Texte grec :
[11,11] ΠΛΟΥΤΑΡΧΟΥ ΑΠΟ ΤΟΥ ΕΠΙΓΕΓΡΑΜΜΕΝΟΥ ΣΥΓΓΡΑΜΜΑΤΟΣ
ΠΕΡΙ ΤΟΥ ΕΝ ΔΕΛΦΟΙΣ ΕΙ.
"Οὔτε οὖν ἀριθμὸν οὔτε τάξιν οὔτε σύνδεσμον οὔτε ἄλλο τῶν ἐλλιπῶν μορίων
οὐδὲν οἶμαι τὸ γράμμα σημαίνειν· ἀλλ´ ἔστιν αὐτοτελὴς τοῦ θεοῦ
προσαγόρευσις καὶ προσφώνησις, ἅμα τῷ ῥήματι τὸν φθεγγόμενον εἰς ἔννοιαν
καθιστᾶσα τῆς τοῦ θεοῦ δυνάμεως. Ὁ γὰρ θεὸς ἕκαστον ἡμῶν τῶν ἐνταῦθα
προσιόντων οἷον ἀσπαζόμενος προσαγορεύει <τὸ γνῶθι σαυτόν>, ὃ τοῦ <χαῖρε
δὴ> οὐθὲν μεῖόν ἐστιν· ἡμεῖς δὲ πάλιν ἀμειβόμενοι τὸν θεὸν <εἶ> φαμεν, ὡς
ἀληθῆ καὶ ἀψευδῆ καὶ μόνην μόνῳ προσήκουσαν τὴν τοῦ εἶ προσαγόρευσιν
ἀποδιδόντες. Ἡμῖν μὲν γὰρ ὄντως τοῦ εἶναι μέτεστιν οὐδέν, ἀλλὰ πᾶσα θνητὴ
φύσις ἐν μέσῳ φθορᾶς καὶ γενέσεως γενομένη φάσμα παρέχει καὶ δόκησιν
ἀμυδρὰν καὶ ἀβέβαιον αὑτῆς. ἂν δὲ τὴν διάνοιαν ἐπερείσῃ τις λαβέσθαι
βουλόμενος, ὥσπερ ἡ σφοδρὰ περίδραξις ὕδατος τῷ πιέζειν καὶ εἰς ταὐτὸ
συνάγειν διαρρέον ἀπόλλυσι τὸ περιλαμβανόμενον, οὕτω τῶν παθητῶν καὶ
μεταβλητῶν ἑκάστου τὴν ἄγαν ἐνάργειαν ὁ λόγος διώκων ἀποσφάλλεται, τῇ μὲν
εἰς τὸ γινόμενον αὐτοῦ, τῇ δὲ εἰς τὸ φθειρόμενον, οὐδενὸς λαβέσθαι
μένοντος οὐδὲ ὄντος ὄντως δυνάμενος. ’ποταμῷ γὰρ οὐκ ἔστιν ἐμβῆναι δὶς τῷ
αὐτῷ‘ καθ´ Ἡράκλειτον οὐδὲ θνητῆς οὐσίας δὶς ἅψασθαι κατὰ ἕξιν, ἀλλ´
ὀξύτητι καὶ τάχει μεταβολῆς σκίδνησι καὶ πάλιν συνάγει, μᾶλλον δὲ οὐδὲ
πάλιν οὐδὲ ὕστερον, ἀλλ´ ἅμα συνίσταται καὶ ἀπολείπει καὶ πρόσεισι καὶ
ἄπεισιν. Ὅθεν οὐδὲ εἰς τὸ εἶναι περαίνει τὸ γινόμενον αὐτῆς, τῷ μηδέποτε
λήγειν μηδ´ ἵστασθαι τὴν γένεσιν, ἀλλ´ ἀπὸ σπέρματος ἀεὶ μεταβάλλουσαν
ἔμβρυον ποιεῖν, εἶτα βρέφος, εἶτα παῖδα, μειράκιον ἐφεξῆς, νεανίσκον,
ἄνδρα, πρεσβύτην, γέροντα, τὰς πρώτας φθείρουσαν γενέσεις καὶ ἡλικίας ταῖς
ἐπιγινομέναις. Ἀλλ´ ἡμεῖς ἕνα φοβούμεθα γελοίως θάνατον, ἤδη τοσούτους
τεθνηκότες καὶ θνήσκοντες. Οὐ γὰρ μόνον, ὡς Ἡράκλειτος ἔλεγε, ’πυρὸς
θάνατος ἀέρι γένεσις‘, ἀλλ´ ἔτι σαφέστερον ἐπ´ αὐτῶν ἡμῶν· φθείρεται μὲν ὁ
ἀκμάζων γενομένου γέροντος, ἐφθάρη δὲ ὁ νέος εἰς τὸν ἀκμάζοντα καὶ ὁ παῖς
εἰς τὸν νέον, εἰς δὲ τὸν παῖδα τὸ νήπιον, ὁ δὲ χθὲς εἰς τὸν σήμερον
τέθνηκεν, ὁ δὲ σήμερον εἰς τὸν αὔριον· μένει δὲ οὐδὲ εἷς οὐδὲ ἔστιν εἷς,
ἀλλὰ γινόμεθα πολλοί, περὶ ἕν τι φάντασμα καὶ κοινὸν ἐκμαγεῖον ὕλης
περιελαυνομένης καὶ ὀλισθαινούσης. Ἐπεὶ πῶς οἱ αὐτοὶ μένοντες ἑτέροις
χαίρομεν νῦν, ἑτέροις πρότερον, τἀναντία φιλοῦμεν καὶ μισοῦμεν καὶ
θαυμάζομεν καὶ ψέγομεν, ἄλλοις χρώμεθα λόγοις, ἄλλοις πάθεσιν, οὐκ εἶδος,
οὐ μορφήν, οὐ διάνοιαν ἔτι τὴν αὐτὴν ἔχοντες; Οὔτε γὰρ ἄνευ μεταβολῆς
ἕτερα πάσχειν εἰκὸς οὔτε μεταβάλλων ὁ αὐτὸς ἂν εἴη. Εἰ δὲ ὁ αὐτὸς οὐκ
ἔστιν, οὐδ´ ἔστιν ἀλλ´ 〈ἢ〉 ἐκ τοῦ αὐτὸν μεταβάλλειν, γινόμενος ἕτερος ἐξ
ἑτέρου· ψεύδεται δὲ ἡ αἴσθησις ἀγνοίᾳ τοῦ ὄντος εἶναι τὸ φαινόμενον. Τί
οὖν ὄντως ὄν ἐστιν; Τὸ ἀΐδιον καὶ ἀγένητον καὶ ἄφθαρτον, ᾧ χρόνος οὐδεὶς
