ δεομένου
παύσασθαι τῶν ἐπὶ τοιοῖσδε, ὑπολαβὼν ἤρετο τὴν αἰτίαν τοῦ
ἀπρομηθοῦς εἰς τὴν διαφυγὴν κακοῦ τοῦ ἐφεστηκότος. « Μειζόνως
γὰρ ἂν ἀδικοῖς με, εἶπε, ταύτας ἀπαγαγών. Ταῖς μέν γε ἤδη
πληρωθείσαις τοῦ αἵματος οὐκέθ' ὁμοίως ἔπειξις ὄχλον μοι
παρασχεῖν, ἀλλά πῃ καὶ ἀνίσχουσιν. Αἱ δ' ἀκραιφνεῖ τῷ κατ' αὐτὰς
λιμῷ συνελθοῦσαι καὶ τετρυμένον ἤδη παραλαμβάνουσαι κἂν
ὀλέθρῳ παραδοῖεν ». <176> Διὰ τάδε οὖν καὐτὸς ὑπὸ πολλῶν τῶν
κλοπῶν διεφθαρμένοις τοῖς ὑποτελέσιν προμηθὲς εἶναι μὴ συνεχὲς
ἐξαποστέλλειν τοὺς ἡγησομένους, οἳ ἐν τρόπῳ μυιῶν ἐκπολεμοῖεν
αὐτούς, φύσει πρὸς κέρδος ὀρωρεγμένοις σύμμαχον
παραλαμβάνοντες τὴν ἐλπίδα τοῦ ταχέως ἀφαιρεθησομένου τὴν
ἐνθένδε ἡδονήν. <177> Μαρτυρήσει δέ μου τῷ λόγῳ περὶ τῆς ἐπὶ
τοιούτοις φύσεως Τιβερίου τὸ ἔργον αὐτό· ἔτη γὰρ δύο πρὸς τοῖς
εἴκοσιν αὐτοκράτωρ γενόμενος δύο τοὺς πάντας Ἰουδαίοις ἐξέπεμψεν
διοικήσοντας τὸ ἔθνος, Γρᾶτον τε καὶ Πιλᾶτον, ὃς αὐτῷ διεδέξατο τὴν
ἡγεμονίαν. <178> Καὶ οὐκ ἐπὶ μὲν Ἰουδαίων τοιοῦτος ἦν, ἑτεροῖος δὲ
ἐπὶ τῶν λοιπῶν ὑπηκόων. Ἀλλὰ καὶ τῶν δεσμωτῶν τὴν ὑπερβολὴν
τῆς ἀκροάσεως ἀπεσήμαινεν ὑπὸ τοῦ δικαιωθεῖσι μὲν θανάτῳ
κούφισιν γενέσθαι τῶν ἐνεστηκότων κακῶν, διὰ τὸ μὴ ἐπ' ἀρετῇ τῶν
ἐπὶ τοιούτοις τύχῃ συνελθεῖν, τριβομένοις δὲ ἀχθηδόνι τῇ ἐπικειμένῃ
μείζονα προσρέπειν τὴν δυστυχίαν.
| [18,6,5] <168> Agrippa faisait donc de très grands progrès dans l'amitié de
Caius. Un jour qu'ils causaient en voiture au sujet de Tibère, Agrippa se
mit à souhaiter - car ils étaient seuls - que Tibère laissât au plus vite
le pouvoir à Caius qui en était plus digne en tous points. Ces paroles
furent entendues par Eutychus, affranchi et cocher d'Agrippa, qui se tut
sur le moment. <169> Mais accusé par Agrippa de lui avoir volé des
vêtements, ce qu'il avait réellement fait, il prit la fuite et, une fois
arrêté et mené devant le préfet de la ville Pison, répondit, quand un lui
demanda pourquoi il avait fui, qu'il avait à révéler à l'empereur des
secrets touchant la sûreté de sa vie. L'ayant fait enchaîner, Pison
l'envoya à Caprée, et Tibère, selon son habitude, le garda en prison,
parce qu'il était plus temporisateur que ne le fut jamais roi ou tyran.
