Texte grec :
[38,36] "οὐ τὸν αὐτόν, ὦ ἄνδρες φίλοι, τρόπον ἡγοῦμαι δεῖν ἡμᾶς
περί τε τῶν ἰδίων καὶ περὶ τῶν κοινῶν βουλεύεσθαι. οὐδὲ γὰρ τὸν
αὐτὸν ὁρῶ σκοπὸν ἰδίᾳ τε ἑκάστῳ καὶ δημοσίᾳ ἅπασιν ὄντα. ἡμῖν
μὲν γὰρ τὰ ἐπιεικέστατα καὶ ἀσφαλέστατα, τῷ δὲ δήμῳ τὰ κράτιστα
καὶ προαιρεῖσθαι καὶ πράττειν προσήκει. δεῖ μὲν γὰρ καὶ
ἐν τοῖς ἰδίοις δραστηρίους εἶναι· τὸ γὰρ ἐπιεικὲς οὐκ ἐθέλει μὴ καὶ
ἐκ τούτου σώζεσθαι· οὐ μὴν ἀλλὰ ἀνὴρ μὲν ὅστις ἀπραγμονέστατός
ἐστι, καὶ ἀσφαλέστατος εἶναι δοκεῖ, πόλις δέ, ἄλλως τε καὶ ἀρχὴν
ἔχουσα, τάχιστ´ ἂν ὑπὸ τοῦ τοιούτου καταλυθείη. ταῦτα γὰρ οὕτως
οὐχ ὑπ´ ἀνθρώπων ταχθέντα ἀλλ´ ὑπ´ αὐτῆς τῆς φύσεως νομοθετηθέντα
καὶ ἦν ἀεὶ καὶ ἔστι, καὶ ἔσται μέχριπερ ἂν καὶ τὸ
θνητὸν γένος συνεστήκῃ. τούτων οὖν οὕτως ἐχόντων, οὐδ´ ὑμῶν
οὐδένα χρὴ τὸ ἴδιον ἡδὺ καὶ ἀσφαλὲς ἐν τῷ παρόντι μᾶλλον ἢ τὸ
τοῖς πᾶσι Ῥωμαίοις καὶ εὐπρεπὲς καὶ συμφέρον προσκοπεῖν. λογίζεσθε
γὰρ τά τε ἄλλα ὅσα εἰκός ἐστι, καὶ μάλισθ´ ὅτι δεῦρο ἤλθομεν
αὐτοί τε τοσοῦτοι καὶ τοιοῦτοι ἔκ τε τῆς βουλῆς καὶ ἐκ τῶν
ἱππέων ὄντες, καὶ πλῆθος πολὺ στρατιωτῶν χρήματά τε ἄφθονα
λαβόντες, οὐχ ἵνα ῥᾳθυμῶμεν, οὐδ´ ἵνα ἀμελῶμεν, ἀλλ´ ὅπως τά
τε τῶν ὑπηκόων ὀρθῶς διοικήσωμεν καὶ τὰ τῶν ἐνσπόνδων ἀσφαλῶς
διασώσωμεν, τούς τε ἀδικεῖν ἐπιχειροῦντάς σφας ἀμυνώμεθα,
καὶ τὰ ἡμέτερα ἐπαυξήσωμεν. ὡς εἴ γε μὴ ταῦθ´ οὕτω φρονοῦντες
ἤλθομεν, τί ποτε καὶ ἀρχὴν ἐξεστρατεύσαμεν, ἀλλ´ οὐ τρόπον γέ
τινα οἴκοι καὶ ἐπὶ τοῖς ἰδίοις κατεμείναμεν; καὶ γάρ που καὶ ἄμεινον
ἦν μηδ´ ὑποστῆναι τὴν στρατείαν ἢ προσταχθέντας αὐτὴν προδοῦναι.
εἰ δ´ οἱ μὲν ὑπὸ τῶν νόμων ἀναγκαζόμενοι τὸ προσταττόμενον
ὑπὸ τῆς πατρίδος πράττειν, οἱ δὲ δὴ πλείους ἐθελονταὶ διά
τε τὰς τιμὰς καὶ διὰ τὰς ὠφελίας τὰς ἀπὸ τῶν πολέμων περιγιγνομένας
πάρεσμεν, πῶς ἂν ἢ καλῶς ἢ ὁσίως ἡμῖν ἔχοι ψεύσασθαι
καὶ τὰς τῶν ἐκπεμψάντων ἡμᾶς ἅμα καὶ τὰς ἡμετέρας αὐτῶν ἐλπίδας;
ἰδίᾳ μὲν γὰρ οὐδ´ ἂν εἷς οὕτως εὖ πράξειεν ὥστε μὴ οὐ τῷ
κοινῷ πταίσαντι συναπολέσθαι· τὸ δὲ δημόσιον εὐτυχοῦν πάσας
καὶ τὰς ἑκάστου συμφορὰς ἀναφέρει.
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Traduction française :
[38,36] "Je ne pense pas, mes amis, que nous devions
délibérer de la même manière sur nos affaires et sur
celles de la République ; car le but que chacun se propose
pour lui-même diffère, à mon avis, de celui auquel tous
les citoyens visent dans l'intérêt de l'État. Nous devons
choisir et faire, comme particuliers, ce qui est le plus
sage et le plus sûr ; comme nation, ce qui est le plus utile.
Et en effet, si les affaires privées exigent une certaine
activité sans laquelle la condition la plus modeste ne
saurait être durable, il faut pourtant reconnaître que
moins on a à faire et plus on paraît être en sûreté. Un
État, au contraire, surtout lorsqu'il a de la puissance,
serait détruit à l'instant même par l'inaction ; et cette loi,
ce n'est pas l'homme, c'est la nature qui l'a établie. Elle a
toujours existé, elle existe aujourd'hui et elle existera
aussi longtemps que l'espèce humaine. Puisqu'il en est
ainsi, aucun de vous ne doit songer, en ce moment, à ce
qui peut contribuer à son plaisir et à sa sécurité, plutôt
qu'à ce qui est honorable et utile pour tous les Romains.
Parmi les pensées qui doivent occuper vos esprits, il en
est une capitale, c'est que nous, si nombreux et si braves,
appartenant à l'ordre des sénateurs et des chevaliers,
nous sommes venus ici avec des forces considérables et
de grandes sommes d'argent, non pour vivre dans le
repos et dans l'insouciance ; mais pour établir un bon
gouvernement chez les nations que nous avons
soumises, pour mettre à l'abri du danger celles qui ont
traité avec nous, pour combattre ceux qui cherchent à
leur faire du mal et pour augmenter notre puissance. Si
telles ne sont point nos résolutions, pourquoi nous être
mis en campagne ? Pourquoi n'être point restés, ignorés
et sans éclat, dans nos foyers, pour veiller à nos intérêts
Certes il eût mieux valu ne pas nous charger de cette
expédition, que de l'abandonner après qu'elle nous a été
confiée. Si nous sommes ici, les uns contraints par les lois
d'exécuter les ordres de la patrie, mais pour la plupart,
de notre plein gré, en vue des honneurs et des avantages
que procure la guerre, comment pourrons-nous,
honorablement et sans manquer au devoir, tromper les
espérances de ceux qui nous ont envoyés et les nôtres ? Il
n'est pas un citoyen dont la prospérité ne soit détruite,
lorsque l'État est ruiné : au contraire, la prospérité de
l'État rend plus léger le malheur de tous et de chacun en
particulier.
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