Texte grec :
[250] (Τροφός)
Κρύπτω· τὸ δ' ἐμὸν πότε δὴ θάνατος
σῶμα καλύψει;
Πολλὰ διδάσκει μ' ὁ πολὺς βίοτος·
χρῆν γὰρ μετρίας εἰς ἀλλήλους
φιλίας θνητοὺς ἀνακίρνασθαι
(255) καὶ μὴ πρὸς ἄκρον μυελὸν ψυχῆς,
εὔλυτα δ' εἶναι στέργηθρα φρενῶν
ἀπό τ' ὤσασθαι καὶ ξυντεῖναι.
Τὸ δ' ὑπὲρ δισσῶν μίαν ὠδίνειν
ψυχὴν χαλεπὸν βάρος, ὡς κἀγὼ
(260) τῆσδ' ὑπεραλγῶ.
Βιότου δ' ἀτρεκεῖς ἐπιτηδεύσεις
φασὶ σφάλλειν πλέον ἢ τέρπειν
τῇ θ' ὑγιείᾳ μᾶλλον πολεμεῖν·
οὕτω τὸ λίαν ἧσσον ἐπαινῶ
(265) τοῦ μηδὲν ἄγαν·
καὶ ξυμφήσουσι σοφοί μοι.
(Χορός)
Γύναι γεραιά, βασιλίδος πιστὴ τροφέ,
(Φαίδρα) ς ὁρῶμεν τάσδε δυστήνους τύχας.
Ἄσημα δ' ἡμῖν ἥτις ἐστὶν ἡ νόσος·
(270) σοῦ δ' ἂν πυθέσθαι καὶ κλύειν βουλοίμεθ' ἄν.
(Τροφός)
Ἔληξ' ἐλέγχουσ'· οὐ γὰρ ἐννέπειν θέλει.
(Χορός)
(272) Οὐδ' ἥτις ἀρχὴ τῶνδε πημάτων ἔφυ;
(Τροφός)
Ἐς ταὐτὸν ἥκεις· πάντα γὰρ σιγᾷ τάδε.
(Χορός)
Ὡς ἀσθενεῖ τε καὶ κατέξανται δέμας.
(Τροφός)
(275) πῶς δ' οὔ, τριταίαν γ' οὖσ' ἄσιτος ἡμέραν;
(Χορός)
Πότερον ὑπ' ἄτης ἢ θανεῖν πειρωμένη;
(Τροφός)
Θανεῖν; Ἀσιτεῖ γ' εἰς ἀπόστασιν βίου.
(Χορός)
Θαυμαστὸν εἶπας, εἰ τάδ' ἐξαρκεῖ πόσει.
(Τροφός)
Κρύπτει γὰρ ἥδε πῆμα κοὔ φησιν νοσεῖν.
(Χορός)
(280) Ὁ δ' ἐς πρόσωπον οὐ τεκμαίρεται βλέπων;
(Τροφός)
Ἔκδημος ὢν γὰρ τῆσδε τυγχάνει χθονός.
(Χορός)
Σὺ δ' οὐκ ἀνάγκην προσφέρεις, πειρωμένη
νόσον πυθέσθαι τῆσδε καὶ πλάνον φρενῶν;
(Τροφός)
(284) Ἐς πάντ' ἀφῖγμαι κοὐδὲν εἴργασμαι πλέον.
(285) Οὐ μὴν ἀνήσω γ' οὐδὲ νῦν προθυμίας,
ὡς ἂν παροῦσα καὶ σύ μοι ξυμμαρτυρῇς
οἵα πέφυκα δυστυχοῦσι δεσπόταις.
Ἄγ', ὦ φίλη παῖ, τῶν πάροιθε μὲν λόγων
λαθώμεθ' ἄμφω, καὶ σύ θ' ἡδίων γενοῦ
(290) στυγνὴν ὀφρὺν λύσασα καὶ γνώμης ὁδόν,
ἐγώ θ' ὅπῃ σοι μὴ καλῶς τόθ' εἱπόμην
μεθεῖσ' ἐπ' ἄλλον εἶμι βελτίω λόγον.
