Texte grec :
[220] Ἐπιτιμᾷς δέ μοι, εἰ, μὴ συνεχῶς, ἀλλὰ διαλείπων, πρὸς τὸν δῆμον προσέρχομαι,
καὶ τὴν ἀξίωσιν ταύτην οἴει λανθάνειν μεταφέρων οὐκ ἐκ δημοκρατίας, ἀλλ' ἐξ ἑτέρας
πολιτείας. Ἐν μὲν γὰρ ταῖς ὀλιγαρχίαις οὐχ ὁ βουλόμενος, ἀλλ' ὁ δυναστεύων
δημηγορεῖ· ἐν δὲ ταῖς δημοκρατίαις, ὁ βουλόμενος, καὶ ὅταν αὐτῷ δοκῇ. Καὶ
τὸ μὲν διὰ χρόνου λέγειν σημεῖόν ἐστιν ἐπὶ τῶν καιρῶν καὶ τοῦ συμφέροντος
ἀνδρὸς πολιτευομένου, τὸ δὲ μηδεμίαν παραλείπειν ἡμέραν ἐργαζομένου καὶ
μισθαρνοῦντος.
(221) Ὑπὲρ δὲ τοῦ μήπω κεκρίσθαι ὑπ' ἐμοῦ, μηδὲ τῶν ἀδικημάτων τιμωρίαν
ὑποσχεῖν, ὅταν καταφεύγῃς ἐπὶ τοὺς τοιούτους λόγους, ἢ τοὺς ἀκούοντας
ἐπιλήσμονας ὑπολαμβάνεις, ἢ σαυτὸν παραλογίζῃ. Τὰ μὲν γὰρ περὶ τοὺς
Ἀμφισσέας ἠσεβημένα σοι, καὶ τὰ περὶ τὴν Εὔβοιαν δωροδοκηθέντα, χρόνων
ἐγγεγενημένων, ἐν' οἷς ὑπ' ἐμοῦ φανερῶς ἐξηλέγχου, ἴσως ἐλπίζεις τὸν
δῆμον ἀμνημονεῖν· (222) τὰ δὲ περὶ τὰς τριήρεις καὶ τοὺς τριηράρχους
ἁρπάγματα, τίς ἂν ἀποκρύψαι χρόνος δύναιτ' ἄν, ὅτε, νομοθετήσας περὶ τῶν
τριακοσίων νεῶν, καὶ σαυτὸν πείσας Ἀθηναίους ἐπιστάτην τάξαι τοῦ ναυτικοῦ,
ἐξηλέγχθης ὑπ' ἐμοῦ ἑξήκοντα καὶ πέντε νεῶν ταχυναυτουσῶν τριηράρχους
ὑφῃρημένος, πλεῖον τῆς πόλεως ἀφανίζων ναυτικὸν, ἢ ὅτε Ἀθηναῖοι τὴν ἐν
Νάξῳ ναυμαχίαν Λακεδαιμονίους καὶ Πόλλιν ἐνίκησαν; (223) Οὕτω δὲ ταῖς
αἰτίαις ἐνέφραξας τὰς κατὰ σαυτοῦ τιμωρίας, ὥστε τὸν κίνδυνον εἶναι μὴ σοὶ
τῷ ἀδικήσαντι, ἀλλὰ τοῖς ἐπεξιοῦσι. Σὺ δὲ, ὁ πολὺν μὲν τὸν Ἀλέξανδρον καὶ
τὸν Φίλιππον ἐν ταῖς διαβολαῖς φέρων, αἰτιώμενος δέ τινας ἐμποδίζειν τοὺς
τῆς πόλεως καιρούς, ἀεὶ δὲ τὸ παρὸν λυμαινόμενος, τὸ δὲ μέλλον
κατεπαγγελλόμενος, οὐ τὸ τελευταῖον εἰσαγγέλλεσθαι μέλλων ὑπ' ἐμοῦ, τὴν
Ἀναξίνου σύλληψιν τοῦ Ὠρείτου κατεσκεύασας, τοῦ τὰ ἀγοράσματα Ὀλυμπιάδι
ἀγοράζοντος, (224) καὶ, τὸν αὐτὸν ἄνδρα δὶς στρεβλώσας, τῇ σαυτοῦ χειρί,
