Texte grec :
[38,26] καίτοι ἔγωγε ἀκούω τοῦθ´, ὅτι οὐκ ἄκων οὐδ´ ἁλοὺς μετέστης,
ἀλλ´ ἐθελοντὴς ἐμίσησας τὸν μετ´ αὐτῶν βίον, ἅτε μήτε βελτίους σφᾶς
ποιῆσαι δυνάμενος μήτε συναπολέσθαι σφίσιν ὑπομένων, καὶ ἔφυγες οὐ
τὴν πατρίδα ἀλλὰ τοὺς ἐπιβουλεύοντας αὐτῇ. ὥστ´ ἐκεῖνοι μὲν καὶ ἄτιμοι
καὶ ἐξόριστοι εἶεν ἄν, πάντα τἀγαθὰ ἐκ τῶν ψυχῶν ἐκβεβληκότες, σὺ
δὲ ἐπίτιμος καὶ εὐδαίμων, μήτ´ ἀτόπως τινὶ δουλεύων καὶ πάντα
τὰ προσήκοντα ἔχων, ἄν τε ἐν Σικελίᾳ ἄν τε ἐν Μακεδονίᾳ ἄν τε καὶ
ἄλλοθί που τῆς οἰκουμένης ζῆν ἐθελήσῃς. οὐ γὰρ δήπου τὰ χωρία
οὔτε εὐτυχίαν οὔτε κακοδαιμονίαν τινὰ δίδωσιν, ἀλλὰ καὶ αὐτὸς
ἕκαστος αὑτῷ καὶ πατρίδα καὶ εὐδαιμονίαν ἀεὶ καὶ πανταχοῦ
ποιεῖ. καὶ ταῦθ´ ὁ Κάμιλλος ἐννοήσας ἡδέως ἐν Ἀρδέᾳ κατῴκησε,
ταῦθ´ ὁ Σκιπίων λογισάμενος ἀλύπως ἐν Λιτέρνῳ κατεβίω. τί γὰρ
δεῖ τὸν Ἀριστείδην, τί δὲ τὸν Θεμιστοκλέα λέγειν, οὓς ἐνδοξοτέρους
ἡ φυγὴ ἐποίησεν· τί τὸν Ἄννιον, τί τὸν Σόλωνα, ὃς ἑκὼν ἔτη δέκα ἀπεξενώθη.
μὴ οὖν μηδὲ σὺ μήτε χαλεπόν τι τῶν τοιούτων, ἃ μήτε τῇ
τοῦ σώματος μήτε τῇ τῆς ψυχῆς ἡμῶν φύσει προσήκει, νόμιζε εἶναι,
μήτ´ ἀγανάκτει τοῖς προσπεπτωκόσιν. οὐδὲ γὰρ οὐδ´ αἵρεσίς τις
ἔστιν ἡμῖν τοῦ ζῆν ὅπως ἂν ἐθελήσωμεν, ὥσπερ εἶπον, ἀλλὰ ἀνάγκη
πᾶσα ὑπομένειν ἡμᾶς τὰ δοκοῦντα τῷ δαιμονίῳ. τοῦτο δὲ ἂν μὲν
ἐθελονταὶ ποιῶμεν, οὐ λυπησόμεθα, ἂν δὲ ἄκοντες, οὔτε ἐκφευξόμεθά
τι τῶν πεπρωμένων, καὶ τὸ μέγιστον τῶν κακῶν προσεπικτησόμεθα,
τὸ μάτην ἀνιᾶσθαι. τεκμήριον δὲ ὅτι οἱ μὲν καὶ τὰ ἀτοπώτατα
εὐκόλως φέροντες ἐν οὐδενὶ δεινῷ καθεστηκέναι νομίζουσιν,
οἱ δὲ καὶ τοῖς ἐλαφροτάτοις βαρυνόμενοι πάντα τὰ ἐξ ἀνθρώπων
κακὰ ἔχειν ὑποπτεύουσι· καὶ ἕτεροι, οἱ μὲν καὶ τὰ ἀμείνω κακῶς οἱ
δὲ καὶ τὰ χείρω καλῶς μεταχειριζόμενοι, τοιαῦτα καὶ τοῖς ἄλλοις
ἑκάτερα δοκεῖν εἶναι ποιοῦσιν οἷα αὑτοῖς εἶναι παρασκευάζουσι.
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Traduction française :
[38,26] « D'ailleurs j'entends dire que tu n'es point sorti de
Rome malgré toi ou frappé d'une condamnation, mais
volontairement et parce qu'il te répugnait de vivre avec
des hommes que tu ne pouvais rendre meilleurs et avec
lesquels tu ne voulais point périr. Ce n'est pas ta patrie
que tu as quittée, mais ceux qui trament sa ruine. Les
exilés, les hommes notés d'infamie, ce sont ceux qui ont
banni de leur âme le sentiment du bien. Toi, ton honneur
est intact et tu es heureux ; car tu n'es l'esclave de
personne et tu possèdes tout ce dont tu as besoin, qu'il te
convienne de vivre en Sicile, en Macédoine ou dans une
autre contrée. Ce n'est point tel ou tel pays qui nous rend
heureux ou malheureux : c'est plutôt chacun de nous qui
se donne et la patrie et le bonheur, en tout temps et en
tout lieu. C'est pour l'avoir compris que Camille fut
heureux à Ardée et que Scipion vécut à Liternum, sans se
plaindre. A quoi bon rappeler Aristide et Thémistocle
que l'exil a rendus plus célèbres ? A quoi bon rappeler
Annius et Solon, qui passa volontairement dix ans sur la
terre étrangère ? Toi aussi, garde-toi de considérer
comme un mal ce qui ne tient essentiellement ni au corps
ni à l'âme, et ne t'indigne pas des coups qui t'ont frappé ;
car, je l'ai déjà dit, il ne nous est point loisible de vivre
comme nous voudrions, et nous devons nous soumettre
aux épreuves que le sort nous envoie. Si notre
résignation est volontaire, nous échapperons à la
douleur ; si elle est involontaire, nous n'éviterons point
les rigueurs de notre destinée et nous nous exposerons
au plus grand de tous les maux, je veux dire à un chagrin
inutile. Ce qui le prouve, c'est que les hommes qui
supportent sans se plaindre les coups les plus terribles,
pensent n'avoir éprouvé aucun mal ; tandis que ceux qui
s'affligent des épreuves les plus légères croient être en
butte à tous les maux qui peuvent fondre sur l'homme.
D'autres enfin, se trouvant mal dans le bonheur et bien
dans le malheur, font que le reste des hommes juge de
leur condition comme eux-mêmes."
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