[10] (X) Αἰτιῶνται δὲ καὶ τὴν τάξιν αὐτοῦ τινες, ὡς οὔτε ἀρχὴν τῆς ἱστορίας
εἰληφότος ἣν ἐχρῆν οὔτε τέλος ἐφηρμοκότος αὐτῇ τὸ πρέπον, οὐκ ἐλάχιστον
μέρος εἶναι λέγοντες οἰκονομίας ἀγαθῆς ἀρχήν τε λαβεῖν, ἧς οὐκ ἂν εἴη τι
πρότερον, καὶ τέλει περιλαβεῖν τὴν πραγματείαν, ᾧ δόξει μηδὲν ἐνδεῖν· ὧν
οὐδετέρου πρόνοιαν αὐτὸν πεποιῆσθαι τὴν προσήκουσαν. Τὴν δὲ ἀφορμὴν
αὐτὸς αὐτοῖς τῆς κατηγορίας ταύτης ὁ συγγραφεὺς παρέσχηται· προειπὼν
γάρ, ὡς μέγιστος ἐγένετο τῶν πρὸ αὐτοῦ πολέμων ὁ Πελοποννησιακὸς χρόνου τε
μήκει καὶ παθημάτων πολλῶν συντυχίαις, τελευτῶν τοῦ προοιμίου τὰς αἰτίας
βούλεται πρῶτον εἰπεῖν, ἀφ´ ὧν τὴν ἀρχὴν ἔλαβε. Διττὰς δὲ ταύτας
ὑποθέμενος, τήν τε ἀληθῆ μέν, οὐκ εἰς ἅπαντας δὲ λεγομένην, τὴν αὔξησιν
τῆς Ἀθηναίων πόλεως, καὶ τὴν οὐκ ἀληθῆ μέν, ὑπὸ δὲ Λακεδαιμονίων
πλαττομένην, τὴν Ἀθήνηθεν ἀποσταλεῖσαν Κερκυραίοις κατὰ Κορινθίων
συμμαχίαν, οὐκ ἀπὸ τῆς ἀληθοῦς καὶ αὐτῷ δοκούσης τὴν ἀρχὴν πεποίηται τῆς
διηγήσεως, ἀλλ´ ἀπὸ τῆς ἑτέρας, κατὰ λέξιν οὕτως γράφων·
« Ἤρξαντο δὲ Ἀθηναῖοι αὐτοῦ καὶ Πελοποννήσιοι, λύσαντες τὰς τριακοντούτεις
σπονδάς, αἳ αὐτοῖς ἐγένοντο μετὰ Εὐβοίας ἅλωσιν διότι δὲ ἔλυσαν, τὰς
αἰτίας προέγραψα πρῶτον καὶ τὰς διαφορὰς τοῦ μή τινας ζητῆσαί ποτε, ἐξ
ὅτου τοσοῦτος πόλεμος τοῖς Ἕλλησι κατέστη. Τὴν μὲν γὰρ ἀληθεστάτην
πρόφασιν, ἀφανεστάτην δὲ λόγῳ, τοὺς Ἀθηναίους ἡγοῦμαι μεγάλους γιγνομένους
καὶ φόβον παρέχοντας τοῖς Λακεδαιμονίοις ἀναγκάσαι ἐς τὸ πολεμεῖν. Αἱ δὲ
ἐς τὸ φανερὸν λεγόμεναι αἰτίαι αἵδε ἦσαν. Ἐπίδαμνός ἐστι πόλις εἰς δεξιὰ
ἐσπλέοντι τὸν Ἰόνιον κόλπον. Προσοικοῦσιν δ´ αὐτὴν Ταυλάντιοι βάρβαροι,
Ἰλλυρικὸν ἔθνος. »
Καὶ μετὰ τοῦτο διεξέρχεται τὰ περὶ Ἐπίδαμνον καὶ τὰ περὶ Κέρκυραν καὶ τὰ
περὶ Ποτίδαιαν καὶ τὴν Πελοποννησίων σύνοδον εἰς Σπάρτην καὶ τοὺς ῥηθέντας
ἐκεῖ κατὰ τῆς Ἀθηναίων πόλεως λόγους. Ταῦτα δὲ μέχρι δισχιλίων ἐκμηκύνας
στίχων, τότε περὶ τῆς ἑτέρας αἰτίας τὸν λόγον ἀποδίδωσι τῆς ἀληθοῦς τε καὶ
αὐτῷ δοκούσης, ἐνθένδε ἀρξάμενος·
« Ἐψηφίσαντο δὲ οἱ Λακεδαιμόνιοι τὰς σπονδὰς λελύσθαι καὶ πολεμεῖν
Ἀθηναίοις οὐ τοσοῦτον τῶν συμμάχων πεισθέντες τοῖς λόγοις, ὅσον φοβούμενοι
τοὺς Ἀθηναίους, μὴ ἐπὶ μεῖζον δυνηθῶσιν, ὁρῶντες αὐτοῖς τὰ πολλὰ τῆς
Ἑλλάδος ὑποχείρια ἤδη ὄντα. Οἱ γὰρ Ἀθηναῖοι τρόπῳ τοιούτῳ ἦλθον ἐπὶ τὰ
πράγματα, ἐν οἷς ἠυξήθησαν. »
Οἷς ἐπιτίθησι τὰ ἔργα τῆς πόλεως, ὅσα μετὰ τὸν Περσικὸν πόλεμον ἕως τοῦ
Πελοποννησιακοῦ διεπράξαντο, κεφαλαιωδῶς καὶ ἐπιτροχάδην ἐν ἐλάττοσιν ἢ
πεντακοσίοις στίχοις. Ἀναμνησθεὶς δ´ ὅτι πρότερα τῶν Κερκυραϊκῶν ἦν καὶ
οὐκ ἀπ´ ἐκείνων ἔλαβε τὴν ἀρχὴν ὁ πόλεμος ἀλλ´ ἀπὸ τούτων, ταῦτα πάλιν
