Texte grec :
[38,23] ταῦτα αὐτοῦ εἰπόντος ὁ Κικέρων ἔφη "οὐ δοκεῖ οὖν σοι μέγα
κακὸν εἶναι ἀτιμία καὶ φυγή, καὶ τὸ μήτ´ οἴκοι διατρίβειν μήτε μετὰ
τῶν φίλων εἶναι, ἀλλὰ ἐκ τῆς πατρίδος μεθ´ ὕβρεως ἐκπεπτωκότα
ζῆν ἐν ἀλλοτρίᾳ γῇ καὶ ἀλᾶσθαι, φυγάδα προσαγορευόμενον, καὶ
γέλωτα μὲν τοῖς ἐχθροῖς αἶσχος δὲ τοῖς οἰκείοις παρέχοντα." "οὐδαμῇ
ἔμοιγε" εἶπεν ὁ Φιλίσκος. "δύο γὰρ τούτων ὄντων ἐξ ὧν
συνεστήκαμεν, ψυχῆς τε καὶ σώματος, καὶ ῥητῶν ἑκατέρῳ παρ´
αὐτῆς τῆς φύσεως καὶ ἀγαθῶν καὶ κακῶν δεδομένων, εἰ μέν τι
περὶ ταῦθ´ ἁμαρτάνοιτο, καὶ βλαβερὸν ἂν εἰκότως καὶ αἰσχρὸν νομίζοιτο,
εἰ δ´ ὀρθῶς ἔχοι, καὶ μᾶλλον ἂν ὠφέλιμον εἴη. ὃ καὶ σοὶ
νῦν ὑπάρχει. τὰ γὰρ δὴ ἄλλ´ ἐκεῖνα, αἱ φυγαὶ καὶ αἱ ἀτιμίαι, καὶ
εἰ δή τι τοιοῦτον ἕτερον, νόμῳ τε καὶ δοκήσει τινὶ καὶ αἰσχρὰ καὶ
κακά ἐστι, καὶ οὐδὲν οὔτε τῷ σώματι οὔτε τῇ ψυχῇ λυμαίνεται. ποῖον
μὲν γὰρ ἂν σῶμα εἰπεῖν ἔχοις νενοσηκὸς ἢ καὶ ἀπολωλός, ποίαν δὲ
ψυχὴν ἀδικωτέραν ἢ καὶ ἀμαθεστέραν γεγονυῖαν ὑπ´ ἀτιμίας καὶ
φυγῆς ἢ καὶ ἄλλου τινὸς τῶν τοιούτων; ἐγὼ μὲν γὰρ οὐχ ὁρῶ. τὸ
δὲ αἴτιον ὅτι οὐδέν σφων φύσει κακόν ἐστιν, ὥσπερ οὐδ´ ἡ ἐπιτιμία
οὐδ´ ἡ ἐν τῇ πατρίδι διατριβὴ φύσει χρηστή, ἀλλ´ ὁποῖά ποτ´ ἄν
τις ἕκαστος ἡμῶν περὶ αὐτὰ δοξάσῃ, τοιαῦτα καὶ δοκεῖ εἶναι. αὐτίκα
τὴν ἀτιμίαν οὐκ ἐπὶ τοῖς αὐτοῖς παντελῶς ἄνθρωποι νομίζουσιν
{ἐπιτιμίαν}, ἀλλ´ ἔστιν ἃ τῶν ἔργων ἐπαίτια παρὰ τισὶν ὄντα παρ´
ἄλλοις ἐπαινεῖται, καὶ ἕτερα πρὸς τινῶν τιμώμενα πρὸς ἑτέρων κολάζεται·
εἰσὶ δὲ οἳ καὶ τὴν ἀρχὴν οὔτε τὸ ὄνομα οὔτε τὸ ἔργον
αὐτῆς ἴσασι. καὶ πάνυ εἰκότως· ὅσα γὰρ μὴ προσάπτεται τῶν τῇ
φύσει τοῦ ἀνθρώπου προσηκόντων, οὐδ´ ἀνήκειν ἐς αὐτὸν νομίζεται.
ὥσπερ ἂν οὖν, εἰ κρίσις τις ἢ καὶ ψήφισμά τι ἐγένετο τὸν
δεῖνα νοσεῖν ἢ τὸν δεῖνα αἰσχρὸν εἶναι, γελοιότατον ἂν δήπουθεν
ἦν, οὕτω καὶ περὶ τῆς ἀτιμίας ἔχει.
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Traduction française :
[38,23] A ces paroles de Philiscus Cicéron répondit : "Ne
regardes-tu donc pas comme un grand mal d'être banni
et noté d'infamie, de ne pouvoir rester chez soi et au
milieu de ses amis, de vivre sur une terre étrangère,
après avoir été ignominieusement chassé de sa patrie,
d'errer de contrée en contrée avec le nom d'exilé, d'être
pour ses ennemis un objet de risée et un sujet de honte
pour ses proches ?" - "Point du tout, reprit Philiscus.
L'homme étant composé de deux substances, l'âme et le
corps, et la nature ayant assigné à chacune des biens et
des maux déterminés, ce qu'il y a de défectueux en elles
doit être seul regardé comme nuisible et comme honteux ;
mais si elles sont l'une et l'autre en bon état, c'est un
grand avantage, et cet avantage, tu le possèdes en ce
moment. Les maux dont tu parles, la dégradation
civique et d'autres accidents semblables, ne sont honteux
et funestes que d'après certaines conventions et certaines
opinions ; mais ils ne nuisent ni au corps ni à l'âme.
Pourrais-tu me citer un corps qui soit devenu malade ou
qui ait péri, une âme qui ait été rendue plus injuste ou
plus ignorante par cette dégradation, par l'exil ou par
telle autre peine ? Pour moi, je n'en vois pas, et cela vient
de ce que la nature n'a attaché aucun mal à ces accidents
de la vie. De même, la jouissance des droits de citoyen et
le séjour dans sa patrie ne sont pas des biens réels : ils
n'ont d'autre valeur que celle que nous leur donnons
nous-mêmes. Et, en effet, tous les hommes ne font point
consister l'honneur et le déshonneur dans les mémos
choses : certaines actions, blâmées chez les uns, sont
louées chez les autres, et celles qu'on récompense dans
un pays sont punies ailleurs. Enfin il est des hommes
qui, bien loin d'admettre comme une réalité ce
déshonneur dont tu parles, en ignorent même le nom, et
c'est avec raison ; car ce qui ne tient pas à notre nature ne
leur semble pas nous regarder ; et s'il est vrai qu'un
jugement ou un décret déclarant que tel homme est
malade, tel autre difforme, paraîtraient fort ridicules, il
faut en dire autant du déshonneur."
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