Κεἰ μὲν νοσεῖς τι τῶν ἀπορρήτων κακῶν,
γυναῖκες αἵδε συγκαθιστάναι νόσον·
(295) εἰ δ' ἔκφορός σοι συμφορὰ πρὸς ἄρσενας,
λέγ', ὡς ἰατροῖς πρᾶγμα μηνυθῇ τόδε.
Εἶἑν· τί σιγᾷς; Οὐκ ἐχρῆν σιγᾶν, τέκνον,
ἀλλ' ἤ μ' ἐλέγχειν, εἴ τι μὴ καλῶς λέγω,
ἢ τοῖσιν εὖ λεχθεῖσι συγχωρεῖν λόγοις.
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Traduction française :
[250] (LA NOURRICE)
Je voile ton visage : quand la mort voilera-t-elle ainsi mon corps ?
ma longue vie m'a instruite. Oui, il vaut mieux pour les mortels
former des amitiés modérées, et non qui pénètrent jusqu'au fond de l'âme ;
il vaut mieux pour le cœur des affections faciles à rompre, qu'on
puisse resserrer ou lâcher à son gré. Mais être seule à souffrir pour
deux, comme je souffre pour elle, c'est un lourd fardeau. Il est bien vrai
de dire que les passions excessives sont plus funestes qu'agréables dans
la vie, et qu'elles nuisent au bien-être. Aussi, à tout excès je préfère
la maxime, Rien de trop ; et les sages seront d'accord avec moi.
(LE CHOEUR)
Vieille et fidèle nourrice de notre reine, nous sommes témoins des
infortunes de Phèdre; mais nous ignorons quel est son mal, et nous
voudrions l'apprendre de toi.
(LA NOURRICE)
Je l'ignore, malgré mes questions ; elle refuse de le dire.
(LE CHOEUR)
(272) Tu ignores aussi la cause de ce mal ?
(LA NOURRICE)
Je n'en sais pas plus que toi ; elle garde sur tout cela un profond silence.
(LE CHOEUR)
Comme son corps est affaibli, et consumé de langueur!
(LA NOURRICE)
Et comment ne le serait-il pas, depuis trois jours qu'elle n'a pris de
nourriture?
(LE CHOEUR)
Est-ce l'effet de la maladie, ou dessein formé de mourir?
(LA NOURRICE)
De mourir : elle s'abstient de nourriture pour terminer sa vie.
(LE CHOEUR)
Ce serait une chose étrange, que cette résolution plût à son époux.
(LA NOURRICE)
Elle dissimule son mal, et n'avoue point qu'elle soit malade.
(LE CHOEUR)
Mais n'en a-t-il pas la preuve, en voyant son visage?
(LA NOURRICE)
Il est absent, et loin de ces lieux.
(LE CHOEUR)
Mais toi, que n'emploies-tu la violence, pour connaître sa maladie et la
cause de son égarement?
(LA NOURRICE)
(284) J'ai tout essayé, et je n'ai avancé à rien. Mais à présent encore
mon zèle ne se ralentira point, et tu pourras juger par toi-même de ce que
je suis pour mes maîtres dans leurs malheurs.
(La nourrice, après s'être entretenue avec le Chœur, qui est sur le devant
de la scène, revient auprès de Phèdre. dont le lit est étendu au-devant du
palais.)
(LA NOURRICE)
Allons, ma chère enfant, oublions toutes deux notre premier entretien ;
reprends ta douceur naturelle, éclaircis ton front soucieux et tes sombres
pensées : et moi, si j'ai eu des torts en suivant ton exemple, je les
désavoue, et je veux prendre un autre langage pour te plaire. Et si tu es
atteinte d'un mal secret, ces femmes m'aideront à soulager ta souffrance :
mais si ton mal peut être révélé à des hommes, parle, pour qu'on en
instruise les médecins. Bien. Pourquoi ce silence? Il ne faut pas te
taire, ma fille, mais me reprendre si je me trompe, ou suivre mes avis
s'ils sont bons.
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