Texte grec :
[11,10] ΑΠΟ ΤΟΥ ΠΕΡΙ ΤΑΓΑΘΟΥ ΝΟΥΜΗΝΙΟΥ ΤΟΥ ΠΥΘΑΓΟΡΕΙΟΥ.
"Φέρε οὖν ὅση δύναμις ἐγγύτατα πρὸς τὸ ὂν ἀναγώμεθα καὶ λέγωμεν· τὸ ὂν
οὔτε ποτὲ ἦν οὔτε ποτὲ μὴ γένηται, ἀλλ´ ἔστιν ἀεὶ ἐν χρόνῳ ὡρισμένῳ, τῷ
ἐνεστῶτι μόνῳ. Τοῦτον μὲν οὖν τὸν ἐνεστῶτα εἴ τις ἐθέλει ἀνακαλεῖν αἰῶνα,
κἀγὼ συμβούλομαι· τὸν δὲ παρελθόντα χρόνον οἴεσθαι χρὴ ἡμᾶς διαπεφευγότα
ἤδη διαπεφευγέναι ἀποδεδρακέναι τε εἰς τὸ εἶναι μηκέτι· ὅ τε αὖ μέλλων
ἐστὶ μὲν οὐδέπω, ἐπαγγέλλεται δὲ οἷός τε ἔσεσθαι ἥξειν εἰς τὸ εἶναι.
Οὔκουν εἰκός ἐστιν ἑνί γε τρόπῳ νομίζειν τὸ ὂν ἤτοι μὴ εἶναι ἢ μηκέτι ἢ
μηδέπω, ὡς τούτου γε οὕτως λεγομένου ἓν γίνεταί τι ἐν τῷ λόγῳ μέγα
ἀδύνατον, εἶναί τε ὁμοῦ ταὐτὸν καὶ μὴ εἶναι. Εἰ δὲ οὕτως ἔχει, σχολῇ γ´ ἂν
ἄλλο τι εἶναι δύναιτο, τοῦ ὄντος αὐτοῦ μὴ ὄντος κατὰ αὐτὸ τὸ ὄν. Τὸ ἄρα ἂν
ἀΐδιόν τε βέβαιόν τε ἐστὶν ἀεὶ κατὰ ταὐτὸν καὶ ταὐτόν. Οὐδὲ γέγονε μέν,
ἐφθάρη δὲ οὐδ´ ἐμεγεθύνατο μέν, ἐμειώθη δὲ οὐδὲ μὴ〈ν〉 ἐγένετό πω πλεῖον ἢ
ἔλασσον. Καὶ μὲν δὴ τά τε ἄλλα καὶ οὐδὲ τοπικῶς κινηθήσεται· οὐδὲ γὰρ
θέμις αὐτῷ κινηθῆναι, οὐδὲ μὲν ὀπίσω οὐδὲ πρόσω, οὔτε ἄνω ποτὲ οὔτε κάτω,
οὐδ´ εἰς δεξιὰ οὐδ´ εἰς ἀριστερὰ μεταθεύσεταί ποτε τὸ ὂν οὔτε περὶ τὸ
μέσον ποτε ἑαυτοῦ κινηθήσεται, ἀλλὰ μᾶλλον καὶ ἑστήξεται καὶ ἀραρός τε καὶ
ἑστηκὸς ἔσται κατὰ ταὐτὰ ἔχον ἀεὶ καὶ ὡσαύτως."