ἔγραψας αὐτὸν θανάτῳ ζημιῶσαι· καὶ παρὰ τῷ αὐτῷ ἐν Ὠρεῷ κατήγου, καὶ ἀπὸ
τῆς αὐτῆς τραπέζης ἔφαγες καὶ ἔπιες καὶ ἔσπεισας, καὶ τὴν δεξιὰν ἐνέβαλες,
ἄνδρα φίλον καὶ ξένον ποιούμενος. Καὶ τοῦτον ἀπέκτεινας, καὶ, περὶ τούτων
ἐν ἅπασιν Ἀθηναίοις ἐξελεγχθεὶς ὑπ' ἐμοῦ καὶ κληθεὶς ξενοκτόνος, οὐ τὸ
ἀσέβημα ἠρνήσω, ἀλλ' ἀπεκρίνου, ἐφ' ᾧ ἀνεβόησεν ὁ δῆμος, καὶ ὅσοι ξένοι
περιέστασαν τὴν ἐκκλησίαν· ἔφησθα γὰρ τοὺς τῆς πόλεως ἅλας περὶ πλείονος
ποιεῖσθαι τῆς ξενικῆς τραπέζης. (225) Ἐπιστολὰς δὲ σιγῶ ψευδεῖς, καὶ
κατασκόπων συλλήψεις, καὶ βασάνους ἐπ' αἰτίαις ἀγενήτοις, ὡς ἐμοῦ μετά
τινων νεωτερίζειν βουλομένου.
Ἔπειτα ἐπερωτᾶν με, ὡς ἐγὼ πυνθάνομαι, μέλλει· τίς ἂν εἴη τοιοῦτος ἰατρός,
ὅστις τῷ νοσοῦντι μεταξὺ μὲν ἀσθενοῦντι μηδὲν συμβουλεύοι, τελευτήσαντος
δὲ αὐτοῦ, ἐλθὼν εἰς τὰ ἔνατα, διεξίοι πρὸς τοὺς οἰκείους, ἃ ἐπιτηδεύσας
ὑγιὴς ἂν ἐγένετο; (226) Σαυτὸν δ' οὐκ ἀντερωτᾷς, τίς ἂν εἴη δημαγωγὸς
τοιοῦτος, ὅστις τὸν μὲν δῆμον θωπεῦσαι δύναιτο, τοὺς δὲ καιροὺς, ἐν οἷς ἦν
σῴζεσθαι τὴν πόλιν, ἀποδοῖτο, τοὺς δ' εὖ φρονοῦντας κωλύοι διαβάλλων
συμβουλεύειν, ἀποδρὰς δ' ἐκ τῶν κινδύνων, καὶ τὴν πόλιν ἀνηκέστοις κακοῖς
περιβαλὼν ἀξιοῖ στεφανοῦσθαι ἐπ' ἀρετῇ, ἀγαθὸν μὲν πεποιηκὼς μηδέν, πάντων
δὲ τῶν κακῶν αἴτιος γεγονώς, ἐπερωτῴη δὲ τοὺς συκοφαντηθέντας ἐκ τῆς
πολιτείας ἐπ' ἐκείνων τῶν καιρῶν, ὅτε ἐνῆν σῴζεσθαι, διὰ τί αὐτὸν οὐκ
ἐκώλυσαν ἐξαμαρτάνειν; (227) Ἀποκρύπτοιτο δὲ τὸ πάντων τελευταῖον, ὅτι,
Τῆς μάχης ἐπιγενομένης, οὐκ ἐσχολάζομεν περὶ τὴν σὴν εἶναι τιμωρίαν, ἀλλ'
ὑπὲρ τῆς σωτηρίας τῆς πόλεως ἐπρεσβεύομεν. Ἐπειδὴ δὲ οὐκ ἀπέχρη σοι δίκην
μὴ δεδωκέναι, ἀλλὰ καὶ δωρεὰς αἰτεῖς, καταγέλαστον ἐν τοῖς Ἕλλησι τὴν
πόλιν ποιῶν, ἐνταῦθ' ἐνέστην, καὶ τὴν γραφὴν ἀπήνεγκα, (228) καὶ, νὴ τοὺς
θεοὺς Ὀλυμπίους, ὧν ἐγὼ πυνθάνομαι Δημοσθένην λέξειν, ἐφ' ᾧ νυνὶ μέλλω
λέγειν ἀγανακτῶ μάλιστα.