<170> Tibère ne recevait jamais immédiatement les ambassades, et les
généraux ou les gouverneurs qu'il avait nommés n'étaient jamais remplacés,
à moins que la mort ne les surprit. C'est pourquoi aussi l'interrogatoire
des prisonniers était différé. <171> Lorsque ses familiers demandaient à
Tibère la raison de ses atermoiements pour des choses de ce genre, il
répondait que, s'il traînait les ambassades en longueur, c'était de
crainte qu'au cas où il se débarrasserait d'elles tout de suite, d'autres
ambassadeurs ne fussent nommés pour revenir le trouver et qu'il n'eût de
nouveau l'ennui de les recevoir et de les renvoyer. <172> Quant aux
commandements, il les conservait longtemps à ceux qu'il avait choisis une
fois pour toutes afin qu'ils fissent preuve de quelque réserve dans
l'administration de leurs sujets. En effet, la nature de tous ceux qui
avaient le pouvoir inclinait à la tyrannie, et ceux qui ne l'ont pas d'une
manière stable, mais pour peu de temps et sans savoir quand ils en
seront privés, sont plus portés au vol : <173> mais s'ils sont investis de
leurs fonctions pour plus longtemps, ils seront bientôt rassasiés de
rapines et leurs gros profits leur inspireront plus de retenue pour le
reste du temps. Au contraire, si on leur donnait immédiatement des
successeurs, les sujets offerts en proie aux fonctionnaires ne pourraient
jamais leur suffire, parce que ceux-ci ne verraient pas revenir les
occasions qui avaient permis à leurs prédécesseurs de se gorger de butin
et de se relâcher ensuite de leur âpreté au gain, puisqu'ils seraient
déplacés avant d'avoir profilé de leur chance. <174> Et voici ce que
Tibère donnait en manière d'exemple. Un blessé gisait à terre ; une
quantité de mouches couvrait ses plaies. Un passant plaignit son infortune
et, le croyant incapable de s'aider lui-même, se mit en devoir de chasser
les mouches. <175> Mais l'autre lui demanda de cesser d'agir ainsi. Le
passant le questionna sur la raison qui lui faisait négliger d'échapper au
mal qui avait fondu sur lui. «Tu me ferais, dit le blessé, un plus grave
tort en chassant ces mouches ; car celles-ci, déjà pleines de mon sang, ne
sont plus aussi acharnées à me tourmenter et se retiennent un peu. Mais si
d'autres, avec des forces intactes et attirées par la faim, s'emparaient
de mon corps déjà épuisé, elles le conduiraient au trépas ». <176> C'est
donc pour ces raisons que Tibère lui-même, parce que les tributaires
étaient accablés par de nombreuses malversations, avait soin de ne pas
changer continuellement leurs gouverneurs qui, à la façon des mouches, les
harcelaient, craignant qu'à leur nature déjà portée à la cupidité
s'ajoutât encore la perspective d'être bientôt privés du profit qu'ils en
tiraient. <177> Mon exposé sur les dispositions naturelles de Tibère est
confirmé par ses actes mêmes ; en effet, dans ses vingt-deux ans de
principat, il n'envoya au total aux Juifs que deux hommes pour gouverner
leur peuple, Gratus et Pilate son successeur. <178> Et ce n'est pas
seulement envers les Juifs qu'il se comportait ainsi ; il ne tenait pas
une autre conduite à l'égard de ses autres sujets. Quant aux prisonniers,
il laissait entendre que, s'il remettait à plus tard leur interrogatoire,
c'était pour qu'une condamnation à mort ne vînt pas alléger leurs maux
présents, puisque ce n'était pas leur vertu qui les avait mis en telle
situation, et pour qu'une peine plus grande s'ajoutât ainsi à celle qu'ils
éprouvaient.
|