Καὶ ἑξῆς μεθ´ ἕτερα ἐπιλέγει·
"Τοσαῦτα μὲν οὖν μοι πρὸ ὁδοῦ. Αὐτὸς δ´ οὐκέτι σχηματισθήσομαι οὐδ´
ἀγνοεῖν φήσω τὸ ὄνομα τοῦ ἀσωμάτου· καὶ γὰρ κινδυνεύει νῦν ἤδη ἥδιον εἶναι
εἰπεῖν μᾶλλον ἢ μὴ εἰπεῖν. Καὶ δῆτα λέγω τὸ ὄνομα αὐτῷ εἶναι τοῦτο τὸ
πάλαι ζητούμενον. Ἀλλὰ μὴ γελασάτω τις, ἐὰν φῶ τοῦ ἀσωμάτου εἶναι ὄνομα
οὐσίαν καὶ ὄν. Ἡ δὲ αἰτία τοῦ ὄντος ὀνόματός ἐστι τὸ μὴ γεγονέναι μηδὲ
φθαρήσεσθαι μηδ´ ἄλλην μήτε κίνησιν μηδεμίαν ἐνδέχεσθαι μήτε μεταβολὴν
κρείττω ἢ φαύλην, εἶναι δὲ ἁπλοῦν καὶ ἀναλλοίωτον καὶ ἐν ἰδέᾳ τῇ αὐτῇ καὶ
μήτε ἐθελούσιον ἐξίστασθαι τῆς ταὐτότητος μήθ´ ὑφ´ ἑτέρου
προσαναγκάζεσθαι. Ἔφη δὲ καὶ ὁ Πλάτων ἐν Κρατύλῳ τὰ ὀνόματα ὁμοιώσει τῶν
πραγμάτων εἶναι αὐτὰ ἐπίθετα. Ἔστω οὖν καὶ δεδόχθω εἶναι τὸ ὂν ἀσώματον."
Εἶθ´ ὑποκαταβὰς ἐπιλέγει·
"Τὸ ὂν εἶπον ἀσώματον, τοῦτο δὲ εἶναι τὸ νοητόν. Τὰ μὲν οὖν λεχθέντα, ὅσα
μνημονεύειν ἔστι μοι, τοιαῦτα γοῦν ἦν. Τὸν δ´ ἐπιζητοῦντα λόγον ἐθέλω
παραμυθήσασθαι, τοσόνδε ὑπειπών, ὅτι ταῦτα τοῖς δόγμασι τοῖς Πλάτωνος εἰ
μὴ συμβαίνει, ἀλλ´ ἑτέρου γε χρῆν οἴεσθαί τινος ἀνδρὸς μεγάλου, μέγα
δυναμένου, οἵου Πυθαγόρου. Λέγει γοῦν Πλάτων (φέρ´ ἀναμνησθῶ πῶς λέγει)·
’Τί τὸ ὂν ἀεί, γένεσιν δὲ οὐκ ἔχον; Καὶ τί τὸ γινόμενον μέν, ὂν δὲ
οὐδέποτε; Τὸ μὲν δὴ νοήσει μετὰ λόγου περιληπτόν, τὸ δ´ αὖ δόξῃ μετὰ
αἰσθήσεως ἀλόγου δοξαστόν, γινόμενον καὶ ἀπολλύμενον, ὄντως δὲ οὐδέποτε
ὄν.‘Ἤρετο γὰρ δή, τί ἐστι τὸ ὄν, φὰς αὐτὸ ἀγένητον ἀναμφιλέκτως. Γένεσιν
γὰρ οὐκ ἔφη εἶναι τῷ ὄντι· ἐτρέπετο γὰρ ἄν· τρεπόμενον δὲ οὐκ ἦν ἀΐδιον."
Εἶτα ὑποβάς φησιν·
"Εἰ μὲν δὴ τὸ ὂν πάντως πάντη ἀΐδιόν τέ ἐστι καὶ ἄτρεπτον καὶ οὐδαμῶς
οὐδαμῆ ἐξιστάμενον ἐξ ἑαυτοῦ, μένει δὲ κατὰ τὰ αὐτὰ καὶ ὡσαύτως ἕστηκε,
Τοῦτο δήπου ἂν εἴη τὸ τῇ νοήσει μετὰ λόγου περιληπτόν. Εἰ δὲ τὸ σῶμα ῥεῖ
καὶ φέρεται ὑπὸ τῆς εὐθὺ μεταβολῆς, ἀποδιδράσκει καὶ οὐκ ἔστιν. Ὅθεν οὐ
πολλὴ μανία μὴ οὐ τοῦτο εἶναι ἀόριστον, δόξῃ δὲ μόνῃ δοξαστὸν καί, ὥς φησι
Πλάτων, γινόμενον καὶ ἀπολλύμενον, ὄντως δὲ οὐδέποτε ὄν;"
Ταῦτα μὲν οὖν ὁ Νουμήνιος, ὁμοῦ τὰ Πλάτωνος καὶ πολὺ πρότερον τὰ Μωσέως
ἐπὶ τὸ σαφὲς διερμηνεύων. Εἰκότως δῆτα εἰς αὐτὸν ἐκεῖνο τὸ λόγιον
περιφέρεται, δι´ οὗ φάναι μνημονεύεται·
"Τί γάρ ἐστι Πλάτων ἢ Μωσῆς ἀττικίζων;"
Θέα δὲ πρὸς τούτοις εἰ μὴ τὸν παρόντα νοῦν ἐπὶ πλεῖον καὶ ὁ Πλούταρχος
ἐξαπλῶν συντρέχοι ἂν ταῖς τε προκειμέναις φωναῖς τῶν φιλοσόφων καὶ ταῖς
