Texte grec :
[53,8] τίς μὲν γὰρ ἂν μεγαλοψυχότερός μου,
ἵνα μὴ καὶ τὸν πατέρα τὸν μετηλλαχότα αὖθις εἴπω, τίς δὲ δαιμονιώτερος
εὑρεθείη; ὅστις, ὦ Ζεῦ καὶ Ἥρακλες, στρατιώτας
τοσούτους καὶ τοιούτους, καὶ πολίτας καὶ συμμάχους, φιλοῦντάς
με ἔχων, καὶ πάσης μὲν τῆς ἐντὸς τῶν Ἡρακλείων στηλῶν
θαλάσσης πλὴν ὀλίγων κρατῶν, ἐν πάσαις δὲ ταῖς ἠπείροις καὶ
πόλεις καὶ ἔθνη κεκτημένος, καὶ μήτ´ ἀλλοφύλου τινὸς ἔτι προσπολεμοῦντός
μοι μήτ´ οἰκείου στασιάζοντος, ἀλλὰ πάντων ὑμῶν καὶ
εἰρηνούντων καὶ ὁμονοούντων καὶ εὐθενούντων καὶ τὸ μέγιστον
ἐθελοντηδὸν πειθαρχούντων, ἔπειθ´ ἑκούσιος αὐτεπάγγελτος καὶ ἀρχῆς
τηλικαύτης ἀφίσταμαι καὶ οὐσίας τοσαύτης ἀπαλλάττομαι.
ὥστ´ εἴπερ ὁ Ὁράτιος ὁ Μούκιος ὁ Κούρτιος ὁ Ῥήγουλος οἱ Δέκιοι
καὶ κινδυνεῦσαι καὶ ἀποθανεῖν ὑπὲρ τοῦ μέγα τι καὶ καλὸν πεποιηκέναι
δόξαι ἠθέλησαν, πῶς οὐκ ἂν ἐγὼ μᾶλλον ἐπιθυμήσαιμι τοῦτο
πρᾶξαι ἐξ οὗ κἀκείνους καὶ τοὺς ἄλλους ἅμα πάντας ἀνθρώπους
εὐκλείᾳ ζῶν ὑπερβαλῶ; μὴ γάρ τοι νομίσῃ τις ὑμῶν τοὺς μὲν πάλαι
Ῥωμαίους καὶ ἀρετῆς καὶ εὐδοξίας ἐφεῖσθαι, νῦν δὲ ἐξίτηλον
ἐν τῇ πόλει πᾶν τὸ ἀνδρῶδες γεγονέναι. μὴ μέντοι μηδ´ ὑποπτεύσῃ
ὅτι προέσθαι τε ὑμᾶς καὶ πονηροῖς τισιν ἀνδράσιν ἐπιτρέψαι, ἢ
καὶ ὀχλοκρατίᾳ τινί, ἐξ ἧς οὐ μόνον οὐδὲν χρηστὸν ἀλλὰ καὶ πάντα
τὰ δεινότατα ἀεὶ πᾶσιν ἀνθρώποις γίγνεται, ἐκδοῦναι βούλομαι.
ὑμῖν γάρ, ὑμῖν τοῖς ἀρίστοις καὶ φρονιμωτάτοις πάντα τὰ κοινὰ
ἀνατίθημι. ἐκεῖνο μὲν γὰρ οὐδέποτ´ ἂν ἐποίησα, οὐδ´ εἰ μυριάκις
ἀποθανεῖν ἢ καὶ μοναρχῆσαί με ἔδει· τοῦτο δὲ καὶ ὑπὲρ ἐμαυτοῦ
καὶ ὑπὲρ τῆς πόλεως ποιῶ. αὐτός τε γὰρ καὶ πεπόνημαι καὶ τεταλαιπώρημαι,
καὶ οὐκέτ´ οὔτε τῇ ψυχῇ οὔτε τῷ σώματι ἀντέχειν
δύναμαι· καὶ προσέτι καὶ τὸν φθόνον καὶ τὸ μῖσος, ἃ καὶ πρὸς
τοὺς ἀρίστους ἄνδρας ἐγγίγνεταί τισι, τάς τε ἐξ αὐτῶν ἐπιβουλὰς
προορῶμαι. καὶ διὰ ταῦτα καὶ ἰδιωτεῦσαι μᾶλλον εὐκλεῶς ἢ μοναρχῆσαι
ἐπικινδύνως αἱροῦμαι. καὶ τὰ κοινὰ κοινῶς ἂν πολὺ βέλτιον ἅτε καὶ ὑπὸ
πολλῶν ἅμα διαγόμενα καὶ μὴ ἐς ἕνα τινὰ ἀνηρτημένα διοικοῖτο.
|
|
Traduction française :
[53,8] « Où trouver, en effet, pour ne point parler de
nouveau de mon père qui est mort, un homme plus
magnanime que moi ou plus favorisé des dieux ? que
moi qui, par Jupiter et Hercule ! ayant des soldats si
nombreux et si pleins de valeur, des citoyens, des alliés
dont je suis aimé, maître, à peu d'exceptions près,
de toute la mer située dans l'intérieur des colonnes
d'Hercule, possédant sur tous les continents des villes
et des provinces, n'ayant plus ni guerre au dehors ni
sédition au dedans, lorsque tous vous jouissez de la
paix et de la concorde, lorsque vous êtes pleins de
force, et, ce qui est le plus important, lorsque vous
m'obéissez volontairement, me décide librement et de
mon plein gré à quitter une telle puissance, à renoncer
à un si grand patrimoine ? Ainsi, si Horatius, si Mucius,
si Curtius, si Régulus, si les Décius ont voulu
affronter le danger et la mort pour conquérir la réputation
d'avoir accompli une action grande et belle, comment
n'aurais-je pas davantage désiré de faire une chose
qui doit me donner, dès mon vivant, une gloire supérieure
et à la leur et à celle des autres hommes tous ensemble ?
Que personne de vous, en effet, ne s'imagine que les
Romains autrefois recherchaient la vertu et la renommée,
tandis qu'aujourd'hui tout sentiment viril a disparu
de Rome. Qu'on ne me soupçonne pas non plus de
vouloir vous trahir ou vous livrer à quelques hommes
pervers, ou bien vous abandonner au pouvoir de la
multitude, pouvoir qui, loin de rien produire de bon,
a constamment, pour tous les hommes, produit toutes
sortes de calamités. Non, c'est à vous, à vous les hommes
les plus nobles et les plus sages, que je remets toutes
les affaires. Jamais je ne ferais la première de ces deux
choses, lors même qu'il me faudrait mourir mille fois,
ou même exercer le pouvoir monarchique; l'autre, je
la fais dans mon intérêt particulier et dans l'intérêt de
l'État. Car je suis accablé de fatigues et de peines ; ni
mon esprit ni mon corps n'y peuvent résister davantage;
et, de plus, je prévois l'envie et la haine naturelles,
chez certaines gens, même à l'égard des hommes
les plus vertueux, et les complots qui en sont la suite.
C'est pour ce motif que je préfère la sûreté d'une condition
privée entourée de gloire aux dangers d'un pouvoir
monarchique. Les affaires communes, réglées en
commun et par plusieurs à la fois, et ne dépendant
pas de la volonté d'un seul, seront beaucoup mieux
administrées. »
|
|