Ἀφομοιοῖ γὰρ μου τὴν φύσιν ταῖς Σειρῆσιν, ὡς ἔοικε· καὶ γὰρ ὑπ' ἐκείνων οὐ
κηλεῖσθαί φησι τοὺς ἀκροωμένους, ἀλλ' ἀπόλλυσθαι· διόπερ οὐδ' εὐδοκιμεῖν
τὴν τῶν Σειρήνων μουσικήν, καὶ δὴ καὶ τὴν τῶν ἐμῶν λόγων ἐμπειρίαν, καὶ
τὴν φύσιν μου γεγενῆσθαι ἐπὶ βλάβῃ τῶν ἀκουόντων. Καίτοι τὸν λόγον τοῦτον
ὅλως μὲν ἔγωγε οὐδενὶ πρέπειν ἡγοῦμαι περὶ ἐμοῦ λέγειν· τῆς γὰρ αἰτίας
αἰσχρὸν τὸν αἰτιώμενόν ἐστι τὸ ἔργον μὴ ἔχειν ἐπιδεῖξαι· (229) εἰ δ' ἦν
ἀναγκαῖον ῥηθῆναι, οὐ Δημοσθένους ἦν ὁ λόγος, ἀλλ' ἀνδρὸς στρατηγοῦ,
μεγάλα μὲν τὴν πόλιν ἀγάθ' εἰργασμένου, λέγειν δὲ ἀδυνάτου, καὶ τὴν τῶν
ἀντιδίκων διὰ τοῦτο ἐζηλωκότος φύσιν, ὅτι σύνοιδεν ἑαυτῷ μὲν οὐδὲν ὧν
διαπέπρακται δυναμένῳ φράσαι, τὸν δὲ κατήγορον ὁρᾷ δυνάμενον καὶ τὰ μὴ
πεπραγμένα ὑπ' αὐτοῦ παριστάναι τοῖς ἀκούουσιν ὡς διῴκησεν. Ὅταν δ' ἐξ
ὀνομάτων συγκείμενος ἄνθρωπος, καὶ τούτων πικρῶν καὶ περιέργων, ἔπειτα ἐπὶ
τὴν ἁπλότητα καὶ τὰ ἔργα καταφεύγῃ, τίς ἂν ἀνάσχοιτο; Οὗ τὴν γλῶτταν ὥσπερ
τῶν αὐλῶν ἐάν τις ἀφέλῃ, τὸ λοιπὸν οὐδέν ἐστιν.
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Traduction française :
[220] Vous me reprochez encore de ne paraître à la tribune,
que rarement et par caprice; comme si nous ignorions qu'un tel reproche,
qui pourrait convenir ailleurs, est déplacé dans une démocratie. Dans un
état oligarchique, n'accuse pas qui veut, mais celui-là seul qui a le
pouvoir en main : dans un gouvernement populaire, celui qui veut, accuse,
et quand il le juge à propos. Parler quelquefois au peuple, c'est la
marque d'un homme sage, qui attend que l'occasion et l'intérêt public
l'appellent à la tribune; ne point passer un jour sans parler, c'est le
propre d'un mercenaire, qui trafique de la parole.
221. Quand vous osez dire que je ne vous ai pas encore accusé, et que vous
n'avez pas subi la peine due à vos crimes ; quand vous avez recours à de
telles raisons, il faut que vous comptiez sur le défaut de mémoire de vos
auditeurs, ou que vous vous abusiez vous-même. Peut-être vous
flattez-vous que le temps qui s'est écoulé depuis que je dévoilai vos
impiétés au sujet d'Amphisse et vos corruptions dans les affaires de
l'Eubée, les a fait oublier au peuple. Mais quel espace de temps pourrait
effacer le souvenir de vos brigandages dans l'intendance de la marine?
222. Vous aviez porté une loi pour faire armer trois cents voiles, et vous
aviez persuadé aux Athéniens de vous préposer aux dépenses de l'armement;
je vous convainquis alors d'avoir soustrait, à la république, soixante et
quinze vaisseaux, de nous avoir privés d'un plus grand nombre de galères
que nous n'en avions quand nous vainquîmes, à Naxe, les Lacédémoniens et
leur général Pollis. 223. Toutefois, à force de vous envelopper de
récriminations, vous vous mîtes à couvert de la peine, en sorte que
c'étaient les accusateurs qui avaient à craindre, et non le coupable.