αὖθις Ἑβραίων κειμέναις ἐν ἑτέραις θεολογίαις, δι´ ὧν τοτὲ μὲν εἰσάγεται
λέγων ὁ χρηματίζων θεός·
"Διότι ἐγὼ κύριος ὁ θεὸς ὑμῶν καὶ οὐκ ἠλλοίωμαι·"
Τοτὲ δ´ εἰς αὐτὸν ἀφορῶν ὁ προφήτης ἀποτείνεται, ὅτι δὴ τὰ μὲν ὁρατὰ πάντα
τραπείη ἄν ποτε καὶ μεταβληθείη,
"Σὺ δὲ ὁ αὐτὸς εἶ καὶ τὰ ἔτη σου οὐκ ἐκλείψουσι."
Σκόπει γοῦν εἰ μὴ ὡς ἐν προτάσει τοῦ τε παρὰ Μωσεῖ φήσαντος
"Ἐγώ εἰμι ὁ ὢν"
καὶ τοῦ
"Ἐγὼ κύριος ὁ θεὸς ὑμῶν καὶ οὐκ ἠλλοίωμαι"
καὶ τοῦ
"Σὺ δὲ ὁ αὐτὸς εἶ"
δόξαι ἂν ὁ Πλούταρχος ἐν τῷ Περὶ τοῦ ΕΙ τοῦ ἐν Δελφοῖς τὴν διάνοιαν
ὑφερμηνεύειν, τάδε λέγων πρὸς λέξιν·
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Traduction française :
[11,10] CHAPITRE X.
DU SECOND TOME DE L’OUVRAGE DE NUMÉNIUS
LE PYTHAGORICIEN, INTITULÉ DU BIEN.
« Serrons-nous donc le plus près possible, autant que notre intelligence
nous en donne le moyen, à l'Etre et disons qu'il n'était pas jadis, qu'il
ne sera pas-un jour; mais qu'il est toujours dans un temps fixe : le seul
présent. Si l'on veut appeler le présent Eternité, j'y consens. Nous
devons croire que le temps qu'on nomme passé s'est écoulé, et à tel point
qu'il s'est dérobé de manière à ne plus faire partie de l'être; quant au
futur il n'est pas encore, on annonce bien qu'il est fait pour parvenir à
l'être. Mais il n'est rationnel sous aucun rapport de ranger parmi les
Etres ni ce qui n'est plus ni ce qui n'est pas encore et qui ne sera
peut-être jamais; en sorte que le tout étant entendu ainsi, il en résulte
une grande impossibilité de langage, de soutenir qu'une chose est à la
fois et n'est pas. Or, si ces précédents sont exacts, à plus forte raison
deviendra-t-il impossible de dire que ce qui n'a pas d'existence réelle,
considéré abstractivement, puisse en avoir, comparé au véritable Etre.
L'Etre, en effet, est éternel, immuable; toujours dans les mêmes
conditions d'être : il n'a point pris naissance, il n'a point subi de
destruction, il n'a point gagné en grandeur ni perdu en petitesse, il n'a
été ni plus ni moins en quantité ni rien des autres choses; il ne saurait
changer de place ; en effet il n’a possibilité de se mouvoir ni en avant
ni en arrière, ni en haut ni en bas, ni à droite ni à gauche, ni
circulairement sur son axe, il sera plutôt fixe et compacte, il reste
toujours le même dans le lieu qu'il occupe.