μεταβολὴν ἐπάγει. Κινητὸν γάρ τι καὶ κινουμένῃ συμφανταζόμενον ὕλῃ καὶ
ῥέον αἰεὶ καὶ μὴ στέγον ὥσπερ ἀγγεῖον φθορᾶς καὶ γενέσεως ὁ χρόνος. Οὗ δὴ
τὸ μὲν ἔπειτα καὶ τὸ πρότερον καὶ τὸ ἔσται λεγόμενον καὶ τὸ γέγονεν
αὐτόθεν ἐξομολόγησίς ἐστι τοῦ μὴ ὄντος. Τὸ γὰρ ἐν τῷ εἶναι μηδέποτε
γεγονὸς ἢ πεπαυμένον ἤδη τοῦ εἶναι λέγειν ὡς ἔστιν, εὔηθες καὶ ἄτοπον. Ἐν
ᾧ δὲ μάλιστα τὴν νόησιν ἐπερείδοντες τοῦ χρόνου τὸ <ἐνέστηκε> καὶ τὸ
<πάρεστι> καὶ τὸ <νῦν> φθεγγόμεθα, τοῦτ´ αὖ πάλιν ἐκδυόμενος ὁ λόγος
ἀπόλλυσιν. Ἐκθλίβεται γὰρ εἰς τὸ μέλλον καὶ τὸ παρῳχημένον, ὥσπερ αὐγὴ
βουλομένοις ἰδεῖν, ἐξ ἀνάγκης διιστάμενον. Εἰ δὲ ταὐτὰ τῷ μετροῦντι
πέπονθεν ἡ μετρουμένη φύσις, οὐδὲ αὐτὴ μένον οὐδὲ ὄν ἐστι, ἀλλὰ γινομένη
καὶ φθειρομένη κατὰ τὴν πρὸς τὸν χρόνον συννέμησιν. Ὅθεν οὐδὲν τοιοῦτον
ἔστιν ἐπὶ τοῦ ὄντος λέγειν ὡς ἦν ἢ ἔσται· ταῦτα γὰρ ἐγκλίσεις τινὲς καὶ
μεταβάσεις καὶ παραλλάξεις τοῦ μένειν ἐν τῷ εἶναι μὴ πεφυκότος. Ἀλλ´ ἔστιν
ὁ θεός, εἰ χρὴ φάναι, καὶ ἔστι κατ´ οὐδένα χρόνον, ἀλλὰ κατὰ τὸν αἰῶνα τὸν
ἀκίνητον καὶ ἄχρονον καὶ ἀνέγκλιτον καὶ οὗ πρότερον οὐδέν ἐστιν οὐδὲ
ὕστερον οὐδὲ μέλλον οὐδὲ παρῳχημένον οὐδὲ πρεσβύτερον οὐδὲ νεώτερον· ἀλλ´
εἷς ὢν ἑνὶ τῷ νῦν τὸ ἀεὶ πεπλήρωκε· καὶ μόνον ἐστὶ τὸ κατ´ αὐτὸ ὄντως ὄν,
οὐ γεγονὸς οὐδὲ ἐσόμενον οὐδὲ ἀρξάμενον οὐδὲ παυσόμενον. Οὕτως οὖν αὐτὸ
δεῖ σεβομένους ἀσπάζεσθαι καὶ προσαγορεύειν ἢ καὶ νὴ Δί´, ὡς ἔνιοι τῶν
παλαιῶν, ’εἶ ἕν.‘ οὐ γὰρ πολλὰ τὸ θεῖόν ἐστιν ὡς ἡμῶν ἕκαστος, ἐκ μυρίων
διαφορῶν ἐν πάθεσι γινομένων ἄθροισμα παντοδαπὸν καὶ πανηγυρικὸν
μεμιγμένον· ἀλλ´ ἓν εἶναι δεῖ τὸ ὄν, ὥσπερ ὂν τὸ ἕν· ἡ δὲ ἑτερότης,
διαφορὰ τοῦ ὄντος, εἰς γένεσιν ἐξίσταται τοῦ μὴ ὄντος."
|
|
Traduction française :
[11,11] CHAPITRE XI.
EXTRAIT DU TRAITÉ DE PLUTARQUE, INTITULÉ DE L'EI, INSCRIT A DELPHES.
« Je crois que cette lettre (la cinquième) ne signifie ni un nombre, ni un
ordre d'interrogation, ni une conjonction (optative ni dubitative), ni une
expression des autres parties elliptiques du discours ; mais que c'est la
manière d'aborder et de nommer Dieu, la plus parfaite, qui en même temps
qu'elle le désigne par le son proféré, nous met dans la pensée, l'idée de
la puissance divine. En effet le Dieu, comme pour saluer chacun de ceux
d'entre nous qui s'approchent de lui, leur adresse le g-gnohthi g-seauton, connais-toi toi-même, qui certes ne le cède en rien au g-Chaire d'usage : réjouissez-vous; et nous, en échange, en répondant au Dieu,
nous prononçons g-Ei, (vous êtes) rendant par ce mot le salut le plus vrai, le
plus éloigné du mensonge, le seul enfin qui convienne véritablement au
Dieu unique, auquel rien ne manque de ce qui constitue la véritable
existence. Toute nature mortelle placée intermédiairement à la naissance
et à la mort, ne nous donne qu'une image· infidèle, qu'une opinion erronée