Flattant toujours le peuple d'un brillant avenir, et ruinant le présent,
vous nous accusiez d'enchaîner les forces de la république, et de lui
ravir les occasions. Enfin, au moment où je voulais vous dénoncer comme
criminel d'état, ne fîtes-vous pas arrêter Anaxine l'Oritain, qui
commerçait à Olympie? 224. ne le fîtes-vous pas mettre à la torture, après
avoir écrit, de votre main, l'arrêt de sa mort? Cependant, à Orée, vous
logiez dans sa maison, vous mangiez et buviez à sa table, vous y faisiez
des libations, vous lui présentiez la main, en signe d'amitié et
d'hospitalité. C'est ce même homme que vous fîtes mourir indignement; et,
lorsqu'en présence du peuple, vous reprochant l'atrocité de cette action,
je vous appelai meurtrier de votre hôte, sans nier le fait, vous me fîtes
une réponse contre laquelle se récrièrent tous les citoyens et tous les
étrangers qui l'entendirent; vous répondîtes que vous préfériez les
intérêts d'Athènes aux vains droits de l'hospitalité. 225. Je ne parle pas
ici des lettres supposées, des prétendus espions pris et mis à la torture,
pour des crimes imaginaires, sous prétexte que moi et plusieurs autres
nous voulions innover dans la république.
Et il doit, après cela, me demander ce qu'on penserait d'un médecin qui ne
donnerait aucun conseil à un malade, pendant sa maladie, et qui, venant à
ses obsèques, détaillerait à ses parents ce qu'il aurait dû faire pour
recouvrer la santé. 226. Mais vous, Démosthène, ne demanderez-vous pas ce
qu'on penserait d'un ministre qui, faisant profession de flatter le
peuple, et de vendre aux ennemis dé l'état les occasions favorables,
fermerait la bouche, par ses calomnies, aux orateurs bien intentionnés ;
d'un ministre qui, après avoir fui au milieu du combat, inutile à la
patrie, auteur de tous les maux qui la désolent, exigerait des couronnes
d'or pour ses services, et demanderait, à ceux que ses persécutions
auraient éloignés des affaires, lorsqu'on pouvait encore sauver la
république, pourquoi ils ne l'empêchèrent pas de la perdre? 227. Pour
dernière réponse, ils vous diraient, Démosthène : Si, après la bataille,
nous ne vous accusâmes point, c'est qu'alors nous n'avions point le loisir
de songer à votre punition, et qu'on nous employait ailleurs pour le salut
de l'état ; mais, lorsque je vous ai vu, non content de n'avoir pas
été puni, demander encore à être récompensé, et, par-là, exposer notre
ville à la risée des Grecs, je me suis élevé contre vous, et je vous ai
intenté cette accusation. 228. Mais de tout ce que dira Démosthène, voici,
j'en atteste les dieux, ce qui m'indigne davantage.
Il doit comparer mon éloquence au chant des Sirènes, dont la douce
mélodie, justement décriée, perd bien plutôt qu'elle ne charme ceux qui
les entendent : il prétendra que mes talents pour la parole, acquis et
naturels, perdent ceux qu'ils ont charmés. Je crois, en général, que
personne ne peut me faire ce reproche, parce qu'on doit rougir de
reprocher ce qu'on ne peut prouver; 229. mais si quelqu'un avait ce droit,
ce ne serait certainement pas Démosthène, mais un brave général, qui,
ayant bien servi la république, et ne se sentant d'ailleurs aucune
éloquence, envierait le talent de son adversaire, et verrait avec peine
que, par l'artifice de ses discours, il peut se faire honneur de services
qu'il n'a pas rendus. Mais lorsqu'un homme, pétri d'expressions amères et
recherchées, veut être regardé comme un homme simple, dont les services
parlent seuls pour lui; qui pourrait souffrir une pareille prétention dans
un misérable discoureur, qui, comme une flûte à qui on ôterait
l'embouchure, perdrait tout, si on lui arrachait la langue ?
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