Texte grec :
[58,6] τούτων οὖν τῶν τεράτων οὔθ´ ὁ Σεϊανὸς οὔτ´ ἄλλος τις ἐνθύμιον
ἐποιήσατο· πρὸς γὰρ τὴν τῶν παρόντων ὄψιν οὐδ´ ἂν εἰ σαφῶς θεός
τις προέλεγεν ὅτι τοσαύτη δι´ ὀλίγου μεταβολὴ γενήσοιτο, ἐπίστευσεν
ἄν τις. τήν τε οὖν τύχην αὐτοῦ κατακορῶς ὤμνυσαν, καὶ συνάρχοντα
τοῦ Τιβερίου, οὐκ ἐς τὴν ὑπατείαν ἀλλ´ ἐς τὸ κράτος ὑποσημαίνοντες,
ἐπεκάλουν. Τιβέριος δὲ ἠγνόει μὲν οὐδὲν ἔτι τῶν κατ´ αὐτόν, βουλευόμενος
δὲ ὅντινα τρόπον αὐτὸν ἀποκτείνῃ, καὶ οὐχ εὑρίσκων ὅπως ἀσφαλῶς
ἐκ τοῦ φανεροῦ τοῦτο ποιήσει, θαυμαστὸν δή τινα τρόπον καὶ αὐτῷ
ἐκείνῳ καὶ τοῖς ἄλλοις, ὥστε τὴν γνώμην αὐτῶν ἀκριβῶς μαθεῖν, ἐχρήσατο.
περί τε γὰρ ἑαυτοῦ πολλὰ καὶ ποικίλα καὶ τῷ Σεϊανῷ καὶ τῇ
βουλῇ συνεχῶς ἐπέστελλε, νῦν μὲν λέγων {ὅτι} φλαύρως ἔχειν καὶ ὅσον
οὐκ ἤδη τελευτήσειν, νῦν δὲ καὶ σφόδρα ὑγιαίνειν καὶ αὐτίκα δὴ μάλα
ἐς τὴν Ῥώμην ἀφίξεσθαι· καὶ τὸν Σεϊανὸν τοτὲ μὲν πάνυ ἐπῄνει τοτὲ
δὲ πάνυ καθῄρει, τῶν τε ἑταίρων αὐτοῦ τοὺς μὲν ἐτίμα δι´ ἐκεῖνον τοὺς
δ´ ἠτίμαζεν. ὥστε ὁ Σεϊανὸς ἐν τῷ μέρει καὶ τοῦ ὑπερόγκου καὶ τοῦ
ὑπερφόβου πληρούμενος ἀεὶ μετέωρος ἦν· οὔτε γὰρ δεδιέναι αὐτῷ καὶ
διὰ τοῦτο καὶ νεοχμῶσαί τι ἐπῄει, καὶ γὰρ ἐτιμᾶτο, οὔτ´ αὖ θαρσεῖν
καὶ ἀπ´ αὐτοῦ καὶ ἐπιτολμῆσαί τι, καὶ γὰρ ἐκολούετο. καὶ μέντοι καὶ
οἱ λοιποὶ πάντες ἐναλλὰξ καὶ δι´ ὀλίγου τὰ ἐναντιώτατα ἀκούοντες, καὶ
μήτε τὸν Σεϊανὸν θαυμάζειν ἔτι ἢ καὶ καταφρονεῖν ἔχοντες, ἔς τε τὸν
Τιβέριον ὡς καὶ τεθνήξοντα ἢ καὶ ἥξοντα ὑποπτεύοντες, ἐν ἀμφιβόλῳ
ἐγίγνοντο.
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Traduction française :
[58,6] Ces présages ne firent impression ni sur l'esprit
de Séjan, ni sur celui d'aucun autre ; la vue de ce qui se
passait en ce moment, lors même qu'un dieu eût clairement
annoncé le changement si grand qui allait avoir lieu,
aurait enlevé toute créance à cette prédiction. Les Romains
juraient à tout instant par sa fortune et l'appelaient
le collègue de Tibère, pensant alors non seulement au
consulat, mais à l'autorité souveraine. Tibère n'ignorait
plus aucune des menées de son ministre; mais, cherchant
en lui-même de quelle manière il le mettrait à
mort, et ne trouvant pas le moyen de le faire ouvertement
sans s'exposer à des dangers, il eut recours, à
l'égard de Séjan, comme à l'égard des autres, à un artifice
merveilleux pour connaître à fond leurs sentiments.
Il ne cessait d'écrire à Séjan et au sénat des détails nombreux
et variés sur son état, disant tantôt qu'il se portait mal
et qu'il était presque mourant, tantôt qu'il jouissait
d'une santé excellente et qu'il allait immédiatement
revenir à Rome; tantôt il louait Séjan, sans réserve;
tantôt il l'abaissait, également sans réserve : en sa considération,
il accordait des honneurs à quelques-uns de
ses amis, et en outrageait d'autres. De cette facon,
Séjan était continuellement en suspens, rempli tour à
tour d'un orgueil ou d'une crainte sans borne ; il n'y
avait lieu pour lui, en effet, ni de craindre, ni par suite
de se jeter dans une tentative hasardeuse, puisqu'on lui
accordait des honneurs, ni de s'abandonner à la confiance
et à l'audace, attendu qu'on avait mis des obstacles
à ses entreprises; mais tous les autres, ne sachant
s'ils devaient désormais l'honorer ou le délaisser,
et tournant leurs regards vers Tibère, dont ils attendaient
à chaque instant la mort ou le retour, étaient en
proie à l'incertitude.
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