et incertaine de cette chose ; mais si l'on veut s'appesantir par la
méditation sur l'idée que ce mot : existence, comporte, il arrive qu'elle
vous échappe, d'autant plus qu'on la presse davantage : semblable à l'eau
qu'on serrerait avec force dans ses mains, dans le but de la comprimer et
de la condenser. Ainsi la pensée poursuivant, jusque dans ses derniers
retranchements, la faculté propre à chacun des êtres passibles et sujets
au changement, s'égare, ne pouvant saisir aucune fixité entre ces deux
termes, la naissance et la mort, où l'on puisse dire qu'il jouit
véritablement de l'existence. "On ne peut pas descendre deux fois dans le
même fleuve", dit Héraclite. On ne peut pas non plus deux fois saisir
la substance mortelle dans son essence; mais par son imperceptible et
rapide changement, elle dissipe de nouveau, et de nouveau recompose, ou
plutôt ce n'est ni de nouveau, ni postérieurement; mais c'est en même
temps et à la fois qu’elle combine et se décompose ; qu'elle acquiert et
dépense; en sorte que ce qui naît d'elle ne parvient jamais à une
existence complète, par la raison que jamais elle ne se repose ni ne
s'arrête dans son engendrement. Du germe transformé, elle compose un
embryon, de l'embryon elle fait un enfant, puis un adolescent, un jeune
homme, un homme, un vieillard, un être décrépit: chaque premier
engendrement et chaque âge étant détruit par l'engendrement et l'âge qui
le remplace. Et cependant nous sommes assez ridicules pour craindre la
mort, lorsque nous sommes déjà morts mille fois et que nous recommençons à
mourir. Ce n'est pas seulement, comme le disait Héraclite, la mort du feu
qui est la production de l'air, ni la mort de l'air qui donne naissance à
l'eau. Cela se prouve encore mieux par nous-mêmes : L'homme fait est tué
par le vieillard, comme l'adulte l'avait été par l'homme fait, et l'enfant
avait succombé sous l'adolescent, après avoir lui-même donné la mort au
nourrisson. Le jour d'hier est mort dans aujourd’hui, qui, à son tour,
cessera d'être demain. L'un ne dure pas, l'autre n'est pas. Nous sommes
plusieurs autour d'un fantôme d'existence, autour de la matrice commune
d'une matière qui afflue et s'échappe. En effet, comment, si nous
demeurions les mêmes, pourrions-nous nous complaire dans d'autres
occupations que celles qui nous charmaient autrefois? Comment
aurions-nous, ou des penchants ou des aversions contraires a ce que nous
avions précédemment? Pourquoi admirer ce que nous condamnions, condamner
ce que nous admirions? Pourquoi changeons-nous de langage? Pourquoi
avons-nous d'autres sentiments, sans conserver ni la même figure, ni la
même tournure, ni la même manière de penser. Il est impossible que, sans