κατὰ λέξιν γράφει·
« Μετὰ ταῦτα δὲ ἤδη γίγνεται οὐ πολλοῖς ἔτεσιν ὕστερον τὰ προειρημένα, τά
τε Κερκυραϊκὰ καὶ τὰ Ποτιδαιατικὰ καὶ ὅσα πρόφασις τοῦδε τοῦ πολέμου
κατέστη. Ταῦτα δὲ πάντα ὅσα ἔπραξαν οἱ Ἕλληνες πρός τε ἀλλήλους καὶ πρὸς
τὸν βάρβαρον, ἐγένοντο ἐν ἔτεσι πεντήκοντα μάλιστα μεταξὺ τῆς τε Ξέρξου
ἀναχωρήσεως καὶ τῆς ἀρχῆς τοῦδε τοῦ πολέμου· ἐν οἷς οἱ Ἀθηναῖοι τήν τε
ἀρχὴν ἐγκρατεστέραν κατεστήσαντο καὶ αὐτοὶ ἐπὶ μέγα ἐχώρησαν δυνάμεως, οἱ
δὲ Λακεδαιμόνιοι αἰσθόμενοι οὔτε ἐκώλυον, εἰ μὴ ἐπὶ βραχύ, ἡσύχαζόν τε τὸ
πλέον τοῦ χρόνου, ὄντες μὲν καὶ πρὸ τοῦ μὴ ταχεῖς ἐς τοὺς πολέμους, ἢν μὴ
ἀναγκάζωνται, τότε δέ τι καὶ πολέμοις οἰκείοις ἐξειργόμενοι· πλὴν ἡ
δύναμις τῶν Ἀθηναίων σαφῶς ᾔρετο καὶ τῆς συμμαχίας αὐτῶν ἥπτετο· τότε δὲ
οὐκέτι ἐποιοῦντο ἀνασχετόν, ἀλλ´ ἐπιχειρητέα ἐδόκει εἶναι πάσῃ προθυμίᾳ,
καὶ καθαιρετέα ἡ ἰσχύς, ἢν δύνωνται, ἀραμένοις τόνδε τὸν πόλεμον. »
| [10] (X) On blâme aussi sa disposition : il n'a point commencé son histoire où
il fallait, et il ne l'a pas terminée comme il l'aurait dû. Cependant, une
des règles fondamentales de la disposition historique consiste à commencer
sans omettre aucun fait antérieur, et à unir sans en laisser aucun à
désirer. Thucydide parait avoir négligé cette règle. Ce qui donne lieu à
ce reproche, c'est qu'après avoir dit, dès le début, que la guerre du
Péloponnèse fut plus importante que toutes celles qui l'avaient précédée,
tant par sa longueur qu'à cause des calamités dont elle fut marquée, il ne
fait connaître qu'à la fin de son introduction les causes qui lui
donnèrent naissance. Ces causes, il les réduit à deux : l'une véritable et
qui n'était pas connue de tout le monde, l'accroissement de la puissance
d'Athènes : l'autre qui ne fut qu'un prétexte allégué par les
Lacédémoniens, les secours qu'Athènes avait fournis aux habitants de
Corcyre contre Corinthe; néanmoins il parle d'abord, non pas de la cause
qu'il regardait lui-même comme la véritable, mais de l'autre .Voici en
quels termes il s'exprime :
« Cette guerre éclata, parce que les Athéniens et les Lacédémoniens
violèrent le traité de paix qu'ils avaient conclu pour trente ans, après
la soumission d'Eubée. J'ai fait d'abord connaître les différends qui
amenèrent l'infraction de ce traité, afin qu'on n'ait point à rechercher
un jour d'où naquit une lutte si terrible au sein de la Grèce. La cause la
plus certaine, mais en même temps la plus cachée, qui détermina les
Lacédémoniens à cette guerre, ce fut l'accroissement de la puissance