Après d'autres paroles, il ajoute :
« Tout ceci n'est qu'un acheminement à ce que j'ai à dire, et pour ne rien
dissimuler, je conviendrai que je n'ignore pas tout ce qu'emporte avec soi
le mot incorporel; car il me semble qu'il est déjà plus doux de le dire
que de le taire; et qu'on ne se prenne pas à rire lorsque je dirai que ce
terme est ce que nous cherchons depuis longtemps, et qu'il est synonyme de
substance et d'être. La raison véritable de ce nom tient à ce qu'il n'est
point engendré et est à l'abri de la destruction, à ce qu'il ne reçoit
aucune impulsion vers le mouvement et n'admet de changement ni en bien ni
en mal; il est simple, il est invariable, toujours dans la même nature,
sans pouvoir sortir de cette uniformité, ni par sa volonté ni par celle
des autres. Platon a dit, dans le Cratyle, que les noms sont appliqués aux
choses, par leur ressemblance. Accordons cela et qu'on admette que l'Etre
est l'incorporel. »
Ensuite un peu plus bas il revient à là charge en disant :
« J'ai dit que l'Etre était l'incorporel, j'ajoute qu'il est
l'intellectuel; car autant que je puis m'en rappeler, les choses, que j'ai
dites, étaient telles. J'engage donc à ce qu'on veuille relire cet écrit,
en m'excusant de me répéter, j'ajouterai seulement que si les principes
qu'il renferme ne sont pas tout à fait les mêmes que ceux de Platon, on
doit croire qu'ils ont été empruntés à quelque autre grand homme, comme
Pythagore.
« Voici ce que dit Platon; permettez que je le rappelle en partie :
« Qui est-ce qui existe de tout temps sans avoir jamais été engendré ? Qui
est-ce qui est toujours engendré sans avoir jamais d'existence réelle ? Le
premier n'est compréhensible que par la pensée, à l'aide du raisonnement ;
le second, qui n'est imaginé qu'à l'aide des sens, dépourvus d'intelligence,
naissant et mourant, n'est jamais, à proprement parler, existant.»
Lui demande-t-on ce qu'est l'Etre, il répond sans hésitation : ce qui n'a
point été engendré ; car l'engendrement, continue-t-il, ne va point à
l'Etre, il aurait dû changer. Or rien de ce qui est muable n'est éternel.
Ensuite il revient sur ce qu'il dit : « Si en effet l'Etre est partout et
de toute manière éternel, s'il est immuable, ne pouvant jamais sortir de
sa condition actuelle, demeurant constamment dans l'ordre de choses dans
lequel il est placé ; certes une telle chose ne peut se concevoir que
mentalement, par le secours du raisonnement. Si au lieu de cela, le corps
est dans un état de perdition et changement perpétuel ; il nous échappe et
n'est pas réellement existant. N'est-ce donc pas une haute sottise de dire
qu'il existe, lorsqu'on ne peut le définir; que l'imagination seule nous
en donne l'idée ? Et comme le dit Platon : Ce qui naît et ce qui périt n'a
réellement pas d'existence. »
Ceci est dû à Numénius, expliquant à la fois Platon et Moïse; bien plus
encore Moïse. C'est donc avec raison qu'on lui attribue le mot qu'il·
passe pour avoir dit : "Qu'est-ce que Platon, sinon Moïse parlant la langue
Attique"?
Considérez, après ce qui vient d'être allégué, si Plutarque, en expliquant
la même pensée avec plus d'étendue, ne concourrait pas à dire les mêmes
choses que les philosophes; et qui plus est, s'il ne s'accorderait pas
avec toutes les autres doctrines théologiques, tant celles où les Hébreux
font intervenir Dieu parlant lui-même : C'est pourquoi je suis votre Dieu
et je ne change pas (Malach. III. 6), que celles où le prophète
s'adressant à Dieu, lui parle en ces termes : « Toutes les choses visibles
éprouveront des altérations et des changements, vous seul êtes toujours le
même et vos années n'auront point de fin (Ps. 101. 28).
Examines donc si ces paroles que Dieu proféra par l'organe de Moïse, "Je
suis celui qui est"; puis : "Je suis le Seigneur votre Dieu, je ne changerai
pas" ; enfin, "Vous êtes toujours le même"; ne semblent pas interprétées et
commentées par Plutarque s'exprimant dans les termes que je vais citer,
tirés du traité de l'inscription Et, sur le temple de Delphes.
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