changement, on puisse être aussi diversement affecté; et l'homme qui
change n'est plus lui-même. S'il n'est plus lui-même, il n’est donc pas du
tout; mais par le fait de son changement, il est devenu autre, d'autre
qu'il était déjà. La sensation, par l'ignorance où elle est de l'être,
ment quand elle donne ce nom à l'apparence. Qu'est-ce donc que l'Etre
véritable? C'est l'éternel, l’ingénéré, l'impérissable, ce en quoi aucun
temps n'apporte de changement. Le temps est quelque chose
d'essentiellement mobile qui, s'unissant à la matière mue dont il prend
l'apparence, ressemble à un vase de perdition et de régénération, qui
laisse tout écouler sans rien retenir ; pour qui ces locutions : ensuite,
auparavant, sera, a été, attestent surabondamment le défaut d'existence.
Ce dont on peut dire, que ce qui n'a pas encore été, que ce qui a déjà
cessé d'être, font partie intégrante, n'est-ce pas une stupidité et une
absurdité de prononcer qu'il soit quelque chose? Et c'est sur cela que
nous fondons surtout la notion du temps. Lorsque nous proférons dans ce
moment, à présent, maintenant, le discours qui soit immédiatement vient
l'anéantir et le dissoudre, il vient le morceler entre l'avenir et le
passé ; comme on est forcé de faire lorsqu'on veut voir le rayon
solaire. Si la chose mesurée et l'étalon de mesure sont soumis aux mêmes
accidents, sans conserver aucune stabilité, ce n'est plus rien qu'une
annexe de la matière qui naît et périt ainsi que toute chose dans le
calcul des temps. En conséquence, on ne peut rien dire qui soit pareil à
l'égard de l'Etre, savoir : qu'il était ou qu'il sera. Ces expressions
n'indiquent que des nuances variées, des modifications, des illusions de
stabilité dans ce qui, par sa nature, n'a point d'existence.
« Au lieu de cela, on peut dire que Dieu existe, car il n'est aucunement
soumis au temps, mais à l'éternité qui est immuable, indivisible quant à
la durée, invariable dans ses positions, et dont on ne peut dire ni
d'abord, ni après, ni futur, ni passé, ni plus ancien ni plus nouveau.
Etant un, Dieu remplit, par le seul maintenant, toute l'éternité ; il est
le seul dont on puisse affirmer qu'étant réellement, il n'a point été,
qu'il ne sera pas, qu'il n'a point commencé, qu'il ne finira pas. C'est
ainsi que, dans une profonde piété, nous devons le saluer en l'abordant
comme l'ont fait quelques anciens, par ces mots g-ei g-en (vous êtes un). En
effet, la divinité n'est point multiple comme chacun de nous, assemblage
étrange, artistement combiné, de mille oppositions de sentiments et de
penchants. Au lieu de cela, l'Un doit être l'Etre, et l'Etre doit être
l'Un; toute diversité étrangère à l'Etre, finit par donner naissance au néant. »
|
|