d'Athènes et les craintes qu'elle faisait naître ; quant au motif allégué
pour la rupture des traités et la déclaration de guerre, le voici : la
ville d'Epidamne se trouve à droite, en entrant dans la mer Adriatique.
Près d'elle habitent les Taulantiens, peuple barbare de l'Illyrie, etc. »
Immédiatement, il raconte ce qui se passa à Epidamne, à Corcyre, à
Potidée, dans l'assemblée des Péloponnésiens à Sparte, et rapporte les
discours prononcés contre Athènes. Ces détails remplissent environ deux
mille lignes : c'est alors qu'il revient à la véritable cause de cette
guerre, à celle qu'il juge telle lui-même. Il commence ainsi :
« Les Lacédémoniens résolurent de rompre les traités et de déclarer la
guerre à Athènes, entraînés bien moins par les paroles des alliés que par
la crainte de voir tomber l'empire entre les mains des Athéniens, qui déjà
tenaient sous leur domination la plus grande partie de la Grèce : voici
par quels moyens ils avaient accru leur puissance.»
Là, il parle des exploits de sa patrie depuis la guerre contre les Perses
jusqu'à la guerre du Péloponnèse; ce récit abrégé et fait à la hâte a
moins de cinq cents lignes. Il rappelle que ces événements sont antérieurs
à ce qui eut lieu à Corcyre, et que ce n'est point de ces faits, mais de
la jalousie de Lacédémone contre Athènes que cette guerre prit naissance.
Il ajoute :
« Quelques années après survinrent les événements que je viens de
rapporter : on vit éclater entre Corcyre et Potidée les divisions qui
servirent de prétexte à cette guerre. Tous ces événements, ainsi que les
guerres civiles de la Grèce, et les expéditions contre les barbares,
arrivèrent dans l'espace de cinquante ans, depuis la fuite de Xerxès
jusques au commencement de cette guerre. Durant cette période, les
Athéniens raffermirent leur puissance et lui donnèrent de grands
accroissements. Les Lacédémoniens s'en aperçurent, mais ils s'y opposèrent
faiblement : ils cherchaient le repos avant tout; d'abord, parce qu'ils
n'étaient pas hommes à entreprendre la guerre en toute hâte, à moins
qu'ils n'y fussent réduits par la nécessité ; et ensuite, parce qu'ils
étaient occupés par des hostilités particulières. Mais lorsque la
puissance d'Athènes se fut visiblement agrandie, et attaqua même les
alliés de Sparte, les Lacédémoniens ne purent se contenir : ils crurent
qu'il fallait tout tenter, et marcher aux combats, pour renverser leurs
rivaux s'ils en avaient encore les moyens. »
|